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Tout le monde aime la Centrafrique, mais nous ne nous aimons pas
Publié le lundi 4 mai 2015  |  Les Plumes de RCA
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Nous sommes au Pichet, un bon restaurant, un merveilleux cadre très africain, tout en demeurant très européen, avec la bonne gastronomie d’Europe. Nous y retrouvons Lionel Ganne Béfio qui n’est pas inconnu du public centrafricain, de la communauté centrafricaine, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays. Fils de Centrafrique, exilé depuis la chute du Président Ange Félix Patassé, il est aujourd’hui un acteur économique à Abidjan, en Côte d’Ivoire où il dirige cet établissement.

Après avoir vécu plus de 25 ans en terre Bê Africa, Lionel, toujours attaché à ce pays que l’on appelait « la Petite Suisse d’Afrique Centrale », nous livre ses commentaires sur l’actualité centrafricaine, ses souvenirs de Bangui la Coquette et son espoir pour une nouvelle RCA. Au micro de LNKG, Lydie Nzengou Koumat-Gueret, il s’est confié pour les Plumes de RCA.

Qui êtes-vous précisément Lionel, ce Lionel connu de tous les centrafricains ?

Bienvenus au Pichet. Connu en Centrafrique, oui, je veux dire un peu, particulièrement parce qu’il y a une raison d’abord. Je suis arrivé en Centrafrique en 1979 où j’étais venu pour m’occuper de la gérance du Rock Hôtel en restauration et la boîte de nuit qui à l’époque s’appelait le Skotch. C’était en 79, juste après le coup d’Etat qui a renversé le président Bokassa, à l’époque l’Empereur. Par la suite, je me suis impliqué dans pas mal d’activités et entre autre le football, à travers l’équipe de Tempête Mocaf d’où la raison pour laquelle je suis connu car j’ai été à la tête de ce club pendant 15 années. 15 années de grand bonheur et aussi qui m’ont permis de connaître l’intérieur du pays à travers différents déplacements, rencontres d’autres dirigeants de club et mon intégration dans la vie active de la cité de Bangui à l’époque. Cela est aussi dû aux différentes activités que nous avions aussi à l’époque dans le monde de la restauration, de la nuit, à travers le Tropicana avec Annie, l’Equateur, la Pizzéria Santa Lucha, tout cela créé par nous et le très célèbre Songo Night qui vient de disparaître il n’y a pas très longtemps après trente années de bons et loyaux services pour la jeunesse centrafricaine, une grande partie qui aimait venir s’amuser là. On pouvait dire que c’était la plus ancienne boîte de nuit qui restait dans la capitale avec celle du National Hôtel du défunt Zagui, paix à son âme.

Quel regard portez-vous aujourd’hui sur cette RCA qui vous avez connue ?

Oh, un grand regard de tristesse ! Une grande tristesse car il ne se passe pas un jour sans que je ne pense à la RCA, ce qu’elle a été, la façon dont les gens vivaient à l’époque et jamais, jamais, jamais, une seule fois dans mon esprit il ne me serait venu une image de ce que je vois, ce que j’ai vu à la télévision. Un pays qui était pacifique, où tout le monde s’entendait, où il y avait très peu de problème entre Centrafricains, arriver à se déchirer comme cela, pour moi cela va rester un mystère. Qu’est-ce qui a pu déclencher cette haine, comment, pourquoi et par qui ? Nous attendons la suite parce que je pense que le pays a pris beaucoup de retard. Plus il prendra du retard, plus les haines vont s’attiser. Mais les responsabilités sont sur le dos de tout un chacun. Je dirai qu’en ce moment, tout ce qui se passe à Bangui n’a ni queue, ni tête.

Et à l’heure où Bangui s’apprête à organiser ce fameux Forum tant attendu et ses élections qui vont arriver, quel message pouvez-vous adresser aux Centrafricains que vous connaissez, au peuple centrafricain ?

Je finirai en adressant un message de paix. Mais pour commencer je pense que cette histoire de Forum, Forum par-ci, Forum par-là, Forum de-ci, Forum de ça, fatigue les gens, fatigue à un tel point qu’on se demande si nous sommes encore sérieux, si la RCA est un pays sérieux. Un Forum je pense, Forum d’unité et de paix vraiment sérieux. Je pense que celui-là est encore fait dans la précipitation. Le pays n’est pas organisé, n’a pas encore de stabilité. On veut impliquer des gens dans ce Forum, des gens qui sont tout de même marqués par la situation actuelle, donc acteurs, anciens acteurs. Je vois mal, je vois très mal aujourd’hui comment cela pourrait aboutir. Un Forum pourquoi faire ? Pour s’échanger des postes, des situations ? S’échanger une assise politique ? La RCA n’a pas besoin de cela aujourd’hui. La RCA a besoin d’un leader ou d’une leader avec le temps, reconnu par la Communauté Internationale car il y a vraiment un grand travail à faire qui ne se fera pas en un jour. Voilà ce que moi je pense, ce que moi j’ai à dire, ce que je ressens vraiment.

Aujourd’hui vous êtes en Côte d’Ivoire. Parlez-nous de ce pays, de vos activités, pourquoi avoir choisi la Côte d’Ivoire. Est-ce après avoir quitté Bangui que vous êtes venu directement ici ?

Vous savez, j’ai tout de même vécu 25 ans en Centrafrique et j’ai eu une période de ma vie où j’ai servi le Président Patassé. Je l’ai servi avec amour et surtout en pensant vraiment pouvoir rendre service à beaucoup de gens à Bangui. Cette période m’a appris beaucoup de chose, dans le bien comme dans le mal. Il y a eu de très bonnes périodes, de mauvaises périodes et je me suis aperçu que beaucoup, beaucoup de Centrafricains n’étaient pas mûrs on va dire pour la politique. Tout est toujours rattaché au régionalisme, à la famille, aux intérêts particuliers, mais pas en ce qui devrait être celui du peuple centrafricain. Aucun homme d’Etat ne devrait se permettre diriger un pays en ne pensant qu’aux siens. Il faut aussi penser aux autres. La RCA est un grand pays mais très peu peuplé, avec beaucoup de richesse. Les richesses partout servent à quoi, sont-elles bien exploitées ? Là est la question, car les Centrafricains sont un peuple qui ne demande qu’à ne vivre que pacifiquement, qui n’est pas exigent. Il n’y a pas trop de fonctionnaires, il n’y a pas une grosse armée, je pense que c’est un pays dans la logique des choses qui devrait être facilement « remontable » pour retrouver la voie du développement. A l’heure actuelle, tout ce qui se passe c’est dans les faits contraires. Le trou se creuse tous les jours, tous les jours, tous les jours, tous les jours. Pour en revenir au Forum, on demande un Forum. Déjà j’entends que ce Forum aurait déjà un but de destituer ce gouvernement de transition. Mais il faut laisser le temps au temps. Il faut laisser le temps au temps. Je pense que la Présidente Catherine Samba Panza est habilitée à faire un bon travail ! Mais moi je le dis aujourd’hui le délai est trop court. Ne vaut-il pas mieux avoir un délai de cinq ans pour faire une bonne transition qu’une période de cinq ans à se faire la guerre. Moi je choisis la première solution. Laissons voir venir les choses d’autant plus qu’avec toutes les institutions internationales qui sont là-bas, les Nations-Unies, les observateurs, la présence aussi des troupes de l’Armée française qui donne un poids pour la stabilité. Laissons les faire, laissons les nous aider ! Pourquoi tous les jours les critiquer. C’est la faute à qui ? Ils sont là pour ça. Je dis il faut prendre l’exemple sur la Côte d’Ivoire qui s’est acclimatée de la présence des troupes étrangères, vous en avez partout dans la sous-région, elles sont là en observation, pour calmer des conflits, des haines tribales, intervenir dans des petits conflits qi peuvent dégénérer en conflits nationaux. Je dis il faut laisser faire les gens. Il faut les laisser travailler ! Une stabilité politique amènera une stabilité financière et des aides financières. La RCA est un pays qui est aimé par tout le monde. J’ai l’expérience il y a quelque mois, un matin, je cherchais des photos d’archives de la Centrafrique. On n’en trouve pas. Vous allez taper sur Google, vous allez en trouver sur la période de Bokassa, un petit peu sur la période pré-coloniale, mais il y a presque rien, c’est vide, il n’y a pas d’archives. Donc en m’amusant j’ai créé une page qui s’appelle Bangui hier et aujourd’hui et dans les premiers jours j’étais surpris, beaucoup d’anciens français qui étaient là-bas et que je ne connaissais pas, m’ont demandé comme ami, à devenir membres. Ces gens-là m’ont sorti des anciennes photos, des photos de la vie de Bangui, Bangui avant et j’ai compris pourquoi Bangui s’appelait Bangui la Coquette. J’ai compris pourquoi. J’ai compris. Qu’est-il arrivé pour que pendant une période de cinquante ans on parle d’un pays qui était choyé, qui était recommandé de tout le monde que l’on appelait même à l’époque si mes souvenirs sont bons la petite Suisse d’Afrique Centrale et qui est devenu aujourd’hui une terre maudite ? Je ne sais pas, que l’on m’explique ! Ou alors je ne sais pas, quand le bon Dieu est passé au-dessus de la RCA peut-être qu’il y avait un délestage avec l’ENERCA (Energie Centrafricaine), il ne nous a pas vus, il nous a oubliés, il y a quelque chose qui n’est pas normal. Le Centrafricain est bon, je veux dire sur 25 ans j’ai vécu 15 années vraiment heureux. On pouvait se déplacer dans l’arrière-pays, on pouvait partir en weekend, on pouvait aller voir les animaux. Pauvres animaux, il n’en reste plus, même eux ont subi les contrecoups des différentes crises, même eux. Ils font partie de l’une des plus grandes richesses, la faune centrafricaine. Voilà donc pour finir je dirai oui je suis triste tous les jours. Le peuple tous les jours subit le contrecoup. C’est un peuple patient, patient, patient. J’observe sur le site Bangui hier et aujourd’hui que les gens s’aiment dans les quartiers à travers des matchs de football, à travers la rénovation de petites mosquées. Ça c’est la Centrafrique, ça c’est Bangui. Et c’est gens-là le font avec leur propre moyen. Pourquoi aller investir encore des milliards et des milliards dans un Forum au Ledger Palace ? Cet argent à l’heure actuelle pourrait servir à autre chose. Quand on veut faire de la politique il faut aussi avoir les moyens de faire de la politique. Il faut avoir des moyens, avoir une assise, ne pas toujours demander. Qui va encore payer ce Forum ? L’argent va venir d’où ? On sera encore tributaire de quelqu’un. Je suis vraiment désolé et triste, on n’assume pas. Les leaders politiques de la Centrafrique n’assument pas. N’importe qui aujourd’hui peut se lever et dire « je veux me présenter à l’élection pour être Chef d’Etat ». C’est bien beau tout cela, il faut avoir les moyens, les capacités de pouvoir le faire, une assise politique, un parti politique. Combien de parti il y a aujourd’hui en Centrafrique ? Combien veulent se présenter à l’élection présidentielle ? Ça commence même à faire rire les gens ici, partout dans le monde !

Que représentent pour vous les hommes politiques en Centrafrique?

Ah ! C’est une question ! Ce sont toujours les anciens qui reviennent, il n’y a pas de renouveau.

Nous avons besoin de renouveau, est-ce que vous en voyez, où sont les nouveaux ?

Ils préfèrent critiquer ceux qui essayent de faire certaines choses ailleurs qu’à Bangui, on va dire une certaine partie de la diaspora dans des réunions, à Paris, Washington, Londres. La réalité c’est sur le terrain. A l’heure actuelle, il n’y a pas de nouveaux, citez-moi à part nos dirigeants anciens qui sont sur le terrain, citez-moi un leader ou une leader, nouvelle génération, qui arrive avec des nouvelles techniques et une autre vision de la chose, qui ne va pas s’arrêter seulement à sa région, mais qui va penser à la RCA toute entière ! Moi je n’en connais pas pour l’instant.

Est-ce qu’ils n’existent pas ou ils ont du mal à percer, ou il y a un barrage, on ne les laisse pas percer. La RCA est-elle en manque de ressources humaines en mesure d’apporter du sang neuf, une vision claire au pays ?

Je vais vous répondre quoi ? Un exemple. Nos étudiants, les universités, elles ne fonctionnent pas, fonctionnent-elles bien ? Nous avons je pense un peu près aujourd’hui 15 ans « de trous » à travers toutes les écoles. Le Lycée Technique n’existe plus, il est cassé, l’Université, il n’y a plus rien. Elle a été la plus grande Université d’Afrique Centrale. Le Lycée Technique qui pareillement était reconnu dans toute la sous-région ! Que sont devenus ses fleurons de l’époque ? Les Camerounais venaient faire des études en Centrafrique, les Tchadiens, les Zaïrois de l’époque venaient aussi faire leurs études à Bangui. Ces gens-là, c’est fini. Demandez-leur à ces gens-là qui ont fait des études, passé leur baccalauréat, licence à Bangui qui doivent approcher la cinquantaine. Il faudrait les retrouver et leur demander ce qu’ils pensent de la RCA. Aujourd’hui on n’a plus rien ! Trouvez-moi quelqu’un qui a un Bac, un vrai Baccalauréat ! Il y a eu combien d’années blanches ? La main d’œuvre, il n’y a plus de Lycée Technique. A part le petit bricoleur qui arrive à se débrouiller au KM5 ou ailleurs, on n’a plus de main d’œuvre. Vous prenez la main d’œuvre à la Brasserie Mocaf, elle est vieillissante. Demain, quand les anciens disparaîtront, la relève va être difficile, très difficile ! Bien sûre qu’elle existe la main d’œuvre, mais celle qui est compétente n’arrive pas à trouver d’emploi. On a cassé l’outil industriel, cassé les petites usines, cassé les menuiseries, les garages, on a tout cassé ! A part la téléphonie et la Brasserie qu’est-ce qui nous reste ? Les grands magasins ont été cassés, en province ils ont cassé ! A Bossangoua, même le Pont bascule a disparu ! Le tissu économique de la province n’existe plus. Tout a été cassé ! Moi je plains la jeunesse centrafricaine aujourd’hui ! Ils vont tous partir à droite à gauche pour retrouver un emploi et être une sous-main d’œuvre dans la sous-région. Ce que je dis est grave mais c’est malheureusement la réalité.

Etes-vous optimiste ou pessimiste sur le devenir de notre pays la Centrafrique ?

Bien sûr que je suis optimiste mais il faut laisser le temps au temps ! Ça fait combien d’année que l’on parle de Forum de ci ? En fin de compte la RCA est sous tutelle de toutes les grandes puissances de la sous-région ! Tchad, Cameroun, Gabon, Congo. Voilà les dirigeants de la Centrafrique à l’heure actuelle. Qu’on arrête une fois pour toute de se critiquer, de tourner et de revenir en arrière. Forum pourquoi ? Pour laver le linge sale ? Combien de fois on l’a fait ?

Il y a peut-être eu plusieurs Forum, mais cette fois-ci le bémol, la petite cerise sur le gâteau serait que l’on parle pour une fois de justice ?

Si la justice est appliquée à ce Forum j’en connais beaucoup qui ne vont pas venir alors ! Beaucoup. A mon avis ils ne vont pas avoir leur place. Il faut rester logique. On ne peut pas faire une bonne mayonnaise avec des œufs pourris ! On ne va pas faire un bon ngoudja avec des feuilles de cocotier ! Non il faut évoluer, pourtant il y a l’intelligencia à Bangui. Je suis les jeunes sur les sites, qui ont une bonne vision des choses. Ces jeunes-là aujourd’hui à Bangui, qu’est-ce que l’on peut leur proposer ?

Ou qu’est-ce qu’ils peuvent proposer pour la RCA ?

Je suis d’accord, pour pouvoir proposer c’est une question de moyens, de ressources. Un jeune qui va venir s’installer à Bangui, qui a un travail en Europe ou ailleurs, qui vit dans des conditions de confort normal, au-dessus de l’ordinaire, il va faire quoi s’il n’a pas un travail ? Combien de postes il y-a-t-il dans le tissu économique centrafricain, combien de postes de cadre pourrait-on trouver aujourd’hui ? En dehors de l’administration, c’est tout de même très limité. Dans le secteur bancaire, les gens qui viennent aujourd’hui, ce sont tous des expatriés africains d’accord mais il y a très peu de Centrafricains au plus haut niveau en tant que cadres. Je suis désolée, il n’y a pas de travail.

Je reviens sur votre page facebook Bangui hier et aujourd’hui, une page réussie, n’avez-vous pas envie de capitaliser ce succès ? Vous faites l’unanimité autour de cette page.

Regardez cette page, je dis qu’elle doit rester apolitique pour ceux qui ont l’amour de la Centrafrique, étrangers comme Centrafricains. C’est la devise de la page. J’ai beaucoup de chose qui me font plaisir sur cette page, c’est d’ailleurs les remerciements que je reçois par certains jeunes qui ont toujours vécu en Europe et qui découvrent comment était la Centrafrique avant et qui me remercient tous les jours. Cela pour moi est déjà une grande réussite. Après, ça dérape parfois, il y a tout de même la mentalité centrafricaine qui reprend le dessus où l’on ne peut pas dialoguer 10 minutes sans que l’on vienne à parler du passé et « s’engueuler » parce que l’on n’est pas du même bord ! Nous n’avons pas encore la maturité. Je suis désolé, le Centrafricain n’a pas encore la maturité ! Je le vois tous les jours si l’on doit faire l’analyse de cette page. Je crois qu’il y a plus de musulmans que de chrétiens sur cette page et qui participent en restant courtois. Il y a des représentants des partis politiques qui sont là qui participent ! Cela n’a pas été facile, aujourd’hui on a réussi. J’ai nommé beaucoup de membres à tenir une ligne de conduite. A ma grande surprise jamais quand je l’ai créée il y a quelque mois, on m’aurait dit qu’au bout de 8 mois, il y aurait plus de 17 mille membres, jamais je ne l’aurais cru ! Donc tout est possible ! Encore une fois dans le dialogue, il faut de la patience, tout ne se fait pas en un jour ! Et je ressens bien qu’il y a quelque chose sur ces photos ! Il y a des milliers de photos aujourd’hui ! Les gens peuvent se servir de cela ! On peut parler de belles photos de Bangui jusqu’aux années 1990. Là il y a de belles photos, là on reconnait Bangui. Après ce sont des photos de désolation, on voit des militaires, des chars. Et aujourd’hui en 2015, on voit des photos horribles qui ne sont pas sur la page. Si un touriste veut venir en Centrafrique, il ne va tomber que sur des photos de guerre, de désolation, de villages incendiés, détruits. Ça aussi c’est quelque chose ! Normalement les hommes se font la guerre entre eux. Si j’ai un problème avec quelqu’un, si je dois me battre, c’est avec lui, je ne vais pas aller détruire son champ, son poulailler ! Pourquoi aller tout détruire systématiquement ? Je n’arrive pas à comprendre, je ne comprends pas ! C’est une aberration ! Avant de parler de Forum, il aurait fallu nettoyer les provinces, tous ces bandits de grands chemins qui font n’importe quoi !

J’ai ouïe dire que votre désir le plus secret serait de rentrer et d’aller finir vos vieux jours à Bangui ?

Ce n’est pas un désir secret effectivement oui. Je vous ai dit tout à l’heure il n’y a pas un jour où je ne pense pas à Bangui ! Mais à l’heure actuelle des choses… On va dire mon surnom était Doli yo mènè, l’éléphant à la grande bouche. A l’heure actuelle c’est beaucoup trop prématuré pour moi ! Oui je veux retourner à Bangui, bien sûr j’y retournerai mais pas dans ces conditions-là ! Je veux pouvoir discuter comme c’était avant, m’arrêter au KM5, à Combattant, voir des copains sur le bord de la route, boire une Mocaf, manger un peu du michoui sans aucune crainte, sans être à l’affût d’un coup de fusil ! Non, non, non ! La vie ce n’est pas ça ! J’espère, je commence à prendre de l’âge, j’espère qu’un jour j’y retrouverai tous les vieux copains qui sont encore vivants parce que malheureusement il y en a beaucoup qui disparaissent de plus en plus. On n’est plus tellement nombreux, mais il en reste encore.

Vu de l’extérieur on se dit Lionel se retrouve dans un pays qui marche, qui fonctionne, qui a du potentiel, de la vie, mais il y a toujours cette fibre le rattachant à la RCA. Quel et ce quelque chose que la RCA a de plus ?

Je suis arrivé deux jours après la chute du Président Gbagbo. J’ai vu ce pays redémarrer, déjà commencer par un grand toilettage dans les rues et j’ai vu ce pays démarrer à nouveau en six mois. Je me suis posé la question mais pourquoi ça va aussi vite, c’est vrai qu’il y a d’autres intérêts économiques, mais pourquoi ça va aussi vite ? Puis un jour je suis arrivé dans une banque et je faisais la queue comme tout le monde, j’attendais un western union. Ce jour-là, c’était la première banque qui ouvrait, il y avait beaucoup de monde ! Et je me suis aperçu qu’il y avait des anciens qui étaient là et qui devaient aussi attendre des western union de leur famille en Europe et qui étaient en train de se moquer les uns des autres. Il y avait des anciens d’Houphouët, de tous les présidents qui sont passés, toutes ethnies confondues, habillés en chemise baoulée ou non, en tenue musulmane ou pas, bref tout le monde attendait, tout le monde faisait la queue et tout le monde se moquait les uns des autres ! J’ai vu un ancien baoulé qui disait à un jeune musulman, « toi maintenant que tu es au pouvoir, on va voir ce que tu vas faire ? En tous cas tu fais la queue comme nous, c’est bien » Et tout le monde rigolait. L’ivoirien a un humour que nous n’avons pas ou que nous avons perdu et je pense que cela a beaucoup aidé les ivoiriens. Il y a encore des problèmes certainement, il ne faut pas croire que tout est rose, mais quand vous voyez ce qui se passe ici… Et pourquoi ce deux poids, deux mesures ? Vous avez des pays en Afrique de l’Ouest qui pour un oui un non touchent des aides colossales, bien sûr qu’il y a ici de l’agriculture, le cacao, mais les gens travaillent. Nous de toutes façons on ne peut plus le faire, on ne peut plus couper le bois, parce que ce sont des zones insécurisées, le diamant il part on ne sait où, il n’est plus centralisé à Bangui, c’était l’une des premières richesses, ce ne sont que les bandits de grands chemins qui en tirent profit. Notre fameux café n’existe plus, le coton on n’en parle plus, là encore tout cela était nos richesses ! La faune, la flore sont pénalisées. Il reste quoi ? Il reste quoi ? Vous croyez que l’on doit attendre le Forum pour faire revenir tout cela ? Je dis non, il y a d’autres choses à faire, plus importantes. Pour retrouver une stabilité politique, redonner la confiance aux gens et surtout rétablir la sécurité à Bangui, soyons sérieux, vous pensez que deux ans (termes de la Transition) c’est suffisant ? Même avec tout l’appui de la Communauté Internationale, il faut arrêter de rêver, la RCA n’est pas un terrain de football, la RCA c’est 1 fois ½ la France !

Un dernier message à l’endroit des Centrafricains ?

Chers frères, chers sœurs, inutile de vous dire que pour notre beau pays j’ai beaucoup d’amour ! Tout ce que nous vivons tous les jours me fait beaucoup de peine car j’aimerai tellement revoir l’ambiance d’antan. Vous pourrez reconstruire le pays, mais s’il vous plaît, par amour de Dieu oubliez un peu le passé, parce que s’il faut pardonner, il faut pardonner à tout le monde pas seulement pardonner aux siens ou ceux qui sont proches de vous. Il faut pardonner à tout le monde, mais pas n’importe comment, je dis bien pas n’importe comment.

Que la RCA revive en paix. Singila mingui.
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