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Centrafrique : samba-panza décourage ses alliés
Publié le mardi 9 septembre 2014  |  Centrafrique Libre
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© Autre presse par DR
Le Chef de l`Etat de la transition, Mme Catherine Samba-Panza
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Les partenaires étrangers du pays s’inquiètent de plus en plus quant à la probité et à l’efficacité du gouvernement intérimaire. Mais ils semblent désemparés.

La décision surprise de la présidente centrafricaine par intérim, Cathérine Samba-Panza, de nommer Mahamat Kamoun premier ministre, à la tête d’un gouvernement de 31 membres, a laissé sans voix ses alliés étrangers. Ceux-ci jugent que tous, dans la nouvelle équipe, n’ont pas pour priorité l’intérêt du pays, mais ils n’osent pas réagir de peur d’être accusés de harcèlement. Par ailleurs, des fonds accordés au gouvernement ont disparu, et le FMI est si inquiet de la situation qu’il a suspendu toutes ses opérations à Bangui.

Lors d’une allocution radiodiffusée le 22 aout, Samba-panza a mis en garde l’opinion publique contre des « manœuvres quotidiennes destinées à déstabiliser les autorités transitoires et à mettre en danger la souveraineté » du pays. Assurant avoir choisi le premier ministre après de larges consultations et estimant qu’il était, elle a ajouté : »Contrairement à certaines personnes arrogantes qui n’ont pas leur place dans ce pays en temps de crise, M. Kamoun est un modèle d’humilité, ce à mon sens est un grand atout ». Selon elle, il était le meilleur candidat.

Ce n’est pas l’opinion qui prévaut à l’étranger. Les voisins de la Centrafrique, le Tchad et le Congo-B sont déçus, tout comme l’Union africaine(UA), la Communauté des Etats de l’Afrique Centrale ( CEEAC), l’Union européenne(UE), l’Organisation des Nations unies(ONU) et la France. Leur inquiétude se focalise sur le choix du premier ministre et la présence de nombreux amis et relations de la présidente au sein du gouvernement.

La longue saga qui a abouti à la nomination de kamoun, le 10 août, a marqué une rupture entre Samba-Panza et les alliés internationaux du pays. Le 1er août, la présidente par intérim a appelé le ministre français des affaires étrangères, Laurent Fabius, pour l’informer qu’elle allait nommer premier ministre Abdou karim Meckassoua pour succéder à André Nzapayèkè. Selon nos informations, et contrairement à ce que la présidente a déclaré publiquement la semaine suivante, c’est elle qui a avancé le nom de Meckassoua et non Fabius ou le médiateur officiel Denis Sassou Nguesso, président du Congo-B. mais les deux hommes se sont montrés satisfaits : Meckassoua semblait l’homme de la situation.

Né dans une vielle famille centrafricaine de commerçants musulmans, il n’a aucun lien avec la milice musulmane Séléka et ses relations avec le président déchu François Bozizé Yangouvonda étaient tendues après 2005. Meckassoua possède une très grande expérience politique et entretient de bonnes relations avec toutes les communautés religieuses. Après avoir été haut fonctionnaire, ministre et parlementaire dans son pays, il a connu de beaux succès en tant qu’homme d’affaires au Congo-B. Après son retour en Centrafrique, il est devenu ministre des télécommunications puis ministre de la planification par intérim durant deux dernières années du régime de Bozizé. Il bénéficie d’excellents contacts dans la région, ainsi qu’en France et en Belgique, et n’a jamais été accusé de détournement de fonds publics.

Toutefois, le 4 août, Samba-Panza a de nouveau rencontré les représentants internationaux, y compris ceux de l’ONU, de l’UA, de la CEEAC, de l’UE et de la France. Elle a déclaré qu’elle n’obéirait » pas à la France en nommant Meckassoua, mais qu’il figurait sur une liste de candidats potentiels qu’elle étudiait.

Meilleure note

Comme prévu, la présidence a annoncé le lendemain la démission de Nzapayèkè. Des consultations avec les partis politiques devaient suivre pour désigner son successeur et former le nouveau gouvernement. Le 9 août, la présidence a organisé une « marche pour la paix », au cours de laquelle Samba-Panza a prononcé un discours très provocateur. Elle a déclaré qu’elle ne céderait pas à la pression extérieure, réaffirmerait la souveraineté nationale et ne serait pas «présidente à moitié »,avec des fonctions purement honorifiques. Dans la soirée, elle a de nouveau rencontré les représentants internationaux et annoncé qu’elle nommerait premier ministre l’un de ses conseillers, en l’occurrence Mahamat kamoun, expliquant que c’est lui qui avait recueilli la meilleure note(27sur33) selon le système d’évaluation mis au point par son équipe-dont il faisait partie.

Lorsque le vice président de l’UA chargé de la médiation, l’ancien ministre malien Soumeylou boubèye Maïga, s’est enquis du score des autres candidats, dont Meckassoua et l’ex ambassadeur auprès de l’ONU Charles Armel Doubane, Samba-Panza a botté en touche, déclarant que la décision était prise. Le 10 août, un décret présidentiel nommait Kamoun premier ministre du gouvernement transitoire.

Haut fonctionnaire au ministère des finances et au trésor jusqu’en 2007, kamoun a ensuite demandé l’asile politique aux Etats Unis. Il est rentré en 2013 pour devenir chef de cabinet du leader de la Séléka, Michel Djotodia, qui avait renversé Bozizé. Les combattants de la séléka ont pillé la résidence de Kamoun lorsque Djotodia a quitté la présidence et est parti à Cotonou(bénin), en janvier dernier. Au cours du même mois, kamoun a rejoint l’entourage de Samba-Panza, dont il est devenu l’un des conseillers les plus influents.

Toute fois c’est à sa campagne, Rachel Ngakola, que Kamoun doit sa promotion. Celle-ci a été nommée chef adjointe de la direction générale des douanes et droits indirects peu après l’arrivée de Kamoun au cabinet présidentiel, et en est devenue directrice générale en février. Ngakola est une amie proche de de Samba-Panza-et même sa cousine, selon l’AFP. Elle a largement financé la campagne de cette dernière lors du choix du président par le Conseil national de transition (CNT), et a même payé sa caution. Du coup, Kamoun est surnommé «le beau frère » dans les bars de Bangui.

Localement, sa nomination n’a guère suscité l’enthousiasme. Fonctionnaire sans aucune expérience politique, comme Nzapayèkè, il a en outre été accusé de détournement de fonds publics en 2006-2007, avant d’être blanchi par la justice locale. Le passé de sa campagne n’est guère plus reluisant. Une délégation de diplomate avait demandé à la présidente par intérim de la démettre au motif qu’elle se montrait «trop gourmande».

Pour les représentants étrangers, cette nomination est une véritable claque. «Menteuse», »manipulatrice », «de mauvaise foi» : tels sont les termes qui reviennent à propos de Samba-Panza. Le 22 août, la nomination du gouvernement, après une nouvelle semaine de discussions acharnées avec le médiateur Sassou-Nguesso, a montré que la crise politique était loin d’être terminée. Selon nos informations, le président du CNT et la plupart des partis politiques ont soutenu le président congolais.

Toutefois, aucun plan d’action ne semble à l’ordre du jour. En janvier 2014, Samba-Panza avait été choisie largement comme chef de l’Etat par intérim grâce au soutien de l’ONU, de la France et du général Noël Léonard Essongo, représentant du médiateur officiel. Au regard des 17 critères retenus par le bureau du CNT pour sélectionner des candidats potentiels, la plupart des politiciens de carrière avaient été éliminés, y compris Meckassoua. Parmi ceux qui restaient , Samba-Panza était apparue comme un bon choix : femme, entrepreneur, récemment entrée en politique en tant que maire de la ville de Bangui-un poste auquel elle avait été nommée par Djotodia après que Kamoun la lui avait été présentée, selon nos informations-et appréciée. Mais en réalité, rares étaient ceux qui la connaissaient bien.

Pouvoir temporaire

Les grandes questions de gouvernance qui se posent aujourd’hui ne sont pas nouvelles. Elue par le CNT, un organisme sans grande légitimité, Cathérine Samba-Panza ne devait rester au pouvoir que de façon temporaire. Ses pouvoirs sont encadrés par plusieurs textes, qui remontent à l’accord de Libreville de janvier 2013.Mais, aucun responsable international n’étant venu lui rappeler la différence entre son titre intérimaire et celui d’un chef d’Etat de plein droit, cette différence a semblé s’amenuiser jour après jour dans son esprit.

Ses alliés internationaux n’ont pas non plus réagi lorsqu’elle a formé son gouvernement et placé Nzapayèkè à sa tête. Selon la charte transitoire, le premier ministre dirige le gouvernement. Mais ce dernier n’a été autorisé à nommer que le ministre des affaires étrangères, la présidence et son entourage choisissant tous les autres. Résultat : l’autorité de Nzapayèkè sur le gouvernement n’était que de façade. La plupart de ses membres étaient issus de Bangui et des environs. Certains faisaient même partie de l’entourage proche de Samba-Panza. D’autres étaient issus de la diaspora et n’avaient qu’une compréhension superficielle de la situation sur le terrain, surtout en dehors de la capitale. On a ainsi dit que Nzapayèkè s’était jamais aventuré plus loin que le quartier PK 12 de Bangui. Samba-Panza, elle, n’a effectué que deux brèves visites hors de la capitale en plus de sept mois, à Mbaïki et Bouar sous forte protection des troupes françaises.

Si la communauté internationale a vite soupçonné les amis et relations de la présidente de vouloir capter les fonds publics, ces inquiétudes n’ont pas déclenché de mobilisation. Le silence est devenu assourdissant lorsque l’Angola a décidé de faire don de 10 millions de dollars au gouvernement, en avril. A la demande de la délégation centrafricaine à Luanda(dont kamoun faisait partie), un premier versement a été effectué en liquide et changé en francs CFA à Douala(Cameroun), à un taux exorbitant. Environ 400 millions de FCFA(810 000) ont été perdus dans cette transaction, selon nos informations. Un second versement, d’un montant d’environ 3milliards de FCFA a été déposé sur un compte à Bangui, avant de s’évanouir. C’est cet incident qui a conduit le FMI à geler ses opérations. D’autres décisions comptables qui se sont révélées totalement ineptes ont ébranlé la confiance de l’institution dans le gouvernement, selon une source financière à Bangui.

Bangui bruisse de rumeurs de corruption. Des politiciens haut placés auraient ainsi acquis des appartements à Neuilly-sur-seine, près de Paris, à Cotonou et à Lomé(Togo). Les fonctionnaires ne sont plus payés depuis des mois. Les bailleurs de fonds n’ont pas ouvert d’enquête, alors même que la défense de l’éthique faisait partie de leurs priorités. Lors de la conférence de Brazzaville, qui a abouti à un cessez-le-feu provisoire le 23 juillet, il est apparu évident qu’il fallait changer de gouvernement. Samba-Panza a promis de de procéder à un remaniement, comme elle l’a fait en mai.

Le premier ministre n’a toutefois accepté de quitter son poste qu’après avoir obtenu le rang( et le salaire) d’ambassadeur. Dans sa lettre de démission, il remercie Denis Sassou Nguesso, mais aussi le président angolais, José Edouardo Dos Santos, geste inhabituel en Centrafrique. Selon des membres du CNT et d’autres politiciens, il aurait reçu environ 300millions de FCFA.

Faute d’avoir agi plus tôt, les membres de la communauté internationale ont de plus en plus du mal à se faire entendre. D’autant que les gouvernements et les institutions internationales ne sont pas tous sur la même longueur d’onde. L’ONU semble divisée. Selon nos informations, le sénégalais Abdoulaye Bathily, représentant spécial du secrétaire général pour l’Afrique centrale, a adressé un rapport très critique au Conseil de Sécurité, le 13 août, concernant le gouvernement intérimaire. C’est lui qui avait empêché la réunion de Brazzaville de capoter et qui, avec Maïga, a maintenu le contact entre les délégations. Le général Babacar Gaye, représentant spécial chargé de la Centrafrique, lui aussi Sénégalais, qui a joué un rôle important dans le choix de Samba-Panza, s’était rendu à New-York la veille briefer le conseil de sécurité, après avoir demandé à Bathily de se montrer moins dur dans son rapport.

La France trahie

En privé, les autorités françaises ont le sentiment d’avoir été humiliées. Fabius, qui voyait en Samba-Panza une amie, se sent trahi. Peu populaire dans l’hexagone, l’opération sangaris coûte plus de 800 000 euros par jour, sans véritable enjeu à la clé pour la France. Le président François hollande a bien expliqué que son pays pouvait assurer l’ordre, mais qu’il revenait à d’autres de résoudre la crise. A paris, beaucoup estiment désormais qu’il faut retirer les troupes le plus tôt possible, mais les autorités ne veulent pas être tenues responsables d’une éventuelle reprise des violences.

L’attitude de Samba-Panza pourrait toutefois conduire le parlement français à refuser de prolonger le mandat de Sangaris, en décembre, ou à exiger une forte réduction de ses effectifs. Sassou Nguesso va lui aussi se retrouver en position de faiblesse s’il ne réagit pas. Lors du sommet de Luanda, en juin, le président tchadien, Idriss Déby Itno, lui a franchement dit que sa médiation avait échoué, selon une source présente.

En tant que médiateur, le chef d’Etat congolais était censé superviser le processus politique et s’assurer que les accords conclus étaient respectés. Cela s’est révélé difficile, d’une part parce qu’il n’assure pas un suivi constant, se montrant tantôt pointilleux, tantôt distrait, et d’autre part parce que son représentant à Bangui, Essongo, semble jouer son propre jeu et n’a pas toujours fidèlement reflété les opinions du médiateur.

Sources AFRICA CONFIDENTIAL( Edition française)
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