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Questions autour des enlèvements à répétition en Centrafrique
Publié le vendredi 6 fevrier 2015  |  journaldebangui
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© Autre presse par Michaël Zumstein
Des hommes se réclamant des combattants anti-balaka, opposés aux soldats de la Seleka, posent avec leurs armes dans la rue principale de la ville de Njoh.
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La vague d’enlèvements observée en République centrafricaine (RCA) illustre la persistance de l’insécurité et de l’instabilité dans ce pays qui s’efforce pourtant de tourner la page


La vague d’enlèvements observée en République centrafricaine (RCA) illustre la persistance de l’insécurité et de l’instabilité dans ce pays qui s’efforce pourtant de tourner la page après deux années d’une violence politique extrême.

En janvier, en l’espace d’une seule semaine, 15 personnes, dont un ministre, ont été enlevées. Quelques jours plus tôt, un prêtre local, une travailleuse humanitaire française et une employée des Nations Unies avaient été pris en otage à Bangui, la capitale du pays. Ces trois derniers ont été libérés rapidement, mais le ministre, Armel Ningatoloum Sayo, ancien commandant rebelle, se trouve toujours en captivité.

M. Sayo, ministre des Sports et de la Jeunesse au sein de l’actuel gouvernement intérimaire, a été enlevé le 24 janvier, alors qu’il sortait d’une église de Bangui.

Ce même jour, à Kaga-Bandoro, plus au nord, une équipe qui menait une consultation publique dans l’optique d’une discussion nationale de paix et de réconciliation qui devrait commencer ce mois-ci à Bangui a été enlevée. Les otages comprenaient le préfet de la région, l’un de ses adjoints et le maire de la ville. Ils ont été retenus pendant une journée avant d’être libérés.

Enfin, la nuit du 2 février, un pasteur, sa femme et quatre autres habitants d’un village du nord du pays ont été kidnappés. Le lendemain, le pasteur était toujours retenu captif, tandis que les autres étaient libérés.

Les autorités ont attribué ces faits aux deux groupes de combattants qui occupaient le devant de la scène lors du conflit en RCA : les rebelles connus sous le nom de Seleka, qui ont été chassés du gouvernement en décembre 2013, dix mois après avoir pris le pouvoir, et les anti-balaka, un mouvement peu structuré opposé à la Seleka. Les organisations de défense des droits de l’homme ont accusé ces deux groupes d’innombrables atrocités.

À Kaga-Bandoro, un porte-parole de la Seleka a admis ouvertement que son groupe était responsable de l’enlèvement des huit membres de l’équipe de consultation, dont le véhicule et l’équipement demeurent entre les mains des ravisseurs.

Les enlèvements de Bangui sont communément attribués à des combattants restés loyaux à un commandant anti-balaka, Rodrigue Ngaibona, alias Général Andjilo, actuellement jugé pour une série de crimes incluant le meurtre, la possession d’armes de guerre, l’association de malfaiteurs, le viol et le pillage.

Première motivation : l’argent
Les ravisseurs de l’humanitaire française et du prêtre ont d’abord demandé la libération d’Andjilo de prison, mais cette revendication a été refusée. Ils ont alors demandé de l’argent aux négociateurs dirigés par monseigneur Dieudonné Nzapalainga.

«Parmi leurs revendications, les ravisseurs demandaient une aide financière, c’est-à-dire de l’argent», a dit l’archevêque. «Mais je leur ai dit que nous les prêtres, nous n’avions pas d’argent à donner.»

Selon des témoignages non confirmés de sources anti-balaka, le gouvernement français aurait versé de l’argent contre la libération des otages.

Les ravisseurs de M. Sayo ont demandé environ quatre millions de francs CFA (7 000 dollars) pour sa libération, a dit l’homme politique et ancien anti-balaka Sébastien Wenezoui lors d’une récente conférence de presse, en expliquant qu’il était entré en contact avec les ravisseurs.


Les combattants anti-balaka sont accusés de nombreux enlèvements
Deuxième motivation: la politique
La prise d’otages à Kaga-Bandoro laisse entendre que la politique est également un facteur des enlèvements récents. Dans l’optique du dialogue national, certains groupes chercheraient à imposer leur mainmise sur certaines régions du pays afin de ne pas être exclus de tout accord de partage du pouvoir.

«Le haut commandement de la Seleka basé à Kaga-Bandoro s’oppose à toute mission gouvernementale dans les régions dont elle a le contrôle», a dit Maouloud Moktar, porte-parole local du mouvement.

«Pour nous, toute collaboration avec les autorités de Bangui est désormais définie conformément aux résolutions issues des pourparlers de Nairobi,» a-t-il ajouté.

Il s’agit d’une référence aux discussions qui se sont tenues dans la capitale kényane aux mois de décembre et janvier entre un groupe dissident des anti-balaka dirigé par François Bozizé, le président renversé par la Seleka en 2013, et un groupe dirigé par l’ancien chef de la Seleka, Michel Djotodia, qui a succédé à M. Bozizé comme chef de l’État de mars 2013 à janvier 2014.

Les résolutions adoptées lors de ces réunions, dont l’établissement d’une nouvelle période de transition en RCA et l’amnistie pour toutes les parties au conflit, ont été rejetées par le gouvernement actuel et le médiateur en chef de la crise en RCA, Denis Sassou Ngesso, soutenu par la communauté internationale.

«Même s’il est peu probable qu’il ait un impact immédiat, cet accord souligne l’ampleur de la tâche à laquelle le gouvernement de [la présidente Catherine] Samba Panza s’attelle à l’heure où il cherche à organiser sa propre tribune de paix et de réconciliation dans la capitale centrafricaine», a écrit l’Economist Intelligence Unit dans une analyse transmise par courrier électronique.

«Les signataires de l’accord de Nairobi ne vont en effet probablement pas participer de manière constructive aux discussions de Bangui. Cela risque de mettre en péril l’efficacité de tout accord qui pourrait y être conclu. De manière plus générale, les manifestations en faveur de l’amnistie pour les anciens combattants pourraient constituer un nouveau point d’achoppement dans les négociations et favoriser un retour précipité vers le radicalisme,» a-t-il dit.

Après l’enlèvement de M. Sayo, le ministre de la Sécurité publique, Nicaise Karnou, a déclaré à propos des ravisseurs: «Ce groupe de terroristes est agité de l’extérieur, depuis Nairobi, dans le dessein de saper le processus de retour à la paix.»

Ce point de vue est partagé par des chefs de file de l’aile principale des anti-balaka, devenue le Parti centrafricain pour l’Unité et le Développement (PCUD). Son président, Patrice Ngaissona, a attribué les enlèvements à « un petit groupe d’anti-balaka manipulés » depuis la capitale kényane.

«Le PCUD se dissocie totalement de ce petit groupe», aurait-il dit dans une prise de position du parti.

Exaspération
Pendant ce temps, les citoyens de Bangui, déjà traumatisés par la férocité des deux dernières années de violence, exhalent leur colère.

«Si des personnalités importantes sont enlevées, on peut honnêtement dire que l’insécurité en République centrafricaine a dépassé le stade de l’alerte rouge», a écrit Augustin Doui, avocat et blogueur influent.

«Les enlèvements auraient pu être évités si les autorités de transition avaient désarmé les forces négatives», a-t-il ajouté.

«Si des humanitaires, des prêtres et un ministre peuvent être enlevés en plein jour, cela signifie que personne n’est à l’abri de l’insécurité. Que vont devenir les gens ordinaires tels que nous?» s’est demandé un commerçant sur le marché de la capitale.

La représentante de plus haut niveau des Nations Unies en RCA, la coordinatrice humanitaire Claire Bourgeois, a dit qu’il avait été conseillé au personnel humanitaire de ne pas sortir après 19 h, mais qu’il n’était pas question de restreindre les activités humanitaires. Elle a ajouté qu’il était en revanche nécessaire de «renforcer les mesures de sécurité».

Mme Bourgeois a souligné que depuis janvier 2014, 18 travailleurs humanitaires avaient été tués en RCA.
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