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DOSSIER HRW/République centrafricaine : Nouvelle vague de meurtres insensés
Publié le jeudi 22 octobre 2015  |  La nouvelle Centrafrique
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© Autre presse par DR
Les refugiés centrafricains au Congo Brazza
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Le gouvernement et les forces de maintien de la paix devraient accroître la protection des civils.

(Nairobi) – Une vague de violences sectaires qui s’est emparée de Bangui, capitale de la République centrafricaine, pendant cinq jours, du 25 septembre au 1er octobre 2015, a mené à au moins 31 assassinats délibérés de civils.

Témoignages sur la vague de violences sectaires qui a déferlé à Bangui (République centrafricaine) pendant cinq jours, du 25 septembre au 1er octobre 2015, et au cours de laquelle au moins 31 civils ont été tués.

Sur la base d’entretiens réalisés avec des témoins à Bangui entre le 7 et le 13 octobre, Human Rights Watch a établi qu’au moins 31 civils, et peut-être beaucoup plus, ont été tués, soit par balles tirées à bout portant, soit à coups de couteau, soit égorgés. Dans leur grande majorité, ces meurtres ont été commis par des membres de groupes armés d’auto-défense musulmans, bien que des membres armés du groupe anti-balaka composé majoritairement de chrétiens et d’animistes ont également incité aux violences et y ont participé, combattant parfois contre les groupes musulmans. Certaines victimes ont été brûlées vives dans leurs maisons ou sur les lieux où elles avaient cherché refuge. Parmi les victimes se trouvaient neuf femmes, dont une était enceinte de huit mois, et quatre hommes âgés. Human Rights Watch a confirmé huit autres cas dans lesquels les victimes étaient des hommes armés.

« Les civils à Bangui ont un besoin urgent de protection contre les violences sectaires d’une grande brutalité qui à nouveau déferlé sur leur ville », a déclaré Lewis Mudge, chercheur à la division Afrique à Human Rights Watch. « Le gouvernement intérimaire et les troupes internationales de maintien de la paix devraient être prêts à réagir rapidement pour sauver des vies quand de de telles violences sectaires éclatent. »

En plus de ces meurtres, des hommes armés appartenant aux deux communautés ont pillé et détruit des biens civils. En analysant des images satellite, Human Rights Watch a pu identifier au moins 250 structures détruites dans les quartiers situés près du Kilomètre 5, la principale enclave musulmane de la ville. Deux églises et une mosquée ont également été détruites.

Protéger la population de nouvelles violences de cette nature exigera des réponses rapides aux appels au secours lancés par téléphone sur les numéros d’urgence existants et l’adoption d’une politique de patrouilles plus active par la mission de maintien de la paix des Nations Unies dans les zones sensibles, là où les communautés de différentes confessions sont en contact l’une avec l’autre, a déclaré Human Rights Watch. Depuis que les violences ont cessé le 1er octobre, Human Rights Watch a reçu des informations crédibles selon lesquelles des meurtres continuaient d’être commis de manière isolée dans les quartiers situés au nord du Kilomètre 5.

Au moment où les violences ont éclaté, la mission de maintien de la paix de l’ONU, la MINUSCA, disposait d’environ 1 120 policiers et 1 100 militaires stationnés à Bangui, soutenus par 900 militaires français de la mission Sangaris. Des responsables de l’ONU ont indiqué que ces militaires avaient aidé à mettre en sécurité 200 membres des personnels des agences humanitaires et de l’ONU et à assurer la protection des installations vitales de la ville, dont l’aéroport et les bâtiments gouvernementaux. Les Casques bleus ont également empêché des hommes armés venus d’autres régions du pays d’entrer dans la capitale. Des responsables de l’ONU ont affirmé à Human Rights Watch que leurs efforts en vue de protéger les civils avaient été entravés par des barricades dressées par les anti-balaka, par la présence de civils sur ces barricades et par la confusion générale.

Des témoins interrogés par Human Rights Watch ont affirmé n’avoir remarqué aucune présence des quelque 900 membres de la gendarmerie nationale stationnés à Bangui pendant ces violences.

Le 9 octobre, le Gouvernement national de transition a affirmé qu’au moins 77 personnes avaient été tuées, en se fondant sur un décompte de cadavres dans les morgues. Les responsables n’étaient pas en mesure de faire une distinction parmi les morts entre des assaillants armés et des civils pris entre deux feux lors de combats entre les groupes musulmans d’auto-défense et les anti-balaka, ni d’établir si des civils avaient été délibérément pris pour cibles. 414 autres personnes ont en outre été blessées, a indiqué le gouvernement.

Cette dernière vague de violences sectaires a été déclenchée suite au meurtre d’un chauffeur de moto-taxi musulman âgé de 17 ans, Amin Mahamat, dont le corps a été découvert la gorge tranchée au bord d’une rue principale au petit matin du 26 septembre. En représailles, des groupes musulmans d’auto-défense venus du Kilomètre 5 ont commencé à attaquer des quartiers, notamment chrétiens, situés à proximité de l’enclave. Une unité de police de l’ONU appartenant à la MINUSCA, basée en bordure du quartier du Kilomètre 5, n’a pas été en mesure de stopper les violences.

Ali Fadul, président des groupes musulmans d’auto-défense du Kilomètre 5, a déclaré à Human Rights Watch: « Quand les gens ont vu le cadavre [de Mahamat], ils se sont révoltés… Il y avait eu trop de cas où les musulmans étaient spécifiquement visés. » Avant les violences et le chaos qui ont régné en République centrafricaine depuis mars 2013, 122 000 musulmans vivaient dans la capitale. Il n’en reste plus qu’environ 15 000.

Ancien Ngandra, un fonctionnaire à la retraite âgé de 66 ans, a été tué dans le quartier de Sara, qui jouxte le Kilomètre 5 au nord. Un témoin a raconté à Human Rights Watch: « Des musulmans sont entrés dans la maison et ont tiré Ancien dehors. Il a essayé de parler mais les attaquants ont dit ‘Tais-toi, ne parle pas.’ Quand ils sont parvenus devant sa maison, ils lui ont tiré dans le ventre et dans la tête. Ce n’était ni un anti-balaka ni un membre de la Séléka. C’était juste un vieil homme. »

Dans le quartier voisin de Yakité, une femme de 45 ans a déclaré qu’elle avait quitté sa maison pour se cacher chez un voisin quand elle a entendu des tirs et des explosions de grenades non loin de là. Pendant qu’elle courait, elle a vu un autre de ses voisins, Abel Yakité, et sa femme, qui essayaient de fuir. « Alors qu’ils quittaient la maison, quatre jeunes hommes musulmans armés de fusils se sont approchés d’eux », a-t-elle dit. « Ils les ont tous les deux abattus, Yakité et sa femme, sur la véranda. »

Alors que les informations concernant ces violences se répandaient, des hommes armés anti-balaka – majoritairement chrétiens et animistes – ont encouragé à commettre des violences à l’encontre des militaires internationaux de maintien de la paix et y ont participé. Les anti-balaka et leurs partisans ont rapidement dressé des barricades à travers la ville, encourageant parfois des femmes et des enfants à se joindre à eux, peut-être afin de dissuader les Casques bleus de tenter de démanteler les barricades. Dans certains cas, les anti-balaka se sont affrontés avec les musulmans armés. Des militaires de l’armée nationale, qu’on appelle les FACA, ont aidé et soutenu les combattants anti-balaka.

Les anti-balaka ont également encouragé à commettre des attaques contre les étrangers qu’ils accusent de ne rien faire pour stopper les violences. Des messages textos ont circulé, encourageant les gens à jeter des pierres sur les véhicules des étrangers. Des combattants anti-balaka et d’autres, cherchant à profiter du désordre, ont pillé les locaux de neuf agences humanitaires, pour la plupart situés à quelques kilomètres des quartiers où se déroulaient les violences.

Le 28 septembre, environ 600 détenus se sont évadés de la prison de Ngaragba, principale maison d’arrêt de la capitale, ce qui représente un grave revers dans la lutte contre l’impunité dans le pays. Certains gardiens de la prison et des militaires de l’armée nationale ont facilité ces évasions en ouvrant la grille principale de la prison, peut-être parce que certains des détenus étaient des militaires. Des Casques bleus rwandais stationnés près de la prison ont tenté d’empêcher l’évasion en tirant des coups de feu en l’air, et au moins une fois en direction des prisonniers, en blessant un, mais en vain.

Le rétablissement d’une prison en état de fonctionner, où des conditions d’incarcération de base sont respectées, devrait constituer une priorité urgente pour l’ONU et pour le gouvernement provisoire, a affirmé Human Rights Watch.

Les violences de Bangui sont survenues à l’approche d’élections nationales, qui devaient commencer avec un référendum le 4 octobre mais qui, depuis, ont été reportées.

La Cour pénale internationale (CPI) a ouvert une nouvelle enquête en République centrafricaine en septembre 2014 à la suite d’une saisine de la Cour par la présidente par intérim de ce pays, Catherine Samba-Panza. Le 30 septembre, la Procureure de la CPI, Fatou Bensouda, a averti que les personnes presumées avoir commis des crimes relevant de la compétence de la Cour « peuvent être tenues individuellement responsables ».

« Le gouvernement provisoire devrait s’assurer que ses gendarmes et ses militaires aident à la protection de tous les civils, chrétiens et musulmans, et ne contribuent pas aux violences », a affirmé Lewis Mudge. « Cet épouvantable cycle de meurtres et de représailles ne pourra être stoppé que lorsque leurs responsables seront amenés à rendre des comptes devant la justice, les portes des prisons resteront fermées et les combattants seront désarmés. »

La crise en République centrafricaine

La République centrafricaine est en crise depuis fin 2012, quand les rebelles majoritairement musulmans de la Séléka ont entamé une campagne armée contre le gouvernement du président François Bozizé. La Séléka a pris le contrôle de Bangui en mars 2013. Son régime a été marqué par des violations généralisées des droits humains, y compris des meurtres de civils sans aucune justification. Au milieu de l’année 2013, les milices anti-balaka se sont organisées pour combattre la Séléka. Associant tous les musulmans à la Séléka, les anti-balaka ont mené des attaques de représailles à grande échelle contre les civils musulmans à Bangui et dans l’ouest du pays.

L’enclave du Kilomètre 5

En décembre 2013, les forces françaises ont repoussé la Séléka hors de Bangui, ce qui a laissé la communauté musulmane sans protection et à la merci des anti-balaka. Les musulmans ont été contraints de se rassembler dans des enclaves, l’une au Kilomètre 5 et une autre au nord de la ville au point PK 12. En avril 2014, à la suite d’attaques continuelles de la part des anti-balaka, les habitants musulmans de PK 12 ont été évacués vers les régions du nord du pays, avec l’appui de l’ONU et sous la protection des militaires de maintien de la paix de l’Union africaine. Ceci a fait du Kilomètre 5 la dernière enclave musulmane existant encore dans la capitale.

Les nouvelles violences à Bangui

Le 26 septembre, le cadavre d’Amin Mahamat a été découvert tôt dans la matinée dans le 8ème arrondissement, près du siège de la Fédération centrafricaine des éleveurs, et transporté à la mosquée Ali Babalo au Kilomètre 5.

Un membre de la famille de Mahamat a déclaré à Human Rights Watch: « Amin a quitté la maison vers 20h30 le 25 septembre. Tout était normal et il est parti à moto. Nous avons reçu un coup de téléphone le lendemain matin, nous informant qu’il avait été tué. Quand j’ai vu son corps, j’ai constaté qu’il avait été ligoté. Il avait la gorge tranchée. »

Des hommes musulmans se sont rapidement organisés pour venger Mahamat. Fadul, le président des groupes musulmans d’auto-défense du Kilomètre 5, a déclaré à Human Rights Watch: « Tout le monde dans le quartier est membre [d’un groupe d’auto-défense]. Nous avons tous des armes à feu. Nous sommes attaqués ici et nous n’avons aucun soutien, donc nous devons nous défendre. »

Depuis le début de 2014, Human Rights Watch a documenté d’autres cas isolés dans lesquels des civils musulmans qui avaient quitté l’enclave ont été pris pour cibles, menacés ou tués.

Les groupes musulmans ont attaqué des habitants de quartiers proches de leur enclave, dans les 3ème et 5ème arrondissements, notamment des quartiers de Sara, Fondo, Sanga Bibale, Yakité et Bazanga.

Un groupe de quartiers souvent appelé le « Bloc du quartier Sara », à la limite des 3ème et 5ème arrondissements, a souffert des pires violences. Une femme qui y vivait a vu David Pabe être tué le 30 septembre:

Nous étions hébergés au centre pour personnes déplacées de Sainte Trinité, mais nous en sommes partis mercredi (30 septembre) pour retourner à Sara afin de surveiller nos affaires. Nous quittions la maison lorsqu’un groupe d’environ 10 hommes est arrivé. Ils portaient des vêtements normaux et des bures musulmanes. J’ai reconnu certains d’entre eux…. Je me suis cachée sous le lit. J’ai entendu un homme demander: « C’est toi David? » Il a répondu oui. L’homme a dit: « Donne-nous le fusil. » Mais David a dit qu’il n’avait pas de fusil. Les hommes ont commencé à le frapper et j’ai entendu un coup de feu.

Une autre femme du quartier Sara a décrit comment sa mère a été tuée:

J’étais derrière la maison, je regardais par la vitre de la fenêtre et je voyais ma mère parler avec des hommes musulmans armés. Ils ont demandé s’il y avait des hommes dans la maison et ma mère a dit non. Puis ils ont demandé de l’argent. Ma mère a dit: « Nous n’avons pas d’argent. » Ils ont tiré en l’air avec un fusil et ma mère a essayé de s’enfuir mais ils lui ont tiré dans la poitrine. J’ai couru pour me cacher et, plus tard, je suis revenue avec d’autres membres de ma famille. Quand nous sommes revenus, nous avons vu qu’ils avaient découpé son corps avec des machettes.

Un habitant du quartier de Sanga Bibale a déclaré qu’il avait vu Aimé Yangate, un homme âgé de 47 ans, être tué à son domicile:

Quand les coups de feu ont commencé, nous étions trop effrayés pour partir. Deux hommes sont arrivés devant la maison et ont enfoncé la porte. Ils avaient des fusils. L’un d’eux a dit: « Tout le monde a quitté le quartier sauf vous, cela veut dire que vous êtes des anti-balaka. » Aimé a dit: « Je ne suis pas un anti-balaka. » Mais avant qu’il ait pu finir, ils lui ont tiré une balle dans la tête.

Martine Thailla, une femme de Fondo âgée de 40 ans, a été tuée chez elle. Ses voisins ont déclaré qu’ils avaient vu des hommes armés venus du Kilomètre 5 entrer dans sa maison. Un membre de sa famille qui a retrouvé son corps plus tard dans l’une des morgues a déclaré qu’elle avait été égorgée.

Certaines personnes ont été tuées en essayant de protéger leur maison contre les pillages, soit par les groupes armés d’auto-défense musulmans, soit par les anti-balaka ou par d’autres criminels cherchant à tirer profit de la confusion.

François Juvénal Bangassou, un musicien populaire surnommé « Bibesco » et son amie Julia Edith Bobélé, ont été tués en tentant de s’opposer au pillage de la maison de Bangassou. Des membres de sa famille ont affirmé que Bangassou avait trouvé refuge auprès d’amis et de proches à Benz-vi pendant la journée, mais qu’il retournait chez lui tous les soirs pour essayer de protéger ses biens.

Mais c’est là qu’il a été tué, le 29 septembre. Des membres de sa famille qui ont retrouvé les corps ont affirmé que Bangassou avait été tué à coups de couteau et son amie égorgée. « Nous ne savons pas qui les a tués », a déclaré un proche. « La maison a été entièrement pillée. Ils ont pris sa télévision, sa radio et ses instruments de musique…. Ils ont même pris ses vêtements. »

Fadul a affirmé à Human Rights Watch que les membres de son organisation n’avaient pas pris les civils pour cibles, ni tué de femmes. « Ces récits sont faux », a-t-il dit. « Les anti-balaka extrémistes ne veulent pas de réconciliation sociale et ils tuent des gens et nous accusent ensuite. » Toutefois, il a ajouté plus tard qu’il ne savait peut-être pas tout au sujet des événements et que certains membres de son groupe avaient « profité de la situation pour incendier des maisons. »

En analysant des images satellite enregistrées avant et après les violences le 22 septembre et le 4 octobre, Human Rights Watch a identifié au moins 250 bâtiments résidentiels et commerciaux détruits dans les quartiers proches du Kilomètre 5, dont deux églises et une mosquée. Les dégats constatés correspondaient aux effets d’incendies et de pillages de toitures. Du fait que les dommages causés par le feu peuvent se circonscrire à l’intérieur de bâtiments et être cachés par des arbres voisins, il est possible que de nombreux autres édifices aient été endommagés.

Cette dernière vague de violences à Bangui n’est pas le premier incident lors duquel les groupes musulmans d’auto-défense basés au Kilomètre 5 ont tué des civils. Le 28 mai 2014, un groupe a attaqué un camp de personnes déplacées dans l’enceinte de l’église Notre Dame dans le quartier de Fatima, au sud du Kilomètre 5, tuant au moins 17 personnes, a constaté Human Rights Watch. Cette attaque s’était produite juste après une violente bataille de rue entre des anti-balaka et des groupes musulmans d’auto-défense. Isamel Lawan, l’adjoint au maire du Kilomètre 5, avait à l’époque déclaré à Human Rights Watch: « Nous ne pouvons pas sortir à pied de notre quartier sans risquer d’être tués. Nous avons été pris au piège ici; nous devons nous défendre. » Les musulmans armés avaient affirmé avoir cru que des anti-balaka avaient cherché refuge parmi les personnes déplacées dans l’enceinte de l’église. Les 17 morts recensés par Human Rights Watch étaient tous des civils.

L’évasion de la prison de Ngaragba

Le 28 septembre, entre 500 et 700 détenus se sont évadés de la prison de Ngaragba, la principale maison d’arrêt du pays. Les autorités ignoraient le nombre exact des détenus incarcérés dans cette prison car les listes n’avaient pas été mises à jour. La prison comptait des détenus militaires et civils, y compris des combattants anti-balaka et de la Séléka.

Selon des responsables de l’ONU et un ex-détenu évadé interrogé par Human Rights Watch, les prisonniers ont commencé à creuser des trous dans les murs de la prison le 27 septembre, enhardis par le bruit des violences venant de la ville. Le 28 septembre, ils sont parvenus à briser les cadenas placés sur deux portes à l’intérieur de la prison et se sont trouvés face à des Casques bleus rwandais et des militaires des FACA. Les militaires rwandais ont tiré des coups de semonce et ont peut-être tiré sur les prisonniers, en blessant un, pour tenter d’empêcher l’évasion. Les soldats des FACA ont appelé des renforts. Mais des responsables de l’ONU ont affirmé que lorsque de nouveaux militaires des FACA sont arrivés, ils ont facilité l’évasion plutôt que d’aider à l’empêcher.

Un détenu évadé, qui n’est associé ni aux anti-balaka ni à la Séléka et n’a pas été déclaré coupable de crime, a déclaré à Human Rights Watch:

Nous en avions vraiment assez des conditions de détention horribles. Nous n’avions ni médicaments, ni nourriture, ni toilettes. Les responsables de la prison mangent ou vendent notre nourriture. Alors nous avons décidé de partir…. Vers 10h00 [le 28 septembre], nous avions ouvert la seconde porte et nous étions face à face avec la MINUSCA et les FACA. Ils ont tiré sur nous et ils nous disaient: « Retournez dans vos cellules! » Les anti-balaka et les Séléka n’avaient pas l’intention de retourner dans leurs cellules et nous autres [les prisonniers de droit commun], nous savions que si nous restions, nous serions sévèrement punis, donc nous avons décidé d’essayer de partir aussi. Vers 17h00, nous avons estimé qu’ils ne tireraient pas sur nous et nous avons commencé à sortir en marchant par la grille principale. Il n’y avait plus de membres des FACA, certains d’entre eux ont crié dans notre direction mais ils n’ont pas essayé de nous refouler de force, et nous sommes partis. Les MINUSCA et les FACA nous ont regardés partir.

Des responsables du gouvernement provisoire ont reconnu plus tard que des militaires et des gardiens de la prison avaient facilité l’évasion.

Après cette évasion de Ngaragba, une cinquantaine de détenus se sont évadés de la prison de Boaur le 29 septembre et 9 autres se sont échappés de la prison de Bria le 8 octobre. La seule prison pour hommes encore opérationnelle actuellement est celle du Camp de Roux, à Bangui, une base militaire où sont détenus 12 dirigeants anti-balaka. La prison pour femmes de Bimbo, dans un faubourg de Bangui, est toujours opérationnelle.

La réponse internationale aux combats

Des responsables de l’ONU ont déclaré à Human Rights Watch avoir été surpris par la rapidité avec laquelle les violences s’étaient aggravées. Bien qu’une unité de police de l’ONU fût basée à proximité du Kilomètre 5, elle a été incapable de contenir les violences lorsqu’elles ont commencé. Durant les quatre premiers jours, la réponse de la MINUSCA a été assurée par sa force de police, composée de près de 1 120 personnes. Le 30 septembre, au bout de quatre jours de violences, les responsables de l’ONU ont décidé qu’une réponse plus ferme était nécessaire et ont créé une force opérationnelle conjointe avec la police dirigée par les militaires. Des troupes supplémentaires ont été appelées en provenance d’autres régions du pays afin de renforcer les 1 100 Casques bleus déjà basés à Bangui.

Le Conseil de sécurité de l’ONU a approuvé l’envoi en République centrafricaine d’une force de maintien de la paix composée de 10 750 militaires et de 2 120 policiers. En juillet, 9 110 militaires et 1 552 policiers avaient été déployés. Des troupes supplémentaires de l’ONU, incluant des membres de forces spéciales, sont attendues dans la capitale dans les prochains mois.

Les militaires de la force française Sangaris ont fourni un appui à la MINUSCA, y compris en utilisant leurs hélicoptères pour cibler des hommes armés et empêcher des violences. Leur tâche a été compliquée du fait que les hommes en armes se sont réunis dans des zones à forte densité de population, notamment dans le quartier des Combattants, près de l’aéroport international.

Un numéro de téléphone spécial, connu sur place sous le nom de « ligne verte », créé par les agences humanitaires à des fins de protection, a reçu plus de 700 appels pendant la vague de violences. Certains de ces appels visaient à faire état de cas de violation des droits humains, d’autres à demander du secours. La capacité de la police de l’ONU à répondre s’est trouvée limitée en raison de la faible capacité du centre d’appel, de la saturation du réseau cellulaire et de l’existence de conflits de priorités pour la police, ont indiqué à Human Rights Watch des responsables de la MINUSCA. Dans certains cas, la MINUSCA n’a pas répondu à des appels au secours de civils.

Le programme de désarmement, démobilisation et réinsertion (DDR) de l’ONU, un programme d’une importance critique visant à récupérer les armes des groupes armés à Bangui et dans le reste du pays, a fait peu de progrès et manque de moyens financiers. Des responsables de l’ONU et du gouvernement provisoire centrafricain affirment que la phase préparatoire du programme DDR a commencé mais ils reconnaissent que cela est largement insuffisant et n’est pas très efficace. Ils ont affirmé que 1 180 combattants de la Séléka sont détenus dans trois bases de cantonnement à Bangui, mais qu’il n’y a pas de cantonnement pour des membres des anti-balaka ou d’autres milices dans la ville ayant un accès facile à des armes. Un programme de réduction des violences communautaires (CVR), destiné à ces milices et aux groupes d’auto-défense, n’a pas encore commencé.

Obligation de rendre des comptes devant la justice

L’impunité a favorisé la commission de graves atrocités en République centrafricaine et les crimes du passé n’ont pas fait l’objet de poursuites judiciaires. Lors du forum de réconciliation nationale qui s’est tenu à Bangui en mai, tous les participants ont souligné combien il importait que la vérité soit établie et que justice soit faite pour ces crimes, à la fois au nom du droit des victimes et comme précondition à l’instauration d’une paix durable.

En 2004, la République centrafricaine a ratifié le Statut de Rome, le traité fondateur de la CPI. Depuis lors, les autorités ont demandé à deux reprises à la CPI d’enquêter sur de graves crimes internationaux commis dans le pays. La première enquête de la CPI, relative à des viols et des meurtres massifs commis au moment d’un coup d’État en 2002, a abouti à l’inculpation et au procès de Jean-Pierre Bemba, un ancien chef rebelle congolais devenu par la suite vice-président de la République démocratique du Congo, dont les troupes avaient été appelées en Centrafrique pour participer à la défense du président élu de l’époque et qui avaient été impliquées dans des atrocités.

En septembre 2014, la Procureure de la CPI a ouvert une seconde enquête en République centrafricaine, concernant des crimes commis lors de la dernière crise, depuis août 2012. Cette investigation est toujours en cours.

En juin 2015, la présidente par intérim Samba-Panza a promulgué une loi créant une Cour pénale spéciale au sein du système judiciaire national, qui sera axée sur les graves crimes internationaux et sera composée de juges et de procureurs centrafricains et internationaux. Ce tribunal a pour mandat d’enquêter sur les crimes commis depuis 2003 et est destiné à remédier au manque de capacité du système judiciaire national pour enquêter sur ces crimes complexes et à compléter le travail de la CPI, laquelle ne traitera probablement qu’un petit nombre de dossiers. Les autorités centrafricaines et les Nations Unies ont entamé les préparatifs pour mettre sur pied ce Tribunal pénal spécial qui, pour fonctionner efficacement, va nécessiter un financement adéquat, un soutien technique et un contingent d’experts internationaux.

Pendant que le travail de mise sur pied du tribunal se poursuit, la MINUSCA devrait apporter un appui technique, ainsi que la sécurité, aux enquêteurs et aux procureurs nationaux afin qu’ils puissent commencer à enquêter sur de graves crimes, a déclaré Human Rights Watch.
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