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Centrafrique : exclusivité le général Mohamed-Moussa DHAFFANE sort de son silence
Publié le mardi 28 mars 2017  |  Corbeau News
Mohamed-Moussa
© Autre presse par DR
Mohamed-Moussa Dhaffane, un des trois fondateurs de la Seleka et chef de la délégation
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La République Centrafricaine se remet petit-à-petit de la crise qu’elle vient de traverser. Plus d’un Centrafricain ne veut retomber dans le chao qu’a connu le pays ces trois dernières années et n’aspire qu’à la paix, la cohésion sociale et le vivre ensemble pour un développement harmonial du pays. Cette pensée doit être la primité de tout homme politique centrafricain. Le Général Mohamed-Moussa DHAFFANE est de cet avis à travers l’interview qu’il a accordé à Corbeau News que nous invitons à suivre.

Bonjour, Général Mohamed-Moussa DHAFFANE.Bonjour, Monsieur Herman THEMONA.
Vous êtes une importante personnalité de l’ex coalition de la Séléka. Personne n’ignore que vous y avez joué un très grand et déterminant rôle, voire même exercé une certaine influence. C’est dire que vous êtes à présent un homme politique avec sa vision et son analyse de la chose. Dites-nous quelle est votre lecture de la situation politique centrafricaine à l’heure actuelle ?Permettez-moi de vous remercier très sincèrement de me donner l’opportunité de m’exprimer publiquement aujourd’hui. Vous l’avez peut-être remarqué, depuis le début de l’année, après mes vœux de nouvel an aux compatriotes, j’ai décidé d’observer un silence pour rafraîchir ma lucidité. J’ai pris un petit recul pour scruter les uns et les autres afin de mieux apprécier l’évolution des évènements sans passion ni précipitation. Je me suis même, pour cause, déconnecté des réseaux sociaux. Je vais donc vous répondre avec mon cœur, sans altérer mon patriotisme caractériel ni varier ma démarche républicaine.Vous avez raison. Avec la Séléka, j’ai joué un grand rôle et exercé une certaine influence comme vous le dites. Je vous l’accorde. Mais pour quel résultat ? Des centaines de morts et mutilés, des milliers de réfugiés et déplacés internes, des infrastructures publiques et privées détruites, une fracture sociale sans précédent, un génocide religieux en début d’exécution mais vite arrêté, une économie quasi inexistante… et la liste est longue. Quoi qu’il en soit, je vous assure, je n’en suis pas du tout fier. Un homme politique doit avoir la capacité de se remettre en question, d’avoir des doutes, d’évaluer son parcours et de mettre l’intérêt général au-dessus de ses intérêts personnels. C’est ce que je suis. Ministre d’Etat, ancien ministre en charge des eaux, forêts et de l’environnement, je suis un homme d’Etat. Je ne peux plus me comporter comme un rebelle et chercher à déstabiliser un pouvoir démocratique établi.Quant à la situation politique de l’heure, je peux dire qu’elle est peu brillante en raison de la versatilité du plus grand nombre des acteurs de la Crise centrafricaine. Ils sont tellement opportunistes, malhonnêtes, semeurs de discorde et, surtout, calomniateurs, calculateurs. Ils n’ont pas la noblesse de caractère. Ils prennent le petit café avec vous le jour, dans la lumière de la confiance, et le soir, dans les ténèbres de la conspiration, ils sont à la table de celui qui veut votre mort. Dans cet état d’esprit, il est très difficile de convaincre les compatriotes et les partenaires de notre pays à accompagner les efforts du gouvernement. D’ailleurs, c’est à ce dernier, en toute légitimité, que revient le leadership. Il lui incombe l’obligation de justifier et de convaincre. Pas un simple citoyen comme moi.

Malgré que des élections jugées libres, démocratiques et transparentes se sont déroulées en Centrafrique et ont porté au pouvoir le Professeur Faustin-Archange TOUADERA, la situation sécuritaire n’est encore pas ce que souhaite le peuple Centrafricain, et l’on ne cesse d’indexer l’ex coalition Séléka d’être à l’origine. Qu’en dites-vous ? Et selon vous qu’est- ce qu’il faut faire pour que la sécurité véritable et durable soit retrouvée ?Je dis qu’il ne suffit pas d’une élection libre, démocratique et transparente pour que tout devienne normal, dans un pays en crise, comme si rien de grave ne s’était passé. Il en faut beaucoup plus qu’une élection. Un engagement désintéressé, une union sacrée. Il n’y a pas de baguette magique, mais de sacrifices à faire. Pour se redresser rapidement, notre pays a besoin de se rassembler. En ce temps de crise, nous devons faire preuve de solidarité même morale envers les victimes, de communion avec le gouvernement et de franchise avec les groupes armés. Il faut déjà que les « pouvoiristes » arrivent à taire leurs boulimies en ne mettant pas des bâtons dans les roues de ceux qui gouvernent, et que ces derniers fassent montre d’humilité et de justesse dans leurs choix politiques.Cela dit, permettez-moi de citer le cas de Monsieur Macron en France ou celui de Monsieur Sanders aux Etats-Unis. La Classe politique centrafricaine doit se rendre à l’évidence. Aujourd’hui n’est pas hier. Les jeunes se sont transformés. Ils sont devenus exigeants voire incisifs quant à leurs droits et libertés. Et puis, figurez-vous, la jeunesse à laquelle je fais allusion n’est pas d’âge mais d’esprit et d’idées. On peut avoir 60 ans et jeune en esprit, tout comme 40 ans mais avec des idées rétrogrades. Il s’agit d’innovation et de modernisation. On n’a pas nécessairement besoin d’un changement de personnalité, mais plutôt de mentalités, d’approche et de méthode en matière de gouvernance politique et économique. J’ai toujours dit à qui veut l’entendre que ce qui se passe dans l’arrière-pays est souvent ficelé à Bangui et même au-delà. Comment pourrait-on sécuriser les provinces si les décideurs et commanditaires sont ailleurs ? Suivez mon regard ! Ceci me fait interroger si le Président TOUADERA n’est pas victime de quelques promesses non tenues de certains acteurs comme ci-haut mentionnés. Alors, si ceci explique cela, pour que la sécurité véritable et durable soit retrouvée, il faut que les acteurs retrouvent le respect de la parole donnée. C’est la volonté qui fait tout. Et ce sont les intentions qui font de nous, devant Dieu, des acteurs du Bien ou du Mal. Moi, j’ai fait mon choix. Il y’a longtemps déjà. Par ailleurs, il vous souviendra que, pendant l’entre-deux-tours de l’élection présidentielle, j’avais pris position pour le candidat TOUADERA. Et, en plus des voix, j’avais apporté beaucoup de couleurs et de brillance à sa victoire. Je n’ai donc pas à dégainer contre lui. Ce n’est pas le moment de sortir la grande artillerie. Et, d’ailleurs, contre qui ? Contre la volonté du peuple ? Non !Je continue de lui faire confiance. J’entends des voix d’inquiétude s’élever ça et là. Je suis interpellé par celles et ceux qui m’ont soutenu lors des élections. J’observe. La situation est fragile. Délicate. Le gouvernement ne dispose pas assez de ressources. Mais la morale nous commande le bon sens et la bonne mesure, et l’intérêt général doit prévaloir. J’ai appris, aux dépens de mes détracteurs, à préserver le sens de la justice et du discernement même dans l’adversité. Il ne faut jamais se laisser mordre deux fois dans le même trou. Dieu n’est pas dans le parti de l’injustice et, en tout temps et en tout lieu, Il prend la défense des opprimés. C’est pourquoi, je refuse manifestement d’avoir Dieu comme adversaire. Fini le temps de la guerre, nous devons amorcer l’étape de la repentance et de la reconstruction nationale. D’ailleurs, j’ai écrit une chanson dans laquelle j’ai dit : « la tragédie n’est pas de commettre une erreur, la tragédie, c’est de persévérer dans l’erreur ».

En tant que homme politique centrafricain, êtes-vous au courant du dialogue inter centrafricain qui devrait se tenir très prochainement en Angola et qui rassemblerait toutes les sensibilités politiques du pays ? Qu’en dites-vous ?Par principe, j’apporte mon soutien à toute démarche susceptible de contribuer à l’apaisement et au retour de la paix. J’avais signé l’Accord de cessation des hostilités de Brazzaville malgré toutes les oppositions dans mon propre camp. J’ai aussi signé l’Accord portant sur le DDRR et l’intégration dans les Corps en uniforme de l’Etat Centrafricain lors du Forum National de Bangui. Par contre, j’avais contesté les assises de Nairobi compte tenu de sa duplicité avec le Forum de Brazzaville et celui de Bangui alors en préparation. Cette attitude explique bien mon état d’esprit patriotique. Toutefois, de la Transition à l’Ordre constitutionnel actuel, le contexte a évolué. Les enjeux aussi.

S’agissant de la reconstruction du pays, il y a eu la rencontre de Bruxelles où le programme de relèvement et de développement de la République Centrafricaine avait été présentée aux bailleurs de fonds. Plusieurs promesses ont été faites, mais les choses tardent à venir. Comment percevez-vous cela ?Nous devons comprendre et faire comprendre à nos concitoyens que notre pays n’est pas le centre d’intérêt stratégique international. Il ne faut pas continuer à tromper les Centrafricains, mais les sensibiliser à l’effort. La solvabilité actuelle dans les circuits commerciaux due à la présence de la MINUSCA est une chance non négligeable pour notre économie. La MINUSCA est une garantie-assurance pour les bailleurs de fonds. Aujourd’hui, la préoccupation essentielle de la Communauté internationale est ailleurs. Même la France, le Tchad, le Soudan et le Congo, jadis inquiets pour nous, sont aujourd’hui plus préoccupés par leur sécurité intérieure que par la Crise centrafricaine. Autrement dit, notre entêtement à ne pas privilégier les arrangements de la paix a fini par lasser nos amis. Si un nouvel incendie se déclenche aujourd’hui, Dieu nous en préserve, il n’y aura personne à côté de nous pour verser de l’eau.Aussi, il y’a, entre autres, la Syrie et la Lybie, le Yémen et la Corée du Nord, les flux migratoires, le réchauffement climatique et les recherches consacrées à l’énergie renouvelable, le commerce international et la chute du prix du pétrole, la sécurité internationale et le terrorisme ainsi que le nucléaire militaire n’arrêtent pas de capter l’attention des pays puissants et riches et des donateurs. Le contexte international, et même sous régional avec Boko Haram et autres, n’est pas à notre avantage. Soyons donc sérieux et conséquents !!!Plus prémonitoire que jamais, l’Administration du Président Donald Trump a baissé drastiquement le financement américain à l’aide extérieure, à l’humanitaire et à l’environnement. Les Américains s’en vont déjà du Haut-Mbomou qui est un vaste territoire à surveiller, car non loin du Soudan du Sud toujours en état de guerre et de famine.Les Nations Unies n’arrivent plus à réunir les ressources nécessaires à l’effectivité de leurs opérations à travers le monde et plus particulièrement en Afrique.

Il y’a la famine en Somalie, au Nigeria, au Soudan du Sud, etc. L’Union Européenne, premier bailleur de notre pays, va probablement faire augmenter la contribution de ses Etats membres envers l’OTAN tout en faisant face aux menaces terroristes sur son territoire et aux frontières. La Grèce, le flux des migrants, le chômage etc. La France, faisant partie de l’Union Européenne, ne peut que voir son budget national impacté, donc la Coopération. Nous en subirons, inéluctablement, les conséquences directes et indirectes. Prenons en garde ! On commence à nous oublier.

Ainsi donc, de ce point de vue, si nous ne nous montrons pas attrayants auprès des partenaires et conciliants entre nous-mêmes, personne ne se risquera pour nous. Nous ne sommes ni les plus beaux, ni les plus forts, ni les plus intelligents et encore moins les plus malins du monde. Cessons donc d’être constamment désignés comme des misérables pendant que nous possédons des ressources à exploiter et des opportunités à saisir. C’est une question d’honneur personnel et de fierté nationale. Montrons à ces prometteurs de fonds que nous sommes dignes de confiance et capables. Commençons déjà par savoir simplement nos besoins et nos capacités d’absorption, pas seulement l’envie d’avoir de l’argent pour en disposer. Au demeurant, je n’ai pas pris part aux discussions de Bruxelles, je n’en connais donc pas les exigences écrites ou non écrites. Mais, je sais, de manière générale, que la main qui donne est au-dessus de celle qui reçoit. A nous de prendre conscience de l’indispensabilité de la paix et de la sécurité pour notre propre développement, condition première d’investissements et de prêts. Quel que soit le montant d’argent que vous donnez à votre enfant arrivé à sa maturité pour prendre son indépendance, s’il n’est pas compétent, il le dilapidera sans bénéfices. Arrêtons d’indexer les autres et définissons quel avenir nous voulons construire pour nous et nos enfants. Voudrions-nous un avenir de paix et de développement ou un avenir de guerre et de misère ? Le choix nous appartient, pas aux autres. C’est aussi ça la souveraineté que nous clamons sans cesse, à tout bout de champ, sans en être, pour certains d’entre nous, dignes. Responsabilité oblige.

Pour finir, votre cri de cœur en tant que homme politique pour la stabilité et le développement de la Centrafrique ?

Mon cri de cœur ! C’est appeler les uns et les autres à un réel travail d’introspection. Je sais pertinemment que les groupes armés et les politico-militaires ont tous des revendications à la base. Certaines sont légitimes et essentielles à la concorde nationale, mais d’autres purement politiciennes et relevant de la perfidie pour assouvir des intérêts égoïstes.
Aucun groupe armé n’a montré sa capacité à gérer les affaires de l’Etat. Les combattants sont habiles et aguerris, capables de défendre le territoire national et imposer l’ordre public, mais la plupart des leaders sont corrompus et incompétents. C’est là que le bât blesse. On ne peut pas gérer le pouvoir de l’Etat avec la haine, la vengeance et l’arrogance ou le mépris. La révolution n’est pas compatible avec l’enrichissement personnel. Celui qui veut le pouvoir doit mépriser l’argent. Jamais les deux à la fois. L’argent est un outil pas un but.

Toutefois, au regard des souffrances des populations civiles, je pense que quel que soit la justesse des revendications, cela ne peut pas justifier les tueries qui sont enregistrées çà et là. Il faut avoir le courage de libérer les populations et de poser toutes ces revendications sur la table. Ensemble, avec les amis de notre pays, nous trouverons des réponses adéquates ainsi que les mesures nécessaires pour accompagner la restauration de l’autorité de l’Etat, la sécurité pour tous et le développement économique essentiel à l’épanouissement de nos compatriotes et la stabilité de notre pays. C’est comme cela que nous écrirons, avec les autres nations du monde, l’histoire de l’Humanité. Enfin, pour incitation à l’apaisement et à l’espérance, je dis ceci : il n’y a pas d’enfant qui ne tombe, il n’y a pas d’homme qui ne se trompe.

Général Mohamed-Moussa DHAFFANE, je vous remercie
C’est moi qui vous remercie très sincèrement

Propos recueillis par Herman THEMONA
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