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OPINION Mahamat Kamoun, Catherine Samba-Panza et les Centrafricains
Publié le mardi 2 septembre 2014  |  LNC
Georges
© Autre presse par dr
Georges Adrien Poussou, Ministre Délégué, Conseiller spécial en matière de communication du Premier ministre
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Sur ce diamannt brut niché dans l’écrin du fleuve Oubangui qu’est la République Centrafricaine, beaucoup a été dit et écrit.

À commencer par la chronique de ce gigantesque gâchis qui, cinquante-quatre ans après son indépendance, fait de cette République d’environ 5 millions d’habitants, dont la moitié à moins de 25 ans, un pays que même Nelson Mandela aurait été en peine de gouverner…

Un ovni dans le concert des nations, bonnet d’âne en matière de développement humain, alors que son potentiel, humain, minier, agricole ou énergétique, est tout simplement ahurissant.
Les responsables de ce naufrage ?
Les Centrafricains eux-mêmes, bien sûr, mais pas seulement : grandes puissances et voisins s’y sont longtemps « amusés » dans l’ombre comme on joue au Monopoly, et ce n’est pas fini.
L’avenir ?
On le souhaite enfin serein à défaut d’être radieux. C’est, à l’évidence, pour surmonter cette malédiction qui frappe le pays depuis des décennies que madame Catherine Samba-Panza a décidé de tenter l’expérience de Mahamat Kamoun, en le nommant Premier ministre, chef du gouvernement de transition.

La catastrophe annoncée après cette nomination aura-t-elle lieu ?
Nul ne le sait encore. Mais, si par extraordinaire, cette tragédie que d’aucuns souhaitent ardemment venait à se produire, ce sera la preuve par quatre que le mal centrafricain a tourné à la névrose.

À qui la faute sera-t-elle imputée?
À nous tous, bien sûr!
Car, et c’est malheureusement devenu un lieu commun que de le souligner, depuis plus de cinq décennies, une certaine élite s’est relayée pour faire dégringoler au pays la pente du déclin, sur fond de détournements de biens publics, de déficits en tout genre, d’endettement, de gabegie, d’irresponsabilité et de malheur social.

Cette élite a donc mis la Centrafrique dans le formol où ni sa vanité ni ses dénis ne l’ont empêchée de rancir, de s’aigrir.
Faute d’avoir gouverné, l’élite centrafricaine n’a plus que très peu de crédit auprès des masses laborieuses de nos villes et campagnes.

D’ailleurs, ce sentiment de la majorité de nos compatriotes va sans doute rester un bon moment. Le déclin de la classe politique centrafricaine en est une parfaite illustration.
Sa déroute, actuellement constaté, était attendue depuis des années : une grande partie du pays la vomit, lui reprochant tout et son contraire.
Ses promesses maintes fois réitérées mais jamais réalisées sont restées sur l’estomac des uns sans convaincre les autres, qui, après les paroles, attendent toujours les actes. L’élite centrafricaine et sa classe politique ont perdu sur tous les tableaux. Elles ne se relèveront pas de sitôt.
Pour l’heure, leur cas semble désespéré et on ne voit guère le Nganga ou le Marabout susceptible de faire quelque chose pour elles. C’est sans doute ce qu’il y a de plus déprimant dans la situation actuelle du pays : l’absence de perspectives. Mais comment pourrait-il en être autrement ?

Puisque certains leaders de partis politiques, à tout le moins, la plupart de ceux qui aspirent gouverner le pays après cette période de transition n’ont ni dessein, ni discours, ni stratégie, sinon celle du canard sans tête. Certains parmi eux, soutenus frénétiquement par une certaine presse, n’ont jamais cherché qu’à verrouiller l’appareil de leurs partis politiques pour s’accrocher à leurs privilèges comme une bernique. C’est le syndrome de « Fort Apache ».
Résultat : même quand ils disaient des choses intelligentes, ce qui a pu arriver, notamment sur la réconciliation nationale et le respect des institutions républicaines, ils n’étaient pas audible. Ils n’auront été que des fossoyeur de la République. Il n’y a là aucun acharnement de notre part. C’est une analyse que nous n’avons cessé de répéter depuis un certain temps contre vents et marées, et qui se confirme aujourd’hui : certains leaders politiques centrafricains ne sont pas qualifiés pour préparer l’alternance de 2015, que leur irresponsabilité pathologique met en péril.

Les raisons d’espérer

Dans le contexte actuel, marqué par l’insoutenable désintégration de l’État, faut-il avoir honte d’être Centrafricains ? Certainement pas! Car, on se remettra de cette catastrophe, nous nous sommes déjà remis de tant de choses. Tout passe. Mal. Mais ça passe. Il suffit de prendre de la hauteur, comme Nietzsche préconisait de le faire, en 1882, dans son grand livre, « Le gai savoir », face à la montée du nationalisme allemand et de la haine raciale. Le philosophe se disait accablé par « la gale du coeur et l’empoisonnement du sang nationaux à cause desquels aujourd’hui, en Europe, les peuples s’enferment dans leurs frontières et se retranchent mutuellement les uns des autres » comme pour se mettre en quarantaine. Sacré et prophétique Nietzsche. Il dénonçait la « petite politique » qui, en son temps, entretenait sournoisement les instincts grégaires des masses populaires de l’époque.

Quant à nous autres Centrafricains, notre pays ne peut être privé de toute perspective de progrès social à cause de notre désinvolture et il faut bien s’interroger sur les moyens de parvenir collectivement. Faisons preuve de lucidité à l’égard du passé, comme de l’avenir, à l’égard de nos échecs comme de nos réussites, aussi maigres soient-elles.

Constatons que les divisions, la haine tribale et les intérêts égoïstes n’ont jamais favorisé la construction d’un État respectable et respecté. Face aux réalités contemporaines, nous devons nous efforcer de conjuguer liberté et solidarité, individualisme et identité collective, efficacité économique et justice sociale, initiative et régulation, besoin de stabilité et désir de changement.

La question est donc de savoir si la politique vise à servir les intérêts d’une minorité de privilégiés voraces et insatiables ou si elle doit s’inspirer d’une exigence humaniste et universaliste pour agir ? C’est alors que l’on comprendra que notre pays ne sortira pas de sa crise actuelle en s’interrogeant sans fin sur les causes du problème qui sont d’une manière ou d’une autre connues. Mais la question qui lui est posée est moins celle, statique, liée aux origines de son effondrement que celle, dynamique, de son rapport à la sous région, à l’Afrique et au monde.

Il est urgent, nous semble-t-il, de reprendre un travail de réflexion et de proposition sur les grandes questions de l’heure. Il appartient naturellement au nouveau gouvernement qui vient d’être formé de concevoir une politique économique qui muscle notre appareil productif inexistant tout en répartissant plus équitablement revenus et richesses ; définir les valeurs autour desquelles rassembler la communauté nationale ; refaire de la Centrafrique une nation phare en matière de formation ; moderniser nos services publics et inventer une protection sociale digne de ce nom ; résoudre définitivement la question de l’insécurité en restructurant les forces de sureté et de défense, les dotant de moyens adéquats ; convaincre et détourner certains de nos voisins de leur tentation hégémonique et leurs visées expansionnistes ; inciter la France, l’ex-puissance coloniale à se poser les bonnes questions sur nos rapports avec elle qui ne sauraient être guidés par la seule boussole du paternalisme.

C’est en revenant au débat de fond que les Centrafricains construiront la République dont le peuple a besoin. La vraie façon de créer cette nouvelle dynamique, pour changer la donne en épargnant à notre pays l’oscillation entre l’instabilité permanente provoquée par la violence et les remèdes de prestidigitateurs extérieurs qui ont montré leur limite, serait de rassembler dans un même élan patriotique toutes les forces qui travaillent réellement à la construction d’une société post-Séléka.
Cette société transversale respectueuse de la dignité humaine et dans laquelle les intérêts égoïstes, les profits personnels ne seraient plus que de vieux mauvais souvenir.
Ce rassemblement de talents ne saurait emprunter la forme d’un mouvement populiste hâtivement érigé tels les collectifs-quelque-chose que l’on voit actuellement pousser comme des champignons autour de certaines personnes conjoncturellement médiatisées. Il doit plutôt répondre à la double exigence de réinventer un pays où il fait bon vivre et de s’ouvrir à la modernité. Il lui faut vite sortir de l’impasse actuelle, et, pour enclencher sa marche, opérer d’abord un retour vers ce qui est la mission fondamentale d’une élite nationale : construire ensemble une Nation.

La nouvelle génération des Centrafricains doit être au centre de cette rénovation, de ce retour au politique, comme dirait l’autre. On l’entend ces temps-ci s’exprimer, souvent pour se plaindre. Pourquoi devrait-elle se vivre comme une cohorte frustrée et impatiente ? Si elle ne se borne pas à critiquer le passé, si elle ne reproduit pas les défauts qu’elle impute à ses aînés, si elle sait faire surgir des idées nouvelles sans courir derrière la dernière mode et les ambitions démesurées, si elle ne se morcelle pas – chacun croyant pouvoir être le meilleur –, si elle prend le temps nécessaire de l’apprentissage, si elle travaille, propose et construit, naturellement, l’avenir lui appartiendra.

Georges Adrien Poussou

Ministre Délégué,
Conseiller spécial en matière de
communication du Premier ministre
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