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Anicet Georges Dolonguélé: "L’espoir est plus que jamais permis"
Publié le samedi 18 avril 2015  |  Journaldebangui
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© Autre presse par DR
Anicet Georges Dolonguélé, ancien Premier ministre de la RCA, ex-président de la Bdeac et leader du parti URCA
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L’ancien Premier ministre de la RCA, ex-président de la Bdeac et leader du parti URCA, revient sur la crise qui a secoué son pays, le Forum de Bangui, les actions à mener pour une paix durable

Depuis la chute de Bokassa en 1979, la RCA semble condamnée à un cycle d’instabilité qui annihile les espoirs des générations entières, ce qui serait comparable à un drame shakespearien. Pensez-vous que l’espoir est toujours permis?
L’espoir est plus que jamais permis. J’entends souvent le raisonnement selon lequel ce pays ne disposerait d’aucun leader politique apte à le diriger. Sur la base de ce raisonnement, l’accession au pouvoir de certaines personnalités a été favorisée et quelquefois organisée, uniquement parce celles-ci n’avaient précisément pas de personnalité. Cela peut paraître accommodant pour certains intérêts, mais quand un Etat n’est pas géré, il entre progressivement dans un processus de déliquescence. Quand vous y ajoutez la manipulation de l’armée à des fins politiciennes et son démantèlement pour les mêmes fins, le scénario du cycle d’instabilité que vous décrivez était écrit d’avance. Aujourd’hui, nous avons l’impression d’avoir touché le fond de l’abîme, mais le pire n’est jamais certain.

Cependant, je constate que la prise de conscience de notre descente aux enfers est désormais devenue collective et qu’un sursaut patriotique est perceptible chez chacun de mes compatriotes, ce qui est une évolution très encourageante. Des élections présidentielles seront organisées dans quelques mois, dans des conditions inédites. En effet, ce sera la première fois dans l’histoire du pays qu’une compétition de cette importance soit organisée sans qu’un dirigeant au pouvoir n’y soit candidat. Cela veut dire en théorie que tous les candidats partiront avec des chances égales. De plus, nous assisterons peut-être à un saut générationnel, car la majorité des candidats aura moins de 60 ans et beaucoup d’entre eux ont reçu une formation universitaire de qualité et mené une carrière professionnelle plutôt honorable. Tous ces éléments peuvent vous paraître anodins, mais dans le contexte de l’histoire politique de mon pays, ils participent à l’espoir d’une évolution très positive de la RCA dans les prochaines années.

Au lendemain de la chute de François Bozizé, la RCA a vu planer le spectre d’une scission, avec une séparation entre musulmans et chrétiens de part et d’autre. Cela remettrait en cause les idéaux du père de l’indépendance Barthélémy Boganda, nonobstant la guerre ouverte entre Séléka du nord et anti-Balaka du sud. Selon vous, ce spectre de scission est-il derrière les Centrafricains?
Cette idée de scission n’est pas née au lendemain de la chute de François Bozize, puisque la coalition Séléka a disposé de tous les leviers du pouvoir pendant 10 mois. Mais ses dirigeants ont fait montre d’une réelle incapacité à gérer l’Etat et à maîtriser le climat d’extrême violence qu’ils ont eux-mêmes contribué à créer dans le pays. Les Chefs d’Etat de la Ceeac ont dû contraindre le président Djotodia et son Premier ministre à la démission, pour mettre en place une nouvelle transition. Le dirigeants de la Séléka se sont dès lors repliés dans les villes de l’Est du pays et ont agité le chiffon de la scission. Il m’est difficile de penser que cette logique de scission soit basée sur une séparation géographique des musulmans et des chrétiens, puisque le territoire qu’ils imaginaient de gouverner est peuplé à 90% de chrétiens et d’animistes. D’un autre côté, vous ne trouverez pas beaucoup de musulmans centrafricains qui souhaitent quitter les villes et villages où ils ont leurs racines pour aller vivre sous la coupe d’individus qui, de par leur comportement irresponsable, ont contribué à l’éclosion de représailles violentes et aveugles des anti-Balaka sur des paisibles populations musulmanes.

Parce que le véritable problème est là: il y a eu très peu d’affrontements armés entre les milices Séléka et les anti-Balaka et donc ce que vous nommez « guerre ouverte » n’a jamais eu lieu. Chacun de ces groupes a pris pour cible les populations civiles, innocentes et désarmées. Chacun a instrumentalisé l’identité confessionnelle pour justifier des actes qui relèvent du grand banditisme et de graves atteintes aux droits humains. Le Forum de Bangui pour la Réconciliation nationale sera une opportunité pour donner la parole aux Centrafricains et vous verrez que personne ne souhaite laisser le pays de Barthélémy Boganda évoluer vers une logique de scission. La question ne se posera peut-être plus, puisque les dirigeants de l’ex-Séléka ont multiplié ces derniers mois des déclarations pour marquer leur attachement à l’unité nationale.

Depuis votre départ de la Bdeac en 2010, on ne parlait plus assez souvent de vous. D’aucuns vous reprochent même cet éloignement du pays. Mais depuis un moment, on vous sent très engagé. Qu’est-ce qui explique cette motivation ? Est-ce le moment pour vous de prendre enfin les règnes du pays?
J’avais effectivement pris un peu de recul depuis après mon départ de la Bdeac, non pas parce que je souhaitais m’éloigner du pays (je n’y vivais plus depuis 2001), mais parce j’avais besoin de réfléchir à l’orientation que je devais donner à mon engagement politique. L’extrême violence des hommes de la Séléka sur les populations en 2013 m’a définitivement convaincu que je ne devais plus demeurer loin des cercles de décision sur la vie politique de mon pays, mais que je devais en devenir un acteur majeur. C’est pour cela que j’ai annoncé dès le mois de juin 2013 mon souhait de me porter candidat aux prochaines élections présidentielles.

La RCA est dans une transition dirigée par Catherine Samba-Panza après le départ forcé de Djotodia. Quelle lecture faites-vous de la situation politique actuelle?
Les moyens d’action d’un gouvernement de transition sont toujours très limités. La mission de l’actuel gouvernement consiste essentiellement à ramener la paix et la sécurité, avec l’appui des forces internationales, et à organiser les élections présidentielles et législatives. La transition a déjà été exceptionnellement prorogée de 6 mois, mais de nouveaux retards sont déjà enregistrés dans l’organisation du dialogue national et des élections générales. Il faut reconnaître que la situation sécuritaire très difficile n’a permis au gouvernement de transition d’administrer qu’une partie de la capitale Bangui, jusqu’à une période récente. Le déploiement progressif de l’administration dans l’arrière-pays avec l’appui des forces internationales est une bonne nouvelle. En définitive, la situation politique du pays ne pourra se normaliser qu’avec un pouvoir légitime, issu des urnes.

Etes-vous partie prenante des pourparlers inter-Centrafricains menés par le médiateur de la Ceeac, le président congolais Sassou Nguésso ?
J’ai participé au Forum de Brazzaville en juillet 2014 et prendrai une part active à celui de Bangui, qui se tiendra dans les semaines à venir. La réconciliation nationale est une étape très importante que nous devons absolument réussir si nous voulons donner une chance à la reconstruction de notre pays et à la reconquête de notre unité nationale. Le président Sassou Nguesso, médiateur international dans la crise centrafricaine, joue un rôle déterminant dans ce processus.

Comment avez-vous personnellement apprécié les pourparlers menés à Nairobi entre les partisans de Bozizé et de Djotodja décrié par le reste de la communauté internationale et certains acteurs politiques centrafricains ?
Les conclusions de ces pourparlers ont été rejetées par la communauté internationale et par la quasi-totalité de la communauté nationale. J’en fais partie.

Vous êtes candidat aux élections présidentielles en RCA. Pensez-vous au stade actuel de la transition que ce calendrier sera respecté?
Ma candidature ne deviendra effective que si je suis désigné par mon parti l’Union pour le renouveau centrafricain (URCA) pour porter son projet politique. Le Congrès du Parti sera organisé dans les prochaines semaines pour, entre autres, investir son candidat aux prochaines élections présidentielles. S’agissant du calendrier, nous avons tous intérêt à ce qu’il soit respecté. L’Autorité nationale des élections (ANE), le Groupe international de contact, la Minusca et le gouvernement travaillent dans ce sens, malgré les retards que j’ai signalés.

En termes de projet politique et économique, que proposez-vous aux Centrafricains ?
Dans un pays en ruines comme la RCA, tout doit être réorganisé, construit ou reconstruit. Tout est urgent, tout est important. Cependant, il est impossible de reconstruire en quelques années ce que nous avons systématiquement détruit depuis près de 20 ans, ou ce que nous n’avons pas réussi à construire depuis l’indépendance. Il faut donc fixer des priorités. Le projet politique de l’URCA est bien résumé dans sa devise : Rassemblement, Paix, Développement.

Pour mettre fin au cycle d’instabilité, il faut sortir le pays de la pauvreté en créant des richesses et des emplois. Le seul moyen d’y arriver est d’attirer le secteur privé et de lui offrir toutes les conditions pour mettre en valeur nos immenses potentialités naturelles, tant dans le domaine de l’agriculture et de l’élevage que dans celui de l’économie forestière, des mines et du tourisme.

Or, le secteur privé ne se développera que si le pays est en paix, si la sécurité est garantie sur toute l’étendue du territoire, si la justice est efficace et impartiale, si les droits de l’homme sont respectés et la démocratie ancrée, si l’administration est organisée, opérationnelle et moins corrompue, si les ressources humaines sont bien formées et en bonne santé, si l’énergie électrique est disponible et si les infrastructures routières essentielles existent et sont entretenues. Nous avons les moyens de réussir ces défis urgents, qui représentent la trame de notre projet politique et économique.

Vous êtes sans ignorer que la tâche serait immense, car la RCA est à reconstruire du fait que le pays est presque sous tutelle depuis un moment, avec la présence des armées étrangères, le destin du pays est décidé loin de la RCA. Comment comptez-vous repositionner le pays dans le concert des nations ?
La balle sera désormais dans le camp des futurs dirigeants centrafricains que nous souhaitons devenir. La présence des armées étrangères permet de garantir un minimum de sécurité dans le pays, pendant que nous organiserons la réinsertion des anciens rebelles et la reconstruction de nos forces de défense et de sécurité. Quant à la reprise en mains de notre destin, elle dépendra de la crédibilité de l’action gouvernementale. Un pays est respecté et consulté quand ses dirigeants sont réputés crédibles et sérieux.

Vous êtes un ancien collaborateur de feu le président Patassé, tout comme votre successeur à la primature à cette époque Martin Ziguélé. Comment comptez-vous vous déployer politiquement ? Allez-vous procéder à des alliances ou faire cavalier seul pour ne pas se compromettre?
Je dois ma carrière politique au président Ange Félix Patassé, qui a cru en moi alors que je n’étais pas membre de son parti. J’ai le devoir d’honorer sa mémoire. S’agissant des prochaines élections, nous serons un certain nombre de compétiteurs, chacun avec ses forces et ses faiblesses. Des alliances se noueront avant les élections, entre les deux tours et même après la proclamation des résultats définitifs. C’est le jeu démocratique. La seule chose que je peux vous dire avec certitude, c’est que le candidat qui fera cavalier seul n’aura rien compris à l’ampleur de l’ouragan que notre pays est en train de traverser. Il faudra simplement veiller à ne pas bloquer l’action gouvernementale à travers des alliances nouées exclusivement sur des bases politiciennes. Les populations ne nous les pardonneraient pas, car leurs attentes sont immenses.

Etes-vous pour une élection inclusive où Djotodia et Bozizé pourraient être autorisés à se présenter?
Avant d’être un homme politique, je suis d’abord un citoyen. A ce titre, je ne vois pas par quel miracle les deux anciens chefs d’Etat que vous citez pourraient se bonifier. Le gouffre dans lequel ils ont déjà individuellement et collectivement plongé leur pays est abyssal ! Ils pourraient au moins avoir pitié de lui, à défaut de se repentir!

A quand votre retour en RCA ?
J’y suis installé depuis septembre 2012.

En guise de conclusion, quel message aurez-vous à lancer au peuple centrafricain, aux pays africains et au reste du monde qui se trouve au chevet de la RCA par le biais de la mission des Nations unies chargée de stabiliser la situation en RCA?
L’élan de solidarité vis-à-vis de mon pays, même s’il a été tardif, est remarquable et a permis de sauver des milliers de vies humaines. Je voudrais profiter de votre tribune pour remercier les pays de l’Afrique centrale, l’Union africaine, la France, l’Union européenne et les Nations unies pour l’assistance militaire, financière et humanitaire qu’ils n’ont cessé de déployer depuis le début de cette crise. A mes compatriotes, je leur dis simplement que je les aime.
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