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Corruption en Afrique: de la perception à la réalité
Publié le lundi 18 avril 2016  |  financialafrik
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Le 2 avril, à quelques jours des révélations du scandale des Panama Papers*, la Commission économique pour l’Afrique (CEA), basée à Addis Abeba (Ethiopie), publiait un rapport pour le moins inédit.



Intitulé « Mesurer la corruption en Afrique: prendre en compte la dimension internationale », ce travail rompt avec l’approche en vigueur jusque-là chez certains organismes (Transparency International*, Banque Mondiale) qui tiraient leurs conclusions à partir des perceptions établies à partir de sondages d’entreprises, d’ONG et de bailleurs et des chiffres qui reviennent en ritournelle depuis les années 90. « Les enquêtès appartiennent à un petit cercle d’individus, notamment des hommes d’affaires, des hommes des médias et des personnalités non étatiques», indique le rapport de la CEA.

Sans remettre en cause les travaux de Transparency International qui font de l’Afrique l’une des régions les plus corrompues du monde dans son dernier rapport, la commission appelle à la prise en compte de plusieurs paramètres pour mieux saisir ce phénomène dans sa dimension internationale et transfrontalière.
Quatre thèmes sont abordés dans le rapport: renforcer l’appropriation et la participation dans la planification du développement ; améliorer la transparence et la responsabilité ; créer des institutions de gouvernance crédibles et améliorer l’architecture de la gouvernance régionale et mondiale.
Les économistes africains qui ont participé à ce rapport appellent au croisement de la perception avec les critères objectifs et les faits, invitant les acteurs à étendre leur champ d’investigation au delà des individus et des personnalités politiques (terrains favori des « perceptionnistes ») pour aussi zoomer sur le rôle des multinationales.



« Il est impérieux de s’attaquer au problème de la corruption en Afrique dans sa totalité, sans occulter les aspects de rapatriement des avoirs et de blanchiment d’argent » lit-on dans le préambule du rapport d’autant plus original qu’il fait partie des rares initiatives de mesure de la corruption qui ne viennent pas des pays du Nord. Le caractère flottant de la perception explique sans doute le classement de l’Afrique du Sud*, très different d’un indice à l’autre et renvoyant des réalités différentes.



Une définition trop étroite



Le travail de la CEA remet en cause la définition traditionnelle et étroite de la corruption comme « abus d’une charge publique à des fins privés ». Cette définition mettait trop d’accent sur la fonction publique et sur la légalité apparente de l’acte, négligeant les tendances à la corruption qui prévalent dans les secteurs privés et non étatiques. Les organismes qui avaient autorité en la matière excluaient de leur champ de travail de nombreuses entreprises privées, nationales et étrangères qui exercent une influence indue de nature à amener l’Etat à prendre des lois et des règlements à leurs avantages. Parfois, ces entités privées, lors des campagnes électorales, apportent des contributions financières qui peuvent paraître légales mais sapent indûment les fondements de la démocratie.



L’approche néolibérale battue en brèche

L’approche néolibérale de la corruption met l’accent sur les tares du secteur public tout en ignorant le rôle du secteur privé dans la survivance du phénomène (voir encadré). Des organismes comme Global Integrity qui estiment entre 1 200 et 1 400 milliards de dollars, les flux financiers illicites perdus par l’Afrique entre 1980 et 2009 considèrent que la corruption sous forme de pots-de-vin ou de malversation ne représente que 3 % environ des flux illicites, les activités criminelles telles que le trafic de drogue et la contrebande, 30 % à 35 % et les transactions commerciales des multinationales, pas moins de 60 % à 65 %.

Déjà dans les années 90, l’Union Africaine estimait que 148 milliards de dollars étaient soustraits annuellement au continent par ses dirigeants, soit 25% de son PIB.
Plus qu’une approche culturelle sous-entendue dans certains rapports, la corruption s’explique surtout par des procédures administratives inedequates et l’absence de transparence. Par exemple, la mise en place des systèmes de paiement d’impôt en ligne au Kenya, au Maroc et au Rwanda a permis d’obtenir de bons résultats là où 43% des sociétés versaient des pots de vin aux agents du fisc burundais.

Pas de fatalisme, la corruption peut être vaincue, soulignent les auteurs du rapport qui mettent en exergue les cas de Singapour et de Hong Kong. Ce dernier pays gangréné par la corruption dans les années 60 et 70 est devenu l’une des contrées les moins corrompues dans le monde grâce à un ensemble de stratégies mise en place comme la commission indépendante de lutte contre la corruption.

Le rapport appelle à prendre en compte la dimension extérieure et transnationale de la corruption. En plein scandale des Panama Papers, cette approche trouvera certainement beaucoup de supporters en donnant une approche stratégique d’un phénomène que l’Indice de la perception de la corruption (IPC) de Transparency International, de l’Economist Unit, ou encore De Freedom House effleurent en divers aspects sans jamais toucher à la substance.
Le rapport qui ne fournit pas de classement pays émet des recommandations fortes dont le renforcement de de la transparence et de l’obligation de rendre compte, la promulgation des lois sur la liberté de l’information, le renforcement de la participation de la population dans les programmes de planification économique, le renforcement de l’architecture régionale et mondiale sur la gouvernance.





Encadré

La grande corruption met en scène les rapports entre le public et le privé.

-Des exemples de grande corruption sont signalés dans le rapport comme le projet de gisement de minerai de fer de Simandou dans la Guinée des années 90. Le projet comprenait la construction d’un chemin de fer et l’exploitation de quatre blocs miniers. Le contrat pour les quatre blocs a été attribué à l’origine à Rio Tinto, mais par la suite deux blocs ont été retirés à la compagnie et attribués sans appel d’offres et par le biais d’un prétendu contrat verbal, à l’entreprise BSG Resources dont le fondateur est d’ailleurs cité dans les Panama Papers.

-Au Kenya, en 2005, ce que l’on appelle le scandale de l’Anglo Leasing impliquant plusieurs membres du gouvernement a trait à l’abus de crédit-bail pour financer des projets relatifs à la sécurité. Plus précisément le scandale révèle l’attribution frauduleuse de contrats de 100 millions de dollars à des sociétés fictives pour un nouveau système d’impression de passeports.


-En Ouganda, en 2010, La société Muhlbauer Technology Co. Ltd a obtenu un contrat de 100 millions de dollars pour imprimer des cartes d’identité par le biais d’un processus contractuel douteux à fournisseur unique, alors que l’autorité responsable des marchés publics avait rendu un avis défavorable. Seulement 500 cartes ont été délivrées en 2012.


-Au Malawi, des malfaiteurs ont réussi en 2012 à transférer des fonds des comptes bancaires du gouvernement au profit de comptes fournisseurs pour des biens et services qui n’ont jamais été livrés, et ont ensuite effacé les transactions du système de gestion. Au 20 février 2014, la Cour des Comptes du Malawi a confirmé que pas moins de 6 096 490 705 kwachas (15,5 millions de dollars) auraient été détournés et qu’une action en justice était possible.



Notes:

*Ce grand scandale ne doit pas faire oublier que le Panama, classé au 13eme rang de l’indice de l’opacité financière est devancé par la Suisse, Hong Kong, Etats-Unis, Singapour, Îles Caïmans, Luxembourg, Liban, Allemagne, Bahrreïn, Emirats Arabes Unis, Macao et Japon.

*Le directeur de la branche chilienne de l’ONG Transparency International, Gonzalo Delaveau, a été contraint à la démission après que son nom est apparu dans les documents du cabinet Mossack Fonseca : Delaveau serait lié à au moins cinq entreprises offshore enregistrées dans les îles Vierges britanniques.

*L’Afrique du Sud est classé en 2013, 53ème sur 148 dans l’indice de compétitivité mondiale du Forum économique mondial et deuxième pays africain le mieux classé derrière l’Ile Maurice. L’organisme américain Héritage Foundation qui publie l’Indice de liberté économique relègue la Nation arc en ciel au 74e rang sur 177 pays pendant que Transparency International lui attribue la 177e position sur son indice IPC de perception de la corruption en 2013. Pendant ce temps, l’indice Mo Ibrahim de la gouvernance place l’Afrique du Sud 4eme pays sur 52 africains. Quelle image nette ressortir de ces différents classements contradictoires à la limite .

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