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Centrafrique : des abattoirs improvisés face à la faillite de l’économie
Publié le lundi 7 decembre 2015  |  Centrafrique Presse Info
Des
© Autre presse par DR
Des boeufs
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Les sabots liés par une corde, gorge tranchée au-dessus d’un trou creusé dans la terre, le zébu étalé de tout son long pousse son dernier soupir. Faute de pouvoir sortir de l’enclave isolée du PK5, les éleveurs musulmans de Bangui ont improvisé un abattoir clandestin en plein air.

Le rendez-vous est quotidien. Dès six heures, les boeufs à l’encolure surmontée d’une grosse bosse viennent par centaines paître, en pleine ville, parqués sur un bord du canal "Essayez voir", débordant d’immondices. Malgré les petits ponts en planches de fortune, impossible de traverser : les milices armées anti-balaka des quartiers chrétiens voisins veillent à asphyxier le quartier musulman.

"C’est devenu dangereux de faire paître les boeufs : si on sort du périmètre, ils tirent pour nous faire reculer (...) ou pour nous voler", explique en arabe Seydou Gazi, un éleveur qui ne se sépare jamais de son arc et de ses flèches en bois, "pour se protéger".

La viande de boeuf est très prisée en Centrafrique. Elle entre dans la composition des trois quarts des plats consommés, particulièrement à Bangui.

Préparée au "coco", aux feuilles de manioc, à la sauce tomate, au "goussa" (sauce gluante), elle peut être grillée, braisée. On la trouve aussi dans les galettes aux courges et dans beaucoup d’autres plats. Elle est également fumée par les Peuls à des fins de conservation.

Olivier Doua, jeune boucher du quartier chrétien Gobongo, vient chaque jour s’approvisionner en viande fraîche. Cette fois, il a déboursé 500.000 francs CFA (760 euros) - les prix varient habituellement de 300.000 à 600.000 CFA pour un boeuf bien gras. "Ici c’est moins cher" que dans les deux autres abattoirs situés près de chez lui, explique-t-il.

Ressource majeure pour le pays-

L’élevage et le commerce des bovins faisaient vivre jusqu’en 2012 près de 300.000 personnes, sur une population de d’environ cinq millions d’habitants. Cette activité dépassait même les 10% du PIB dans les années 2000, selon l’Organisation des Nations unies pour l’agriculture et l’alimentation (FAO).

Les violences intercommunautaires ont coupé l’approvisionnement en b ?uf de la capitale : le marché au bétail et l’abattoir qui rassemblaient le bétail venu de tout le pays au PK-13, à l’entrée nord, sont toujours fermés.

La commerce a repris peu à peu, mais chacun de son côté. Dans les quatre abattoirs clandestins que compte de PK5, les bêtes arrivent par convoi routier principalement depuis Bambari (est) et Kaga Bandoro (nord), des zones tenues par l’ex-rébellion majoritairement musulmane Séléka. Tandis que les chrétiens acheminent désormais par voie fluviale leurs troupeaux de Kouango (est).

En fonction de la clientèle, dix à vingt bêtes sont mises à mort chaque jour dans la poussière, contre le double ou le triple auparavant.

Malgré une chaleur étouffante, Rose Imi Nguere, grossiste au marché de Ouango, surveille avec attention le découpage de sa vache. C’est une habituée des lieux.

Acheteurs nigérians-

Même pendant "les èvènements du 26 (septembre)" au cours desquels des affrontements entre anti-balaka et jeunes musulmans proches de l’ex-Séléka ont fait des dizaines de morts, la jeune femme traversait le no man’s land entre les deux communautés. "Avant de venir, j’appelle toujours (un commerçant du PK-5) pour me faire une idée de la situation", dit-elle avec le sourire.

Repartir avec son chargement ne sera pas une mince affaire. Pour des raisons de sécurité, peu de véhicules osent s’enfoncer dans ces ruelles non goudronnées et isolées. Alors Rose engage un "pousse" (charrette à bras) pour faire parvenir la viande jusqu’aux avenues plus fréquentées, avant de pouvoir la charger à bord d’un taxi jaune.

Quatre jeunes garçons s’activent à briser les os d’une carcasse à l’aide de puissants coups de hache. Viscères et excréments sont rejetés dans le canal. Tout le reste est réutilisé, jusqu’au sang, qui une fois séché au soleil sous des nuées de mouches, sera mélangé à la nourriture donnée aux poussins.

Quant à la peau, Ali Dogo s’en charge. Dans son boubou blanc impeccable au milieu des mares de sang, il négocie avec chaque éleveur.

Une fois par mois, malgré les périls du voyage à cause des bandes armées qui jalonnent le parcours, un camion part en direction du Nigeria, géant industrialisé qui fabrique de nombreux produits manufacturés. Le cuir sera transformé en sac, en chaussures...

"Là-bas, ils ont des usines pour bien travailler, déplore le commerçant. Nous n’avons aucun matériel, aucun équipement".
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