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Communication de Martin ZIGUELE au Séminaire International de Réflexion à Niamey par la Fondation Jean-Jaurès, la Fondation Européenne des Etudes Progressistes et le Parti PNDS du Niger
Publié le mercredi 29 mars 2017  |  Centrafrique Presse Info
Communication
© Autre presse par DR
Communication de Martin ZIGUELE au Séminaire International de Réflexion à Niamey par la Fondation Jean-Jaurès, la Fondation Européennes des Etudes Progressistes et le Parti PNDS du Niger.
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Mouvement de Libération du Peuple Centrafricain

Justice – Liberté – Travail

Membre de l’Internationale Socialiste

BUREAU POLITIQUE

« ELECTIONS, DEMOCRATIE, GOUVERNANCE »

NIAMEY, 24 – 25 Mars 2017

Thème 3 :

ELECTIONS CONTESTABLES ET CONTESTEES ;

DEMOCRATIE DE FACADE – TRANSITION DEMOCRATIQUE COMME PROCESSUS POLITIQUE COMPLEXE ET FRAGILE :

CAS DE LA REPUBLIQUE CENTRAFRICAINE

Honorable Martin ZIGUELE

Président du MLPC

Je remercie notre parti frère, le Parti Nigérien pour la Démocratie et le Socialisme (PNDS) pour cette énième manifestation de sa solidarité militante, en acceptant d\’abriter cette rencontre consacrée à la réflexion et à ce partage d\’expériences. Je remercie également la Fondation Jean-Jaurès qui a pris cette heureuse et louable initiative de nous réunir ici à Niamey, car la pensée doit toujours précéder l\’action

Le thème que vous m\’avez demandé de présenter s\’intitule \"Elections contestables et contestées - démocraties de façade / La transition démocratique comme processus politique complexe et fragile (la RCA\"). C\’est un vaste et délicat sujet sur lequel j\’envisage écrire un livre lorsque les passions se seront estompées, pour l\’Histoire et pour la jeunesse de mon pays.

Pourquoi? Mais tout simplement parce que les dernières élections centrafricaines, présentées comme « démocratiques, incontestables et acceptées par tous », des élections de sortie de crise « à l\’issue étonnamment heureuse et pacifique compte-tenu du contexte de guerre civile», et qui ont doté la République Centrafricaine d’une Constitution , d’un Président de la République, des Députés et permis un retour à l’ordre constitutionnel, recouvrent des réalités qui pour des raisons au moins épistémologiques, doivent être analysées et comprises.

RAPPEL HISTORIQUE

D\’abord il me semble utile de faire un petit rappel historique de notre situation politique, pour comprendre notre environnement.

La République centrafricaine, dernier territoire colonial \"découvert\" avec le Tchad, a connu un genre de gouvernement colonial indirect avec les sociétés concessionnaires à qui le pays a été confié. Dernier confins colonial, donc pas de crédit pour son développement. Pas de routes dignes de ce nom, très peu d\’écoles et de centres de formation, pas de chemin de fer jusqu\’à ce jour, mais par contre beaucoup de chicottes, beaucoup de corvées. Pour rajouter à ce tableau, nous perdons juste un an avant notre indépendance Barthélémy Boganda, le premier prêtre centrafricain qui a dû quitter les ordres devant la vacuité du personnel politique pour se battre pour cette indépendance. Nous arrivons donc à l\’indépendance avec de très jeunes dirigeants qui investissent le plus clair de leur énergie dans une guerre de positionnement et d\’égo. Six ans seulement après l\’indépendance, le Colonel Jean Bedel Bokassa prendra le pouvoir par un sanglant coup d’Etat et nous connaissons la suite.

Il ne faut jamais perdre de vue qu’en 57 ans d\’indépendance, la RCA, c\’est 10 ans de pouvoir civil et 47 ans de pouvoirs militaires issus d\’au moins six putschs et autres rébellions soutenues de l\’extérieur et par l\’extérieur.

Ainsi donc, en 57 ans d\’indépendance, la RCA n\’aura connu que deux seules alternances démocratiques, la première avec la victoire du MLPC aux élections de 1993 supervisées -déjà- par des forces extérieures, et la seconde par le candidat Faustin Archange Touadéra en 2016. Pour me résumer notre vie politique a été trop longtemps rythmée par la promotion des valeurs antirépublicaines et anti-démocratiques, et l\’exception de la prise de pouvoir ou sa confiscation par la force est devenue dans notre subconscient la règle.

La dernière crise en date et qui court toujours, abusivement présentée comme un conflit religieux opposant chrétiens et musulmans, a pris sa source dans ce trait de culture politico-institutionnelle historique et structurelle en RCA, à savoir le refus délibéré de l\’alternance démocratique, et plus globalement le refus de respecter les lois d\’airain de la démocratie, la légitimité populaire n\’étant recherchée qu\’après la prise de pouvoir par la force.

Cette dernière crise disais-je, est directement née de la contestation des résultats des élections des élections de Janvier 2011, organisées et gagnées par le Général François Bozizé en dehors de tout cadre légal. Cette contestation a été organisée autour des partis politiques de l’Opposition démocratique dont le MLPC, qui ne pouvaient accepter un hold-up électoral perpétré en dehors de tout cadre légal, en droite ligne de cette fameuse culture de confiscation autoritaire du pouvoir depuis notre indépendance. Nous avons créé à cette fin une plateforme de lutte politique pacifique dénommée Front pour l’Annulation et le Reprise des Elections de 2011 en abrégé FARE-2011.

Naturellement, François Bozizé refusa obstinément toute idée de dialogue avec son opposition. Pendant ce temps, ses contradictions internes avec les chefs rebelles qui l’ont porté au pouvoir le 15 mars 2003 se sont aggravées. Ces rebelles se sont coalisées sous le nom de Séléka et ont déclenché en décembre 2012 les hostilités contre le pouvoir de François Bozizé.

Devant cette situation de chaos politique et militaire, les Chefs d’Etat de la CEEAC ont décidé de la tenue d’un dialogue inter-centrafricains à Libreville (Gabon) en Janvier 2013 avec toutes les forces vives de la Nation, et les parties prenantes.

C\’est à l\’issue de ce dialogue qu\’un Accord politique a été signé avec les principaux points suivants:

la mise en place d’un Gouvernement de Transition, dirigé par un Premier ministre à l’Opposition démocratique
l’entrée des groupes armés dans ce Gouvernement
l’organisation des élections au terme de la Transition dont la durée ne saurait excéder 18 mois
le maintien du Président Bozizé jusqu\’au terme de son second et dernier mandat en mars 2016.
Malheureusement, les clauses de cet Accord politique ne seront pas respectées et cette première transition sera interrompue par le coup de force de la Seleka le 24 mars 2013, ouvrant la voie à une e seconde transition dirigée par Michel Djotodia. Celle -ci se caractérisera par de graves violences sur toute l\’étendue du territoire national, la disparition des forces de défense et de sécurité et l\’affaiblissement de l\’autorité de l\’Etat. Par réaction aux exactions commises par la Séléka, se créa la coalition des Anti-Balakas présentées comme des milices d\’auto-défenses chrétiennes. La confrontation entre ces deux forces connaîtra son point culminant le 5 décembre 2013, entraînant de graves pertes en vies humaines et des affrontements intercommunautaires sans précédent. L\’intervention des forces françaises Sangaris, en appui des forces de la CEEAC, a très certainement permis d\’éviter un véritable bain de sang.

Devant cette situation de chaos sécuritaire et d\’effondrement de l\’Etat, les Chefs d’Etat de la CEEAC réunis le 10 janvier 2014 à Ndjamena y convoquent le Conseil National de Transition (CNT-Assemblée de transition), les groupes armés et la société civile et font démissionner le Chef d’Etat de la Transition Michel Djotodia ainsi que le Premier ministre issu de l’Opposition démocratique.

De retour à Bangui, le CNT procèdera à l\’élection de Madame Catherine Samba- Panza le 14 janvier 2014, comme nouveau Chef d\’Etat de la troisième phase de cette transition. Sa feuille de route consistait à terminer la Transition et à organiser les élections présidentielle et législatives. Ce sera sous son mandat que seront organisés le référendum constitutionnel, et ces élections que nous analyserons, dans un contexte où les deux principaux groupes armés- Séléka et Anti-Balakas- ne lui laisseront aucun répit, allant jusqu\’à se rapprocher autour d\’exigences politiques communes à Nairobi au Kenya, initiative désapprouvée par le Représentant spécial des Nations Unies pour l’Afrique centrale d’alors, le Pr Abdoulaye Bathily.

Au total, la transition politique entamée en janvier 2013 aura duré 3 années, c’est-à-dire bien au-delà des 18 mois initialement fixés dans l\’Accord de Libreville comme durée de la transition.

LES TRAITS CARACTERISTIQUES DES ELECTIONS

C\’est un pays à la situation dantesque qui s\’engagera dans le processus électoral fin 2016. Les caractéristiques principales, donc non-exhaustives, de ces élections en République Centrafricaine sont les suivantes:

1°). Devant l\’effondrement de l\’Etat, l\’organisation des élections était en fait du ressort politique et financier de la communauté internationale qui n\’avait pas la même lecture, loin s\’en faut, du processus électoral en termes de conditions minimales de sa crédibilité, de la fiabilité des processus, des conditions de son exécution sur un terrain non sécurisé, de son calendrier remaniable à la hussarde, etc. Ces questions étaient considérées comme superfétatoires devant la nécessité de « tourner absolument la page » d\’une transition difficile, les élections ici étant considérées plutôt comme un rituel sacrificiel permettant certains désengagements déjà planifiés.

2°)- Toujours devant l\’effondrement de l\’Etat, la faiblesse de l\’administration et l\’absence de forces de défense et de sécurité efficaces sur le terrain à l\’intérieur du pays, il était évident que le processus électoral allait avoir comme \"grands électeurs\" les groupes armés comme cela s\’est déjà produit en Côte d\’Ivoire en 2011. Ce fut le cas lors de ces dernières élections en RCA dans une grande partie du pays, car le principal moyen que la Cour Constitutionnelle de Transition a soulevé pour annuler les résultats du premier tour des élections législatives - tout en maintenant paradoxalement ceux des présidentielles alors que ces deux scrutins étaient groupés - était l\’action des groupes armés pour fausser les résultats électoraux locaux. Cette même Cour continuera d\’annuler sur la base de ce même moyen plusieurs scrutins législatifs locaux.

3°)- On aurait pu penser que cette campagne électorale allait donner lieu à la présentation et à la confrontation de programmes politiques idoines pour la sortie de crise. Que nenni ! Des forces politiques, et pas des moindres, bénéficiaires de certaines sympathies, ont bâti tout leur argumentaire autour des calomnies et de la désinformation présentant leurs adversaires politiques comme favorables à tel ou tel autre groupe armé. De leurs programmes politiques pour la sortie de crise, presque pas un mot.

4°)- L\’Autorité Nationale des Elections (ANE), instance indépendante censée crédibiliser ce processus électoral, ne pouvait qu\’être dépassée par les événements, en dehors de ses propres limites subjectives. Le Code électoral, adopté par large consensus à la lumière des expériences tirées des élections décriées de 2011, a été détricoté fil par fil sous la pression des \"bailleurs de fonds\" par des lois votées hâtivement par le CNT pour la circonstance. Ainsi:

- la biométrie qui devrait être introduite avec la carte d\’électeur biométrique a d\’abord été supprimée au profit de carte d\’électeur avec photo. Puis les cartes d\’électeur avec photo ont été supprimées quelques jours plus tard, et retour à la case départ des cartes d\’électeurs sans photos de 2011. Du coup personne ne pouvait plus maîtriser la fraude en raison de la multiplication et la distribution anarchique des cartes d\’électeurs. Comment s\’assurer de l\’intégrité du corps électoral si la base, le nombre d\’lecteurs n\’est ni sécurisé ni fiable?

- les délais des opérations électorales ont été comprimés, parce que toutes les élections \"devaient être bouclées\" avant le 31 décembre 2015, et dès le départ le recensement électoral et les opérations référendaires ont été bâclés.

- le nombre d\’électeurs par bureau de vote a été doublé (passant de 250 à 500 personnes), tout cela dans un contexte de pression énorme qui a vu la démission du Président et du Vice Président de l’Autorité Nationale des Elections pourtant initialement élus pour sept ans. Il faut également signaler la mise en place tardive de l\’ANE et les difficultés de bouclage de son budget.



Par ailleurs, malgré l\’indépendance proclamée des l\’ANE, il a bien été noté pendant le processus électoral une absence de neutralité de certaines autorités administratives aux niveaux central et périphérique. De même, l\’ANE ne peut être indépendante et accepter que plusieurs bureaux de vote soient logés aux domiciles de certains chefs de village ou de quartier, de même que les centres de dépouillement.

CONCLUSION

Je tente de garder le fil d\’Ariane avec la thématique \"Elections contestables et contestées - démocraties de façade / La transition démocratique comme processus politique complexe et fragile (la RCA\") en le repositionnant comme suit: La transition démocratique comme processus politique complexe et fragile. Elections contestables et contestées - démocraties de façade (la RCA)



Oui, la transition politique centrafricaine a été non seulement complexe et fragile mais surtout sanglante, à cause des tentatives répétées de restauration des ordres politiques précédents, face à un Etat affaibli par des décennies de mauvaise gouvernance. Les pouvoirs déchus, chacun à travers les groupes armés de son obédience, ont mis à rude épreuve la transition politique dans leur tentative de reprise du pouvoir, soit par la ruse (Accords de Nairobi) soit par la violence aveugle. Et d\’ailleurs, malgré les dernières élections, force est de constater que ces velléités de restauration des ordres anciens demeurent, et leurs tentatives prennent la forme de pressions sécuritaires violentes et d\’exigences surréalistes pour entrer dans le processus de paix.

C’est dans le cadre de cette transition donc, qui est le moment paroxysmique de la crise de gouvernance qui gangrène ce pays depuis l\’indépendance, que se sont tenues ces élections censées construire un ordre politique et institutionnel nouveau. Les conditions du déroulement des élections décrites plus haut, et le contexte sécuritaire dégradé, ont objectivement impacté le processus.

Elections contestables et contestées? Dès la clôture du premier tour des élections, nos premières inquiétudes ont commencé lorsque nous avons constaté que la proclamation des résultats ne se faisait pas bureau de vote par bureau de vote comme l\’exige la loi électorale afin de permettre la comparaison entre les résultats diffusés et ceux relevés par nos représentants dans les bureaux de vote. Rien n\’y fit malgré nos multiples rappels à l\’ordre et malgré les protestations de la quasi-totalité des candidats regroupés dans un collectif.

Après la proclamation des résultats provisoires, le MLPC a introduit auprès de la Cour Constitutionnelle de Transition une requête en annulation du premier tour des élections présidentielle et législatives, en se fondant sur des éléments de preuve réunis par huissier sur une grande partie du pays. La Cour a jugé notre requête recevable mais dans un arrêt qui restera dans les annales judicaires comme une exception centrafricaine, annulera le premier tour des élections législatives mais maintiendra celui des présidentielles. Pourtant comme je l\’ai dit tantôt, ce sont des scrutions groupés.

Respectueux de la légalité, le MLPC s\’est incliné devant ce verdict sans recours possible et son Bureau Politique a décidé de soutenir néanmoins l\’un des candidats admis au second tour, Faustin Archange Touadéra, sur la base d\’un Accord politique dont la mise en œuvre reste d\’actualité. Il sera élu Président de la République à l\’issue du second tour.

Démocratie de façade? Une constitution a été votée, un Président de la République élu et investi, une Assemblée nationale a été mise en place, et les lois organiques des diverses autres institutions prévues par la Constitution du 30 mars 2016 ont été récemment votées (Cour Constitutionnelle, Sénat, Haute Cour de Justice, Haut Conseil de la Médiation, Haute Autorité chargée de la Bonne Gouvernance, Haut Conseil de la Communication et Conseil Economique et Social) et leur mise en place imminente.

Ainsi donc, sur un plan formel, au terme d’une transition laborieuse et difficile, nous nous apprêtons à vivre l\’an I du retour à l\’ordre constitutionnel, tout le décor est planté pour un bon fonctionnement et pour le renforcement de la démocratie.

Cependant, concrètement, la démocratie centrafricaine risque de demeurer de façade si les conditions suivantes ne sont pas remplies:

Un retour effectif à la paix et à la sécurité sur toute l\’étendue du territoire national à travers d\’un Accord global de paix. Cet Accord pour être crédible, doit refuser de consacrer l\’impunité tout en favorisant la réconciliation nationale.
La restauration subséquente de l\’autorité de l\’Etat sur tout le territoire national et le retour de l\’administration, car il ne peut y avoir de démocratie sans Etat de droit.
Le libre-exercice par les différentes institutions de leurs missions dans le cadre tracé par la Constitution.


Conscients des risques de retour en arrière eu égard à notre histoire, et tenant compte des souffrances endurées par le peuple centrafricain, les acteurs politiques ont fait preuve de réalisme en acceptant l\’idée d\’une union sacrée autour de notre pays sur les questions de paix et de sécurité, de réconciliation nationale et de cohésion sociale, tout en restant vigilants sur les principes républicains et démocratiques.

Je termine en disant que comme une hirondelle ne fait pas le printemps, une élection ne fait pas la démocratie. Nous sommes conscients au MLPC que la lutte pour la démocratie en République centrafricaine sera longue et difficile , car il faut d\’abord avoir la paix, remettre l\’Etat debout et parachever la réconciliation tout en passant par la case justice. Comme au premier jour de la naissance du MLPC le 22 février 1979,qui rappelons-le, a été créé dans le cadre de la lutte contre l\’Empire et pour la restauration de la République, nous sommes plus que convaincus de la nécessité de poursuivre cette lutte pour la République et pour la Démocratie, car notre histoire nous enseigne que rien n\’est acquis.



Martin ZIGUELE
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