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Hassen Chalghoumi «le conflit centrafricain n’a rien à voir avec la religion»
Publié le jeudi 18 septembre 2014  |  Journal De Bangui
L’Imam
© Autre presse par DR
L’Imam Hassen Chalghoumi
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Le président de la Conférence des Imams de France, séjourne à Brazzaville avec à la clé, d’importants entretiens axés sur la paix et le dialogue inter-religieux

D’abord et surtout, ce tête à tête de plus de deux heures avec le chef de l’État congolais, Denis Sassou N’Guesso. Au président de la République du Congo, et médiateur dans la crise centrafricaine, Hassen Chalghoumi a partagé sa vision d’organiser une conférence mondiale sur la paix à Brazzaville. Dans cette interview exclsusive avec Les Dépêches de Brazzaville, Hassen Chalghoumi revient sur les enjeux de ce rendez-vous souhaité entre les religieux.

Vous êtes à Brazzaville depuis le 12 septembre dernier. Qu’a ce qui a dominé votre séjour de travail?
Hassen Chalghoumi. Nous avons eu l’honneur de rencontrer le médiateur de la crise centrafricaine, le chef de l’État congolais Denis Sassou N’Guesso. Avec lui, nous avons parlé pendant plus de deux heures de la situation en Centrafrique. Ça été une rencontre importante. Outre la Centrafrique, nous avons parlé d’autres crises internationales, telle que la montée des extrémistes Boko Haram ; la détérioration de la situation au Kenya ou au Nigeria... Enfin, nous avons parlé avec Denis Sassou N’Guesso de la possibilité d’organiser une conférence mondiale sur la paix, car le monde en a besoin. Actuellement, il y a autant d’efforts sur le plan international pour lutter contre les extrémistes afin de rétablir la paix au Moyen-Orient, précisément en Irak et en Syrie. Nous avons rencontré aussi le président de la communauté musulmane du Congo, El Hadj Djibril Abdoulaye Bopaka. Nous avons été reçus également par l’archevêque de Brazzaville, Mgr Anatole Milandou. Nous avons prévu une conférence des musulmans le mardi 16 septembre qui nous permettra de dissocier l’Islam des barbares, et surtout de parler de l’actualité à l’intérieur de notre communauté.

Le conflit qui déchire la République centrafricaine (RCA) a des répercussions inter-religieuses. Aviez-vous lors de votre passage en Centrafrique discuté avec les responsables religieux de ce pays?
Ce conflit n’a rien à voir avec la religion. Je ne crois pas qu’une religion puisse inciter à la haine, à la vengeance. C’est ça d’ailleurs qui m’a poussé dès le début en France, à lancer un appel. La France s’est mêlée tout de suite en intervenant en RCA ainsi que la Francophonie qui a l’histoire commune avec la Centrafrique. En même temps, j’ai vu que certains journalistes me parlaient de jeunes djihadistes en Syrie qui parlaient déjà de la Centrafrique. Alors que sur place, beaucoup de personnes étaient assassinées. J’ai eu la crainte que ce conflit ne soit récupéré par des fanatiques ; et que des barbares qui ne connaissent rien de l’histoire et qui sont faibles d’esprit posent des actes terribles contre des églises en France ou ailleurs. C’est ainsi que nous, les modérés, qui croyons en la paix, avions pensé aider ce peuple en évitant que des drames comme celui de Mera et d’autres se multiplient. Je suis arrivé donc en Centrafrique avec trois Imams, tous Africains avant qu’ils ne deviennent Français. Nous avions rencontré le Premier ministre et la présidente de la République.

Je suis un imam proche de la communauté juive, un imam qui a vu des camps de concentration, ce qui n’est pas différent des camps de concentration que j’ai vu en Centrafrique. À Yaloké, les 660 personnes ne peuvent pas sortir à l’extérieur de ce camp sinon qu’elles risquent leurs vies. Même l’autorité m’a dit qu’elle ne peut pas les sortir de ce lieu, car incapable de leur garantir la protection. C’est horrible ! Personnellement, j’ai dit que je suis en train de voir des choses que j’ai vues en Allemagne. Et dire même qu’au kilomètre 5, ça fait pratiquement sept mois que les gens sont dans la même situation faite d’absence d’aide humanitaire.

Qu’aviez-vous dit aux Centrafricains?
Nous leur avions dit qu’ils sont tous des Centrafricains, c’est-à-dire des frères et sœurs, qu’ils devaient vivre ensemble, être unis, restés ensemble. Nous avons déploré aussi l’absence et la faiblesse de l’État. Ces extrémistes ont pris toute une communauté en otage. C’est dire que les Balaka, Séléka ou les anti-Balaka, sont tous des hors-la-loi, ils portent des armes. Et nous avons essayé de bousculer l’autorité, en lui demandant pourquoi jusqu’à ce jour on ne désarme pas ces extrémistes et pourquoi la situation n’est pas débloquée. Il ne faut pas donner l’occasion à des extrémistes comme Boko-Haram de récupérer le conflit ou de récupérer des jeunes centrafricains qui ne croient plus à la paix. Parce que j’ai entendu des jeunes dire que si on était des chrétiens on n’allait pas subir cela, qu’il y a l’Otan qui bombarde. J’ai dit à la représentante de l’agence humanitaire des Nations unies que ces propos sont dangereux. J’ai amené dix Imams à Rome et en France où ils ont vu l’autorité française, ils se sont adressés aussi à la presse pour dire que ce n’est pas un conflit religieux et qu’ils sont des frères chrétiens et musulmans vivant ensemble. D’où, nous pensons qu’il faut une vraie volonté. Et, c’est là où on s’est adressé pendant plus de deux heures au médiateur international dans le conflit centrafricain, le président congolais, lui qui est la personne clé par rapport à ce conflit.

Certes vous dites que ce conflit ne concerne pas la religion mais peut-on continuer de croire en la bonne cause prêchée dans les mosquées ou les églises?
Si on regarde un barbare tuer les chrétiens d’Orient, on va dire que c’est la religion. Mais si on voit la situation de 418 mosquées détruites en Centrafrique, on voit une vengeance. La réalité est qu’il faut regarder derrière. Ce n’est pas la religion, car un religieux ne peut pas faire ça. Un barbare, un criminel, un terroriste, un inhumain qui a perdu la foi et la sagesse oui, mais je ne peux pas parler d’un vrai criminel au nom de la religion. Les musulmans que j’ai vus tout à l’heure à Brazzaville se sont des vrais musulmans, différents de ceux de Boko-Haram.

Peut-on espérer un meilleur dialogue entre les chrétiens et les musulmans, y compris au Congo-Brazzaville et ailleurs ? Est-ce que vous allez impulser cette dynamique de brassage entre les deux communautés afin que le message passe?
Vous l’avez dit vous-même, lorsqu’on voit l’image de l’assassinat d’un chrétien ça fait mal à l’humanité entière. L’image positive ça fait du bien et nous avons besoin des images positives. L’image qu’on a vue aujourd’hui, c’est l’image de l’Afrique qui a le mérite, des gens qui vivent des décennies et des siècles en harmonie, en paix, dans la fraternité. C’est pour cela qu’il faut les matraquer dans d’autres pays. En France, nous aurons des rencontres inter-religieuses entre chrétiens d’Orient (mes frères), et entre les chrétiens en France et les musulmans et surtout dans les pays africains. Déjà le lundi 22 septembre à 11 heures, j’irai à l’ambassade du Kenya en France déposer une gerbe de fleurs et faire une prière en mémoire des 67 personnes qui ont été assassinées parce qu’elles n’étaient pas religieuses. Comment peut-on accepter, en plein 21è siècle, des gens qui ont des idées pareilles. Il y a quand même de l’inquiétude comme a dit l’archevêque de Brazzaville. Si les religieux n’ont plus d’espoir en cette fraternité que le Dieu de l’amour et de la paix nous offre, comment pouvons-nous alors la donner aux hommes politiques?
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