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RCA: l’ex-ministre Adrien Poussou exige du Président de l’Assemblée Nationale de saisir la Cour Constitutionnelle
Publié le vendredi 8 juillet 2016  |  Alwihda Info
Georges
© Autre presse par DR
Georges Adrien Poussou, Ministre Délégué, Conseiller spécial en matière de communication du Premier ministre
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Il faut veiller à ce que les membres de la plus haute institution judiciaire de notre pays ne deviennent pas de simples auxiliaires de justice, prompts à aller au devant des désirs du maitre du moment. Ce sont de tels comportements qui conduisent au totalitarisme.

Monsieur le Président de
l’Assemblée Nationale
Bangui

Objet : Demande d’avis sur les dispositions constitutionnelles relatives au contreseing frappant certains actes administratifs du Chef de l’État

Monsieur le Président de l’Assemblée Nationale,

Par une correspondance en date du 24 mai 2016, j’avais saisi la Cour Constitutionnelle de Transition d’une demande d’avis sur les dispositions constitutionnelles relatives au contreseing frappant certains actes administratifs du président de la République.

Cette demande d’avis était justifiée par les dispositions de l’article 98 de la Constitution du 30 mars 2016 qui dispose que « toute personne peut saisir la Cour Constitutionnelle sur la constitutionnalité des lois, soit directement, soit par la procédure de l’exception d’inconstitutionnalité invoquée devant une juridiction dans une affaire qui la concerne ».

Je signalais à la Cour Constitutionnelle de Transition que le Décret n°16.250 du 19 mai 2016 nommant ou confirmant certains fonctionnaires à des postes de responsabilité au Ministère des Finances et du Budget a été contresigné à tort par le Premier ministre ainsi que le ministre concerné.

À cet égard, j’indiquais à la plus haute instance judiciaire de notre pays qu’en vertu de l’article 33 alinéa 16 de la Constitution, le Chef de l’État nomme aux fonctions civiles et militaires à l’exception de celles pour lesquelles la loi dispose autrement.

Et qu’en application de l’article 49 de la Constitution, les actes que pose le Président de la République conformément aux dispositions de l’article 33 échappent au contreseing du Premier ministre et du ministre intéressé. Qu’à mon sens, le Décret n°16.250 du 19 mai 2016 n’avait pas à être contresigné. Et ce, pour la simple et la bonne raison que l’article 33 figure parmi les exceptions soulevées à l’article 49. Par conséquent, le contreseing de l’article 49 ne doit pas s’appliquer aux actes de nomination pris en vertu de l’article 33.

J’estimais qu’en raison du rôle éminent que la Constitution du 30 mars 2016 confie au président de la République et de la légitimité que lui donne son mode d’élection, il est souhaitable de lui laisser la main libre d’agir, dans les limites de ses prérogatives et des mécanismes de contrôles parlementaires prévus par la loi.

J’expliquais par ailleurs que le contreseing était une mesure exceptionnelle prévue pour assurer la gestion du pouvoir de l’État pendant la Transition où régnait au début un détestable climat de défiance réciproque entre les plus hautes autorités de l’État.

Même si dans la pratique quotidienne, le Chef de l’État signe le Décret en dernier ressort après les signatures du ministre concerné et du Premier ministre, le contreseing demeure, à mon humble avis, un gadget politique menaçant gravement la confiance qui constitue la pierre angulaire de toute coexistence au sommet de l’État.

Selon moi, aller à l’encontre des dispositions de l’article 33 alinéa 16 de la Constitution est une erreur dont on constatera rapidement les fâcheuses conséquences.

Malheureusement, pour toute réponse, la Cour Constitutionnelle de Transition a déclaré ma demande irrecevable pour « défaut de qualité », invoquant une « application combinée » des articles 97 et 98 de la Constitution; notion relevant plus de tournure linguistique que juridique.

Aussi, en vertu de cette « application combinée » des articles 97 et 98 de la Constitution, « la saisine de la Cour Constitutionnelle d’une demande d’avis est réservée au président de la République, au Président de l’Assemblée Nationale, au Président du Sénat, au Premier ministre ou à un quart des membres de chaque Chambre du Parlement ».

Monsieur le Président de l’Assemblée Nationale,

Pour l’exprimer avec les mots de Jean-Louis Debre, j’aime beaucoup la République pour supporter qu’on l’écorne. Puisque le refus de la Cour Constitutionnelle de Transition de statuer sur le fond de la demande est totalement injustifié. Pis, et comme on le verra, elle complexifie davantage la problématique posée par une jurisprudence fantaisiste qui viole certaines dispositions constitutionnelles.

Après mûres réflexions et au regard d’une série de décisions, j’ai acquis la conviction que l’image donnée actuellement par la Cour Constitutionnelle de son rôle et de ses fonctions ne correspond nullement à l’idée que s’en font les Centrafricains. Il faut veiller à ce que les membres de la plus haute institution judiciaire de notre pays ne deviennent pas de simples auxiliaires de justice, prompts à aller au devant des désirs du maitre du moment. Ce sont de tels comportements qui conduisent au totalitarisme. D’autant que la Cour Constitutionnelle doit rester le symbole d’une justice indépendante à l’égard du pouvoir politique.

D’ailleurs, même si je reconnais volontiers que la justification théorique appuyant ma demande d’avis adressée à la Cour Constitutionnelle de Transition peut paraître discutable — d’autant que dans un environnement adossé au quinquennat, où la tentation est grande pour le Chef de l’Exécutif de placer ses fidèles jusque dans les ministères sans passer par le ministre — le contreseing pourrait-être vu comme un moyen ou un autre pour le nécessaire consensus républicain, j’ai peine à cacher ma déception après la décision rendue par la plus haute cour judiciaire de notre pays.

J’estime par contre que ses membres auraient été mieux inspirés de rendre une décision au fond au lieu de se cacher derrière une hypothétique notion « d’application combinée », qui suppose que les articles 97 et 98 de la Constitution seraient des frères siamois, rattachés l’un à l’autre. Et de laisser ainsi perdurer une fâcheuse insécurité juridique susceptible d’impacter négativement les actes administratifs du Chef de l’État.

Car à supposer même que leur raisonnement ait une base juridique, il rendrait inopérantes les dispositions de l’article 98 de la Constitution; dans ce cas, il aurait fallu nécessairement, à mon sens, opérer une modification constitutionnelle pour supprimer lesdites dispositions et préciser in fine que « la saisine de la Cour Constitutionnelle d’une demande d’avis est réservée exclusivement au président de la République, au Président de l’Assemblée Nationale, au Président du Sénat, au Premier ministre ou à un quart des membres de chaque Chambre du Parlement ».

Or, aujourd’hui, la Constitution de notre pays laisse la possibilité à « toute personne de saisir la Cour Constitutionnelle sur la constitutionnalité des lois, soit directement, soit par la procédure de l’exception d’inconstitutionnalité invoquée devant une juridiction dans une affaire qui la concerne ».

C’est dire que même la restriction qui aurait pu être prévue et qui eût consisté à réserver la possibilité de la saisine de la Cour Constitutionnelle d’une demande d’avis sur la constitutionnalité des lois aux seuls « citoyens centrafricains » ne peut être invoquée. Puisque le législateur a ouvert cette possibilité de saisine à « toute personne ».

Dans ces conditions, et pour la vitalité de la démocratie centrafricaine encore balbutiante, il vous appartient de saisir la Cour Constitutionnelle de Transition d’une demande d’avis au sujet de l’interprétation erronée faite par les pouvoirs publics des dispositions de l’article 49 de la Constitution du 30 mars 2016 afin que, suivant l’expression du Général de Gaule, nul ne se méprend sur le poids de l’exemple ainsi donné. Et ce, en vertu des dispositions de l’article 63 de la Constitution qui dispose que le « Parlement légifère et contrôle l’action du Gouvernement ».

Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président de l’Assemblée Nationale, l’assurance de ma haute considération.




Georges Adrien POUSSOU
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