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Une saisie de 152 kilos de diamants
Publié le mardi 11 novembre 2014  |  Les Plumes de RCA
Diamant
© Autre presse par DR
Diamant centrafricain
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Je suis né dans un pays où Dieu a mis peu d’hommes. Je suis né dans un pays auquel Dieu a tout donné. Si par hasard je partais de Zémio pour traverser tout le pays afin de me rendre à Nola, je serais obligé de savoir comment m’orienter pour ne pas me perdre dans les savanes boiseuses qui couvrent tout le territoire, je serais obligé de savoir m’orienter pour ne pas me perdre dans la forêt dense que de géants arbres couvrent, et qui empêchent le soleil d’atteindre la terre, je serais obligé de prendre des pirogues sans lesquelles je ne pourrais traverser les grandes rivières qui partent de l’est à l’ouest, fertilisent les terres centrafricaines, la terre centrafricaine, pour que toutes sortes de cultures soient les bienvenues, soient nourricières. Je serais obligé de passer par tous ces obstacles qui pour moi sont des erreurs de la nature, mais qui ailleurs sont des richesses inestimables. Des richesses que moi, petit centrafricain comblé, ne peut percevoir car j’ignore ce que vivent ailleurs les autres, ces autres qui n’ont qu’un désert de sable comme horizon.

Ces autres qui savent ce que vaut l’eau, ces autres qui savent combien coûte un tronc d’arbre qu’on abat, ces autres qui savent que certains cailloux tirés du sol ou du sous-sol sont ces pierres qu’on utilise pour orner les palais, faire des bijoux aux rois, aux princes et aux princesses. Ces pierres qui ne peuvent s’échanger contre d’autres pierres, ces pierres qu’on ne peut trouver partout ailleurs dans le monde.

Dieu et la nature ont comblé le Centrafrique de tous ces arbres, de toutes ces pierres et de toutes ces rivières. Et le prix à payer, on se poserait ces questions, est-il le fait que les centrafricains doivent éternellement rester aveugles face à cette bénédiction ? Doivent-ils éternellement se contenter du minimum qui leur permet de vivre au jour le jour pour se satisfaire de la bonté, des largesses de Dieu et de la Nature ?

Quand d’autres parlent de développement en tirant le diable à quatre pour trouver les moyens de ce développement, les centrafricains se déchirent sur les miettes qui tombent sous la table de leurs nombreuses ressources, dont d’autres tirent meilleur avantage.

Je suis un petit centrafricain né dans la forêt, je suis un petit centrafricain né dans la savane, je suis un petit centrafricain né au bord de l’eau, je suis un petit centrafricain né dans une zone pleine de diamants. Mon père a travaillé longtemps dans les mines de diamants, mon oncle a fait pareil. Mon grand-frère a fui l’école pour aller travailler dans les chantiers de diamants, il y a passé plus de vingt années de son existence, mais jamais, ni mon père, ni mon oncle, ni mon frère n’ont vu un kilo de diamants, ni creusé de profonds trous pour y trouver des milliers de pierres de cette nature.

On les a toujours trompés pour leur dire que le diamant se pesait, pour ne pas dire se vendait aux carats. Le diamant était une pierre tellement précieuse, tellement rare qu’on ne pouvait pas le trouver en kilos, mais en carats.

Aujourd’hui, le monde s’effondre en Centrafrique. Les réalités d’hier sont devenues des mensonges d’une taille gargantuesque, inadmissible : le diamant ne peut plus se peser aux carats comme on était habitué à le savoir et à le pratiquer, mais il se pèse aux kilos.

Le diamant se pèse aux kilos en Centrafrique à cause de la folie des hommes : les centrafricains sont devenus fous au point de s’entretuer sans savoir ce qui les pousse à le faire, et face à l’abondance des biens exposés à ciel ouvert, les vautours de tous les horizons rodent dans le ciel et sur la terre, pour s’emparer de ce qui mérite de l’être. Pendant ce temps, le petit peuple, ce petit peuple impuissant, aveugle et sans voix, demande à Dieu de lui venir en aide, ce Dieu qui l’a placé là, au milieu de toutes ces richesses qui causent sa propre perte.

Dans ce climat de science-fiction, d’inconscience dirions-nous, qui n’est une fiction que pour ceux qui ne connaissent pas ce pays, on apprend que 152 kilos de diamants viennent d’être saisis. 152 kilos de diamants, mais pas 152 carats de diamants.

Seul le Centrafrique est capable de cet exploit mondial. Des mines de diamants sortent de leurs entrailles des milliers de pierres précieuses en RDC ou en Afrique du Sud, mais jamais, au grand jamais, on a parlé de quantités de diamants extraits aux kilos, dans ces pays réputés mondialement comme producteurs de pierres précieuses.

Des milliers de troupes aujourd’hui onusiennes sont installées dans ce pays, mais la situation sécuritaire, qui aurait dû connaître une amélioration fort remarquable demeure toujours fragile, et la mise en place, la formation d’une armée nationale qui aurait l’avantage de mieux connaître le terrain et d’être plus efficace, ne sont la priorité de personne, un peu comme si une voix sourde commandait de maintenir et de prolonger le statu-quo.

Alors se pose la question de savoir à qui profite le crime de la transformation de l’unité de pesée du diamant de carats au kilogramme.

A cette question, même si la conscience de la communauté internationale est interpellée, en ce sens qu’elle a un rôle majeur à jouer dans le rétablissement assez rapide de la paix et de la sécurité dans le pays, la conscience des centrafricains eux-mêmes est interpellée de la même manière et bien plus, car le scandale de la révélation de ces 152 kilos de diamants ne doit pas les laisser sourds, muets et aveugles.

On ne peut pas être fou à ce point, au point de perdre la raison.

Adolphe PAKOUA
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