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Une aide limitée pour les victimes de viol en RCA
Publié le jeudi 24 juillet 2014  |  LNC
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BANGUI – La présence de groupes armés et les combats incessants qui sont cause de déplacements dans toute la République centrafricaine (RCA) ont entraîné une hausse de l’insécurité qui expose les femmes et les filles à des mariages forcés et des actes d’extrême violence tels que le viol.

Malgré les engagements récents des gouvernements, des agences des Nations Unies et des organisations non gouvernementales (ONG) à accorder un haut degré de priorité à la protection des femmes et des filles contre les violences sexuelles et physiques, les efforts actuels de la RCA manquent encore de fonds. À Bangui, la capitale, moins d’un tiers des dispensaires et centres de santé des sites de personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays (PDIP) ont les moyens de venir en aide aux victimes de violences sexistes.

« Il n’y a presque pas de mécanismes de protection et les services essentiels tels que l’assistance médicale et le soutien psychologique sont limités dans les sites où les femmes et les filles se sont spontanément regroupées », a dit Elisabeth Roesch, coordinatrice d’urgence pour la protection et l’autonomisation des femmes auprès du Comité international de secours (International Rescue Committee, IRC).

Depuis l’ouverture de deux centres pour les femmes à Bangui en début d’année, l’ONG a aidé plus de 600 femmes et filles à se remettre de violences. La plus jeune n’avait que cinq ans. Les deux tiers d’entre elles avaient été violées, la plupart par plusieurs personnes.

« Des grands-mères se font violer sous les yeux de leurs petits-enfants et des enfants devant leurs parents. De nombreuses femmes ont été victimes de viols collectifs et certaines à plusieurs reprises », a rapporté le docteur Armel Yangba, au centre de santé Padre Pio, à la périphérie de Bangui.

« Il y a une fille qui n’a que sept ans. Nous pensons qu’elle a été violée », a-t-il poursuivi.

Salle d’attente

La salle d’attente du cabinet de M. Armel ne désemplit pas. Des grands-mères, des écolières et des mères accompagnées de leurs jeunes filles attendent leur tour patiemment. Le centre de santé accueille en moyenne chaque jour entre 10 et 25 femmes qui ont été victimes de viol ou de sévices sexuels.

« Beaucoup d’entre elles voient un médecin pour la première fois. Elles n’en ont tout simplement jamais eu la possibilité avant », a dit M. Yangba. « Beaucoup se sont présentées spontanément avant même que nous ayons fait de la publicité. Cela montre à quel point ce genre de services est recherché. »

Au centre de santé, les femmes passent un examen physique et médical. Elles sont soumises à un dépistage des maladies sexuellement transmissibles et à un test de grossesse. Le petit centre médical offre également un soutien psychologique aux femmes violées. Mais les ressources sont limitées.

« Ce centre de santé est l’un des rares à venir en aide aux victimes de viol à Bangui. Nous avons du mal à prendre en charge toutes les femmes qui viennent nous consulter », a dit M. Yangba.

Un degré élevé de priorité a été accordé à la protection contre les violences, notamment sexistes, dans le cadre de la réponse humanitaire. À Bangui, seulement 19 centres de PDIP sur 44 ont reçu des services directs de réponse aux violences sexistes et font de la sensibilisation. Les efforts ciblés tels que les services médicaux vitaux, les services essentiels de soutien psychologique et les programmes d’autonomisation économique pour protéger les femmes contre l’exploitation sexuelle sont souvent insuffisants, voire inexistants.

En dehors de Bangui, des ONG locales et internationales et des agences des Nations Unies comme l’UNICEF aident les victimes de violences sexuelles à Bossangoa et à Kaga-Bandoro. Dans certaines zones, les services d’aide aux femmes et aux filles victimes de sévices sexuels sont cependant totalement absents. La présence constante de groupes armés, parfois à l’intérieur même des sites de PDIP, continue de représenter une menace pour les femmes et les filles.

Les viols et les violences sexuelles sont en hausse, tout comme l’insécurité alimentaire et la malnutrition. Les Anti-balaka, qui se sont créés en réaction aux méfaits commis par le Séléka se transforment maintenant en gangs criminels et menacent à leur tour les populations déplacées.

« Le viol et la violence sexuelle sont la crainte numéro un des femmes et des filles », a dit Mme Roesch, de l’IRC.

En janvier et février, les partenaires de l’UNICEF ont signalé 781 cas de viol et d’agression sexuelle. En novembre et décembre de l’année dernière, 300 cas avaient été rapportés.

Traumatisme et condamnation sociale

De nombreuses victimes de violences sexistes n’ont pas accès à des soins médicaux, à un soutien psychologique ni à d’autres services pourtant essentiels ou elles sont réticentes à consulter à cause de la condamnation sociale et du tabou qui entourent ce problème dans le pays. Les victimes sont confrontées à un manque de soutien socio-économique, à un traumatisme persistant, à de graves risques pour leur santé et à des complications pour le reste de leur vie.

Assise sur une chaise en bois, dans un coin faiblement ombragé par une bâche en plastique dans le camp de PDIP de Bangui, Nancy, mère de trois enfants âgée de 21 ans, raconte comment des hommes armés de machettes ont enfoncé sa porte et fait irruption dans sa maison.

« Ils étaient armés et menaçaient de nous tuer. Nous n’avions pas d’autre choix que de faire ce qu’ils nous disaient », a-t-elle dit. « Ils m’ont forcée à coucher avec eux et m’ont violée. Ils ont aussi violé ma mère et ma soeur. »

Pendant les six mois qu’elle a passés au camp, elle n’a vu aucun médecin et n’a suivi aucun traitement médical. L’organisation française Médecins Sans Frontières (MSF), qui dirige un hôpital et un dispensaire dans le camp, a dit qu’entre 10 et 15 patientes victimes de viol consultaient chaque semaine.

« Le viol est fortement condamné socialement en RCA. De nombreuses femmes n’osent pas dire qu’elles ont été violées. Elles ont peur que leur mari les quitte ou d’être mis au ban de la société. Cela signifie également qu’elles sont moins susceptibles de consulter un médecin », a dit Tessy Fautsch, coordinatrice de MSF.

La présence de groupes armés dans le camp et le fait que de nombreuses femmes et filles soient obligées de sortir du camp pour trouver de la nourriture et du bois exposent ces dernières aux agressions.

Des femmes et des filles sont également recrutées par des groupes armés et des milices au sein desquels elles sont extrêmement vulnérables aux violences sexuelles, aux mariages forcés, au VIH/SIDA et à la condamnation sociale due à leur appartenance à ces groupes. En janvier 2014, 23 enfants, dont six filles, ont été libérés de groupes armés.

« Des filles de seulement 15 ou 16 ans sont livrées à elles-mêmes et courent le risque d’être victimes d’exploitation », a dit Mme Roesch.

Cette dernière craint que de nombreux cas d’abus ne soient pas signalés simplement parce que les victimes ignorent l’existence des centres de santé spécialisés dans ce domaine.

« Dans le camp pour PDIP, nous avons accès à la population. C’est différent à l’extérieur, dans de nombreuses communautés musulmanes, par exemple », a dit Mme Roesch.

En attendant, des femmes victimes de viol continuent d’être confrontées à des problèmes financiers et médicaux, ainsi qu’à des menaces et de nouvelles violences.

« Les femmes sont toujours très prudentes et ne sortent du camp que pendant la journée. Nombre d’entre elles ont peur de se faire attaquer lorsqu’elles ramassent du bois, puisent de l’eau ou utilisent des toilettes qui ne ferment pas à clé. Elles tâtent le terrain pour voir s’il est possible pour elles de rentrer », a ajouté Mme Roesch.
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