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Les élus et la défense de la liberté en République Centrafricaine depuis l’entrée en vigueur de la Constitution (réflexion)
Publié le vendredi 12 mai 2017  |  RJDH-Centrafrique
Centrafrique
© Autre presse par DR
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Les élus et la défense de la liberté viennent à point nommé en cette ère de démocratie en République centrafricaine. Et l’on ne peut parler de la démocratie sans parler des libertés. Il n’est pratiquement pas d’État de droit qui n’ait un discours favorable aux libertés. C’est pourquoi nous proposons d’examiner le rôle des élus : d’abord, dans le cadre de la création des libertés et de leur réglementation ; ensuite, dans le cadre de la défense des libertés en cas de violations.

I-Rôle des élus dans le cadre de la création et de la réglementation des libertés

Le Peuple Centrafricain vient d’adopter une nouvelle Constitution de la République promulguée par le chef d’État de la transition par Décret n°16 .0218 du 30 mars 2016. Dans cette Constitution[1] y figurent bon nombre de libertés énoncées principalement au titre I intitulé : » Des bases fondamentales de la société». Nous y relevons notamment.

-A l’article 5 : Les libertés d’aller et venir, de résidence et d’établissement sur toute l’étendue du territoire ;

-A l’article 10 : La liberté de réunion. C’est cette liberté qui permet « l’échange en commun d’idées » et qui est un élément essentiel de l’action politique collective ;

-A l’article 12 : La liberté syndicale et le droit de grève, le syndicat étant à la fois une force de revendication et de contestation, source de conflits et un agent de négociation, facteur d’intégration au système économique et au système hiérarchique de l’entreprise, source de participation et , en définitive, de consensus ;

-A l’article 13 : La liberté d’entreprise dont découle la liberté de commerce et de l’industrie.

-A l’article 15 : La liberté d’expression qui est à mon avis une liberté essentielle, sans laquelle il n’y a pas de véritable démocratie ;

-A l’article 16 : La liberté de correspondance qui n’est pas seulement un moyen de protection de la vie privée, mais aussi indissociable de tous les autres droits garantissant la liberté d’expression.

Bien sûr, cette liste n’est pas exhaustive. Il appartient aux élus de la nation de continuer à jouer le rôle du peuple qui vient d’adopter cette Constitution et ; partant, ces libertés énumérés ci-dessus. En quoi faisant ?

Premièrement : En créant les libertés dont les grands principes figurent dans la Constitution du 30 mars 2016. Les élus ont donc un rôle de création, de défense et de protection. Ils y sont tenus parce que les libertés figurent dans la compétence du parlement qui est le domaine de la loi prévu à l’article 79 [2]de la nouvelle Constitution. Ils doivent prendre des lois pour développer, appliquer, concrétiser ces principes consacrés par la loi fondamentale du pays .Par exemple : le droit de grève est reconnu dans les conditions déterminées par la loi. Donc il appartient aux élus de prendre le relai en créant les conditions légales du droit de grève.

En effet, l’article 12 de la nouvelle Constitution stipule « le droit de grève est garanti et s’exerce dans le cadre des lois qui le régissent et ne peut en aucun cas porter atteinte ni à un libre exercice du droit de propriété ».

Donc, quand bien même la grève soit permise par la Constitution, une loi doit être prise pour prohiber par exemple les piquets de grève qui portent atteinte au droit de propriété et à la liberté du travail.

En France, le droit de grève a valeur constitutionnelle (préambule de la Constitution de 1946 et 1958[3]), il est reconnu comme tel par le Conseil constitutionnelle et Conseil d’État et inscrit dans le statut de la fonction publique. Et c’est une loi du 31 juillet 1963 qui déclare illégales les » grèves surprises », c’est-à- dire non précédées d’un préavis de 5 jours, et abusives les grèves perlées et tournantes. Suite aux évènements de mai 1968, les élus du Peuple ont adopté la loi « anticasseurs » pour punir ou prévenir les auteurs d’atteinte aux propriétés lors des manifestations.

En Centrafrique quand il y a grève, les gens ont tendance à s’en prendre aux propriétés meubles et immeubles dans les quartiers ou sur les voies publiques, ce qui est anormal. Face à une telle situation, le député doit non seulement créer les libertés mais les limiter ou les endiguer afin qu’elles s’exercent réellement dans le cadre du respect réciproque à travers les balises posées par l’État.

Cela peut a priori poser problème que la liberté soit d’ores et déjà limitée. Cela peut être interprété comme une atteinte .Et c’est là, la problématique de la liberté.

C’est pourquoi, les députés ont par ailleurs, un rôle pédagogique à jouer, c’est –à-dire d’éducation et de sensibilisation des citoyens et du peuple, afin que les adoptées ne deviennent pas lettres mortes, qu’elles soient effectivement respectées.

Deuxièmement : Le rôle de l’élu consiste également à réglementer les libertés .Il lui revient d’initier et de voter des lois pour réglementer les principes contenus dans la Constitution du 30 mars 2016. Ce genre de lois existe déjà en Centrafrique comme par exemple :

-les lois n°91 .003 du 4 juillet 1991 et n° 91.013 du 28 août 1991, restaurant le libéralisation de la vie politique et le multipartisme ;

-la loi n°88.009 du 15 mai 1988, portant sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical ;

-la loi n°61. 233 du 27mai 1961 relative à la réglementation des heures d’ouverture et de fermeture des bars dancing. Mais celle-ci est tombée en désuétude et ne cadre plus avec la réalité ; seule une nouvelle version de cette loi devrait prendre en compte la question des troubles de voisinage en vue d’organiser et de fixer les conditions de certaines libertés contenues dans la Constitution. Et d’ailleurs, certaines dispositions de la Constitution le précisent de manière expresse.

Troisièmement :Il appartient aux députés, après vérification de leur conformité aux principes contenues dans notre Constitution, d’autoriser la ratification des Conventions internationales traitant les libertés si elles le sont pas déjà faites .

II- Rôle de l’élu dans la défense des libertés en cas de violation

Est-il besoin de le préciser aux Députés issus d’une lutte au cours de laquelle nombre d’entre eux ont été victimes de violation de leurs libertés par le pouvoir exécutif qu’ils sont condamnées à défendre les libertés et à dénoncer leur violation ?

En effet, en matière politique, le plus fort qui l’exécutif évoque toujours des « raisons d’État » pour enfreindre aux libertés. L’attention des députés est attirée pour qu’ils soient à jamais vigilants sur une notion généralement et abusivement exploitée par les pouvoirs publics pour légitimer la violation des libertés .Il s’agit de ce qu’on appelle « l’intérêt supérieur de l’État, raison d’État, maintenant de l’ordre public »…On ne les interpellera jamais assez sur ces notions . Que cela soit ancré dans votre subconscient et que cela ressurgissent à tout moment.

Les Députés sont suffisamment mis en garde, et je ne prendrais pour ma part, que quelques exemples :

· En matière de réunion, la notion de menace à l’ordre public, l’insuffisance des moyens de maintien de l’ordre, permettent à l’administration de fonder en droits discriminatoires à l’encontre des opposants, au mépris du pluralisme pourtant admis par tous. Le principe de la liberté doit en effet et impérativement se concilier avec les nécessités du maintien de l’ordre public. Mais cette exigence devient prétexte à discrimination par les pouvoirs publics pour refuser aux opposants l’autorisation des réunions politiques.

· En matière d’association, l’atteinte à l’intégrité du territoire ou à la forme républicaine de l’État et le recours à la forme républicaine de l’État et le recours à la force, servent de fondements aux décisions de dissolution des associations gênantes ou qui empêchent de tourner en rond.

· En matière syndicale, la fonction contradictoire de l’activité syndicale qui peut être aussi une source de conflits constitue un prétexte au pouvoir public pour limiter son action.

· Quant à la manifestation qui fait l’objet d’une crainte car elle peut se prolonger en divers troubles graves à l’ordre public (occupations des locaux publics et privés, voire insurrection comme en attestant les évènements de mai 1968 en France), il est plus facile à l’exécutif de la phagocyter.

· L’atteinte à la sûreté de l’État, la diffamation, la protection de la vie privée, etc…, constituent des alibis à l’Exécutif pour porter atteinte à la presse par la censure ou la saisie.

Nous pourrions prolonger la liste de ces exemples mais nous voulons dire simplement aux Députés : soyez plus vigilants lorsque vous serez souvent appelés à avaliser ce genre de turpitudes. Évitez l’interférence, vous qui avez le rôle de placer les balises que l’autre a tendance à déplacer. Il vous fait être vigilant pour ne pas rejoindre ceux- la mêmes qui violent les libertés.

Il faut donc dresser toutes les barrières contre l’exécutif chaque fois que les arguments évoqués ne sont pas fondés.

Il ne s’agit pas de s’en prendre à l’exécutif, mais les faits sont ce qu’ils sont : c’est généralement lui qui a la gestion des libertés, ce qui impose de le mettre en exergue.

Plusieurs moyens d’actions sont donc prévus à cet effet :

Premièrement : moyens d’actions politiques tendant à mettre en mouvement la responsabilité de l’auteur de la violation, en l’occurrence L’exécutif .Ces moyens sont énoncés à l’article 89 de la Constitution du 30 mars 2016 à savoir :

-la question de confiance ;

-la question orale ou sans débat ;

-l’audition en commission ;

-la commission d’enquête et de contrôle ;

-l’interpellation ;

-la motion de censure.

Les Députés disposent donc des moyens légaux pour jouer leur rôle quant à la défense des libertés.

Deuxièmement : moyens juridiques ou judiciaires. L’élu du peuple dans la défense des libertés peut, en vertu de l’article 97[4] de la nouvelle Constitution, saisir la Cour constitutionnelle pour attaquer l’inconstitutionnalité d’un texte promulgué, en voie de promulgation ou même encore en discussion au parlement, texte qui est attentatoire aux libertés.

Or, auparavant seul le président de la République ou le président de l’Assemblée nationale, à la demande d’un tiers des Députés, pouvait le faire .Il était donc difficile aux formations politiques dont le nombre des Députés était minoritaire d’accéder à cette procédure.

Désormais, cette barrière est levée, la voie est libre. En effet, selon l’article cité ci-dessus, un simple citoyen qui estime léser peut saisir la Cour constitutionnelle sur la constitutionnalité des lois, soit directement, soit par la procédure de l’exception d’inconstitutionnalité invoquée devant une juridiction dans une affaire qui le concerne.

En cas de poursuite d’un citoyen devant le juge lorsque le texte devant être appliqué est en contradiction avec la Constitution (et cela est possible à présent puisque nous nous trouvons sous l’empire d’une nouvelle Constitution), en pareille circonstance, le prévenu peut soulever l’exception d’inconstitutionnalité, c’est-à-dire qu’il va relever l’exception que le texte devant lui ne peut être appliqué car non conforme à la Constitution. Dès cet instant, le juge est tenu de surseoir à sa décision et de saisir la Cour constitutionnelle pour requérir son avis. Bien entendu, le but recherché est de s’assurer si le texte ne porte pas d’atteinte aux libertés.

En guise de conclusion à notre analyse, les élus ont cette rôle de création, de défense et de protection des libertés qui figurent dans la Constitution du 30 mars 2016 .Par ailleurs, des moyens d’actions politiques et judiciaires sont prévus pour permettre aux élus de mettre en jeu la responsabilité de l’Exécutif dans la violation des libertés.

Docteur Charles Lasserre Yakite

[1] La Constitution du 30 mars 2016 a été approuvée par référendum constitutionnel par 90%.
[2] Article 79 de Constitution du 30 mars 2016 : « Le parlement se prononce sur les projets de loi déposés sur le Bureau de chaque chambre par le Gouvernement ou sur les propositions de loi déposés par les membres du Parlement ».
[3] Le 28 septembre 1958, la Constitution de la cinquième République Française est massivement approuvée par le français et par l’ensemble des territoires d’outre-mer .
[4] Article 97 de la Constitution du 30 mars 2016 : « Le Président de la République, le Président de l’Assemblée Nationale, le Président du Sénat, le Premier Ministre ou un quart (1/4) des membres de chaque chambre du Parlement peuvent saisir la Cour constitutionnelle d’une demande d’avis ».
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