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Centrafrique: entre chrétiens et musulmans, le mur invisible de Boda
Publié le dimanche 24 mai 2015  |  AFP
L’archevêque
© Autre presse par DR
L’archevêque de Bangui, Monseigneur Dieudonné Nzapalahinga
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"Il y a un mur invisible. On est comme dans une prison", affirme Bouburori Bindowo, musulman, maire adjoint de Boda. Entourés d’une population chrétienne souvent hostile, plusieurs milliers de musulmans vivent retranchés dans un quartier de cette ville minière du sud de la Centrafrique.

"Boda-la-Belle" a été défigurée par les violences inter-religieuses qui ont plongé le pays dans le chaos en décembre 2013. Toutes les boutiques du centre-ville et le marché ont été détruits. Des murs en ruines composent cette zone tampon.

Plusieurs massacres, notamment d’éleveurs peuls par les milices chrétiennes anti-balaka, ont eu lieu dans la région en 2014. Les musulmans, qui ont aussi commis des exactions, se sont alors réfugiés dans l’enclave qui a compté jusqu’à 6.000 personnes.

"La situation est calme depuis deux mois, selon un militaire de la Minusca, Evariste Mitolo qui souligne toutefois la tension: "La maladie vient vite, mais elle guérit lentement".

Les soldats congolais de la force onusienne sont installés sur la colline dominant la ville diamantifère de 11.000 habitants. Vivant à quelques mètres l’une de l’autre, les deux communautés ne se fréquentent plus.

Cicatrices de coups de machette sur le visage et sur le crane, Saidou Bouba a le regard perdu dans le vide. Le 25 mars 2014, alors qu’il tentait de fuir avec sa famille, des anti-balaka ont attaqué à Ngkontikili, près de Boda. Il a été laissé pour mort. Ses deux femmes, dont une enceinte, et ses quatre enfants ont été tués. Saidou est aussi ruiné, ayant perdu ses "357 boeufs".

- Nulle part où aller -

Les musulmans ne peuvent sortir de l’enclave et vivent essentiellement de l’aide humanitaire. "On ne peut plus travailler dans les mines, plus aller dans les champs, chercher du bois de chauffe, faire du commerce, voyager... On vend nos biens pour vivre", explique Bouburori Bindowo, qui résume: "On n’a pas les moyens de partir mais pas les moyens de rester".

Dans l’enclave, des jardins sont apparus. "Nous cultivons pour avoir de quoi manger, explique Garba Amadou, 57 ans, qui fait pousser gombos, salades et choux. Sa famille dort à même le sol faute de lit.

"Nous n’avons nulle part où aller. Nous sommes des fils du pays", déclare Ahamat Ali en se promenant sur les ruines de sa boutique. Lui et ses collègues ont perdu des sommes de 50 à 100 millions de CFA (75.000 à 150.000 euros), dit-il. La plupart des grosses boutiques comme les mines de diamants avoisinantes étaient contrôlés par des musulmans, suscitant des jalousies qui ont pu aggraver la crise.

"La vie est trop dure. Il n’y a pas d’argent, pas de nourriture", résume Awa, 18 ans, un seau d’eau sur la tête. Des habitants assurent que de l’autre côté de la ville, les chrétiens "attendent pour les tuer". "Il y a toujours les anti-balaka. Ils ont des armes", dit un homme.

Côté chrétien, les mêmes accusations: "Il y a là-bas (côté musulman), une poudrière (arsenal) enterrée. Les gens vivent dans la peur", jure un notable.

L’adjudant-chef de la gendarmerie qui s’est réinstallée sur la frontière invisible reconnait: "Il y a des armes cachées des deux côtés mais ce n’est pas le moment de tenter de désarmer, c’est trop tôt. On attend le DDR (programme de désarmement, démobilisation et réinsertion)".

- ’Justice d’abord’-

Des femmes désherbent à la machette, un chat est mis au jour. Il est aussitôt poursuivi par des dizaines de personnes. Une femme le tue d’un coup de machette. "C’est normal. Il n’y a rien à manger. Même pas un poulet dans la ville", remarque un passant.

Sur les hauteurs, des centaines de déplacés chrétiens se sont réfugiés sous des tentes près de l’église. Des enfants en guenilles jouent dans les allées. Des femmes préparent de l’huile de palme.

"On vit de la cueillette", affirme Christelle Dovasio, 22 ans, mère de trois enfants. Son mari et son beau-père ont été tués par des musulmans. "Lors des événements, on a fui notre maison pour aller en brousse. On a peur", raconte-t-elle. "Je veux que les musulmans partent!"

Près de la gendarmerie, Blaise, un commerçant chrétien, ouvre son magasin. Sa précédente boutique a été "détruite par les musulmans". "On ne peut pas faire la réconciliation, la justice d’abord. Des chrétiens ont cassé des choses là-bas. Des deux côtés, il faut la justice", prône-t-il. Son nouveau commerce s’appelle "Terre promise".
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