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Marie Noëlle Koyara « Mais être sous embargo ne veut pas dire qu’on ne peut pas utiliser les armes pour les opérations bien précises »
Publié le mardi 10 mars 2015  |  Centrafrique Libre
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© Autre presse par DR
Mme Marie Noëlle Andé Koyara, Ministre d’Etat en charge du Développement Rural
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Marie Noëlle Koyara, première centrafricaine à occuper le poste de ministre de la défense s’est confiée à Centrafrique Libre à l’occasion de la journée internationale de la femme qu’elle aborde avec une large connaissance. Aussi, en première responsable du secteur de la sécurité, la ministre d’Etat en charge de la défense nationale, situe l’opinion sur les plans du relèvement de l’armée qu’elle est en train de développer. Nous vous proposons cette interview dans son intégralité.

CL : Bonjour Madame la ministre d’Etat. La RCA célèbre à l’instar de tous les pays monde le 8mars qui est la journée internationale de la femme. Que représente celle-ci pour vous qui êtes la première centrafricaine à être à la tête de ce département stratégique de la Défense ?

MNK :Bonjour M. le journaliste, le 8 mars symbolise pour moi la lutte des premières femmes leaders dans le monde. C’est un engagement des femmes pour la défense de leurs droits. Le 8 mars est très important pour nous les femmes centrafricaines qui étions les pionnières en matière d’émancipation de la femme dans le monde. Pour votre information notre pays fait partie des premiers au monde à nommer une femme premier ministre en la personne de Mme Domitien. Depuis janvier 2014 Mme Samba-Panza est devenue la première femme à présider à la destinée de la RCA. Je suis moi- même la première femme à être promue à la tête du département de la Défense par cette dernière et on note d’ailleurs une nette amélioration du quota des femmes dans les hautes fonctions de la République centrafricaine.

Centrafrique Libre :Vous êtes agronome et Ministre d’État à la Défense, n’étiez-vous pas bien au Ministère du Développement Rural ?

Marie Noelle Koyara : je vous remercie, c’est la question qui revient tout le temps : vous êtes agronome, pourquoi vous n’êtes pas restée à l’agriculture ?. Pour vous dire la vérité je crois qu’avec tous les collaborateurs en très peu de temps, nous avons réussi à remettre en route ce Ministère qui est le nôtre. Nous avons élaboré des documents de stratégies, nous avons pu accélérer le processus du programme africain qu’on appelle le programme de recensement agricole. C’est un programme pour le développement accélérer de l’agriculture africaine. Nous avons terminé notre document de stratégie, nous avons organisé la table ronde des bailleurs de fonds et en principe à partir de celle-ci, notre pays devient éligible à tout le processus de mobilisation de ressources pour ce programme national de recensement agricole et pour la sécurité alimentaire. Les stratégies sont là, les données sont là, il suffit maintenant de les rendre opérationnelles.

CL : Mais il ne fallait pas que vous ayez plus de mois ou des années pour aboutir à un meilleur résultat, non ?

MNK : Le rôle du politique c’est de définir les stratégies et de mettre en place les différents programmes et plan d’action et le reste revient aux techniciens.

CL : Pensez-vous que vos successeurs seront ils à la hauteur des enjeux ? L’experte que vous êtes n’aurait pas été utile pour conduire le pays vers une auto suffisance alimentaire avant un éventuel départ ?

MNK : Je vous ai dit tout à l’heure que lorsque les orientations stratégiques ont été faites, il appartient aux experts, aux techniciens de les mettre en application et malheureusement dans notre pays, nous constatons que les cadres se positionnent par rapport aux ministres. Et pourtant ce ne sont pas eux qui nomment les ministres. Un ministre est nommé suite à la vision d’un président de la République pour appliquer le programme sur lequel il a été élu. Dans des pays agricoles comme le Cameroun, la Côte d’Ivoire et la Tanzanie, ce sont les cadres qui font la force d’un département. Ce sont eux qui sont les fondements d’un ministère.Les ministres viennent, ils passent, ils n’ont aucune assurance sur la durée de leur présence des les départements. Ils sont des politiques, ils partent. Mais si un ministre vient dans un département où les cadres sont performants, expérimentés, il peut en si peu de temps aboutir à un résultat probant grâce à ces acquis. Je me réjouis d’ailleurs de mon collègue des travaux publics qui était un cadre de ce ministère, ce dernier continue de travailler dans la lignée de ce que nous avons fait ensemble.

D’après les informations qui nous reviennent, mon successeur rappelle à chaque fois ce que nous avons fait ensemble. Je pense qu’il faut qu’on continue à garder ce cap. Les cadres travaillent toujours jusqu’au samedi. C’est ce qu’on faisait déjà quand j’étais à la tête de ce département.

Je pense que c’est un problème qui concerne plus nos cadres il faudrait que nous ayons des cadres expérimentés et qui s’adonnent dans les dossiers afin de dynamiser les différents programmes qui sont initiés dans ces départements.

Maintenant pour en venir à ma personne, j’étais ministre de l’agriculture déjà en 1996 avant de rentrer à la FAO. Je suis revenue ministre du développement rural et quelques mois après on a fait de ce poste un département d’État. Et comme je l’ai dit on a fait un travail de fond pour initier toutes les stratégies. Je dis souvent au passage qu’on me réduit souvent à l’agriculture, mais avec mes nombreuses expériences, je peux aussi être utile ailleurs.J’aimerais profiter de mes acquis pour montrer que je suis pragmatique et je remercie Madame la Présidente qui a bien compris le sens de cette utilité en m’envoyant aux TP pour faire un test avant de me confier aujourd’hui le département stratégique de la Défense. C’est une marque de confiance, le fait de m’avoir confié le ministère de la défense de notre territoire.

CL : La RCA est sous un embargo des Nations Unies, comment allez-vous faire pour réussir votre mission ?

MNK : Les Nations Unies ont mis notre pays sous un embargo. Mais être sous embargo ne veut pas dire qu’on ne peut pas utiliser les armes pour les opérations bien précises, c’est ce que nous allons faire dans le cadre du bataillon que nous venons de remettre en place. Nous avons un programme qui est en cours de validation avec nos partenaires. Une fois qu’il sera validé, nous écrirons à la commission de sanctions pour présenter l’importance de ce programme et par la même occasion solliciter une mise à disposition des moyens pour que nos hommes de rang soient opérationnels le plus vite possible. Une armée, ce sont des armes comme cela se dit. Donc nous comptons sur ce programme pour justifier la demande d’autorisation de port d’armes auprès de la commission de sanction.

Nous vous informons que nous avons beaucoup d’armes qui ont été saisies dans le cadre de la MINUSCA ou des différentes opérations de la SANGARIS et autres. Il y’a des armes qui ont été saisies et qui sont stockées ici. Nous allons déjà commencer par demander qu’on les mette à notre disposition pour renforcer l’unité qu’on vient de créer. Vous savez pour utiliser une arme il faut des règles, il faudrait que nous ayons une armurerie le plus vite possible pour suppléer la nôtre qui a été détruite.

CL : Vous allez construire une armurerie ?

Nous sommes en train de voir avec nos partenaires qui sont d’ailleurs d’accord (MINUSCA), nous allons rapidement construire une armurerie, nous pourrons à cet effet y déposer nos armes. Une fois que cela sera fait, les militaires seront dotés en armes et seront soumis à une autorisation à chaque qu’ils ont auront besoin.

Il faut réguler un peu les choses. Un militaire qui finit sa mission doit rendre automatiquement son arme.

Je me suis rendue compte que dans notre pays, on a aussi l’habitude de déposer les armes n’importe où. Cette négligence a fait l’objet d’une discussion lors de notre atelier. Nous devrons aussi sortir des textes pour réglementer les zones de dépôt des armes, on doit arrêter de stocker les armes n’importe où à travers le pays. Pour finir, je relève qu’il y’a un problème de texte et respect des règles au niveau de notre armée.

CL :Quelles sont vos relations avec la France, l’Union Européenne et la MINUSCA ?

Nos relations sont au beau fixe. Je saisi cette opportunité pour remercier la France et tous les partenaires qui sont actuellement à pied d’œuvre pour nous aider à faire renaître l’armée centrafricaine de ses cendres. Je remercie l’EUFOR qui nous a annoncé l’arrivée imminente de 60 experts militaires Européens qui vont être en mission pour aider à la formation et à la réhabilitation de nos forces armées. Cela veut dire que le travail que nous devons accomplir est immense.

CL : Vous venez d’être nommée ministre de la défense et vous avez en si peu de temps déjà mis un bataillon en place, peut on mettre cela à votre crédit ou à celui de votre prédécesseur.

MNK : C’est un travail d’ensemble par ce que ce bataillon a été lancé par Madame la Cheffe d’Etat suite à l’appel de la population Centrafricaine qui s’est dit mais nous sommes un pays, nous avons une armée, où sont partis nos militaires ?

Les forces internationales sont venues nous appuyer mais on ne voit pas nos forces de défense et de sécurité, notre armée est chez elle. Celui qui connait le terrain c’est celui qui est habitué à cultiver cette terre. Toute la population a demandé à revoir les FACA, aussitôt Madame la Présidente a entendu cet appel. Elle a instruit le premier ministre chef du gouvernement pour mettre des moyens à la disposition de notre armée. Ensuite, mon prédécesseur est entré en négociation avec les partenaires internationaux. Vous savez, il y’a certaines initiatives que nous ne pouvons pas prendre par ce que nous sommes sous un régime de sanction. Il fallait bien qu’on se comprenne, il y’a eu des négociations, un comité a été mis en place pour commencer à faire une sélection des troupes. Ce comité a planché sur plusieurs critères : (physique, régional, appartenance aux groupes armés etc.)

Pour éviter d’être juge et partie on a associé la communauté internationale dans ce comité.il y avait même des juges, le président de la ligue centrafricaine des Droits de l’Homme et le procureur pour voir si les militaires n’avaient pas des antécédents judiciaires et s’ils n’étaient pas recherchés par la justice internationale.Tout ce travail a été initié par mon collègue Sokambi. Quand je suis arrivée j’ai constaté qu’il y’avait un peu de retard et nous avons ensemble avec tous les collaborateurs accéléré le processus pour aboutir à cette première solution : l’opérationnalisation de ce 1er bataillon. Il nous servira de test et de base pour montrer ce dont on est capable.

CL : De nombreux officiers supérieurs centrafricains ont été formés en France, aux Etats Unis, en Chine notamment à la sérieuse école de guerre de Paris,l’école d’Etat Major de Compiègne, et pourtant deux ans après le départ du président François BOZIZE, ils n’ont pas été mis à contribution pour juguler le problème des FACA, seriez vous capable de les ramener au tour de vous dans un court délai ou de les associer à ce travail de la refondation de votre armée ?

Je vous ai dit tout à l’heure qu’il y’a plus de huit mille militaires qui avaient répondu à l’appel de la Présidente. Ils ne sont pas opérationnels par ce que le pays est sous sanction onusienne. En plus de cela, Il faut commencer aussi à faire le toilettage. Dans notre armée nous avons beaucoup de gens qui doivent aller à la retraite mais qui sont encore là. Il faut vite régulariser cette situation pour payer leurs arriérés et leurs primes de départ. Nous avons ce travail à faire, voir ceux qui ont des matricules et qui sont partis. En principe un militaire ne doit pas être absent de son poste pendant 7 jours. Passé ce délai on vous considère comme un déserteur et on demande à la gendarmerie de mener des enquêtes. Après celle-ci on le suspend automatiquement de son salaire et si ce militaire ne se présente toujours pas, on le radie. Or, depuis le début de cette crise, on a certains hommes de troupe, certains militaires d’une manière générale, officiers hommes de rang et autres, qui ont leur numéro matricule, qui sont pourtant sur l’effectif et qui ne sont toujours pas revenus.

CL : Par ce qu’ils ont été négligés, parce qu’on ne veut pas mettre des moyens à leur disposition ?

«Je constate que chez nous il y’a parfois des jeunes que les parents envoient dans l’armée juste par ce qu’on trouve qu’ils n’ont pas réussi ailleurs. Or, l’armée c’est une vocation, l’armée c’est la discipline»

MNK : Ce n’est pas par ce qu’ils ont été négligés qu’ils ne vont pas revenir. Si les huit mille quatre cent soldats n’étaient pas revenus comment aurions nous pu faire pour mettre en place des stratégies de leur retour en service. Il faut revenir. Vous savez que jusque-là on continue à payer les FACA. Ils sont payés sur les dépenses de souveraineté comme nous l’ont exigé nos partenaires. A ce jour, nous constatons qu’il y a des FACA qui sont payés et qui ne sont pas encore retournés en fonction. Nous avons fait une compagne de sensibilisation pendant un mois. Je constate que chez nous il y a parfois des jeunes que les parents envoient dans l’armée juste par ce qu’on trouve qu’ils n’ont pas réussi ailleurs. Or, l’armée c’est une vocation, l’armée c’est la discipline. Nous avons dit qu’il faut commencer à expliquer aux gens les règles déontologiques. Il faut qu’ils comprennent. Un militaire qui est absent après une semaine risque la radiation. Parce qu’être militaire c’est un engagement. On s’engage sous le drapeau, il y a certains même qui le disent, même s’il faut que notre sang coule, on va le faire »

«Il faut que nos éléments reviennent et qu’ils puissent participer activement à la réhabilitation de notre armée. Nous avons à la fois besoin de nos officiers et de nos éléments de rang pour reconstruire notre pays»

Donc nous avons commencé cette campagne qui va bientôt finir. J’ose espérer que toutes nos forces qui sont à l’extérieur vont venir ; autant être là, participer et montrer sa bonne volonté que de ne pas être présent. Parce qu’être militaire c’est un engagement. On s’engage sous le drapeau, il y a certains même qui le disent même s’il faut que notre sang coule, on va le faire. Il faut que nos éléments reviennent et qu’ils puissent participer activement à la réhabilitation de notre armée.Nous avons à la fois besoin de nos officiers et de nos éléments de rang pour reconstruire notre pays. Il y a encore une menace sur notre tête :Bokoharam n’est pas loin de nos frontières.

CL : Le KM5 n’a jamais été désarmé à l’instar de Boy-Rabé un autre quartier chaud de la capitale qui a expérimenté plusieurs opérations de désarmement, allez-vous envoyer vos troupes pour désarmer ce quartier ?

MNK : Le désarmement fait partie du mandat qui est confié aux forces internationales et tout le monde se demande pourquoi ce désarmement n’a pas commencé. Donc,ils sont conscients, nous pensons qu’ils doivent s’organiser pour commencer à désarmer. Vous avez vu il y’a même des partis politiques qui avaient fait une marche pour demander à Madame la Présidente de désarmer les groupes armés pour aller aux élections dans un climat de sécurité. Comment on va aller aux élections si le pays n’est pas désarmé ? Nos frères et sœurs sont allés dans l’arrière pays pour le dialogue, vous avez tous suivi ce qui s’est passé. Dans certaines zones, des gens armés étaient présents et sévissaient encore. Il est urgent que nous puissions envisager ce désarmement qui n’a pas été confié aux FACA.C’est aux forces internationales de désarmer les gens armés car on ne peut pas parler de la paix si les armes circulent toujours.

CL :L’ex ministre Séléka OUSMANE MAHAMAT OUSMANE a défrayé la chronique au centre ville de Bangui après que les jeunes désœuvrés « godobés » eurent découvert des armes dans sa voiture de commandement. Ce dernier se promène avec 6 éléments armés jusqu’aux dents au vu et au su des banguissois et des forces internationales, alors que le Balaka Emotion Namsio a été jeté en prison pour avoir détenu des armes dans sa voiture, n’est ce pas là une politique de deux poids, deux mesures ?

MNK : Je pense que nous n’avons pas intérêt à appliquer cette politique de deux mesures. Quand nous nous retrouvons nous tous entre Centrafricains on doit travailler selon les règles. J’aurai une réunion avec mon chef d’Etat Major le lundi,nous allons aborder ce sujet avec les autres membres de notre conseil de sécurité. On se réunit tous les lundis pour parler de la sécurité, nous allons proposer des règles pour ceux qui doivent avoir des éléments de sécurité à leur côté. Nous allons définir d’abord l’effectif, la nécessité pour eux de détenir les armes et quel type d’arme je ne peux pas vous dévoiler tout ce que nous allons faire.

Nous allons réglementer les choses. Si les forces internationales et nos forces de l’ordre tombent sur des cas similaires, elles vont systématiquement procéder au désarmement forcé.

Il ne faut pas qu’on arrête de donner l’impression que notre pays est un État de non droit. Nous sommes un pays comme tous les autres et nous devons appliquer ensemble avec le ministère de l’administration et de la justice, le respect des textes.

Interview réalisée à Bangui le 4 mars par Wilfried Maurice SEBIRO
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