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Dans Bangui, un foyer donne "un peu d’amour" aux gamines des rues
Publié le vendredi 22 septembre 2017  |  AFP
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Blandine, 16 ans, a été chassée de chez elle après avoir été violée dans un camp de déplacés. Clara, 12 ans, s'est retrouvée à la rue car ses parents "ne l'aimaient pas". Victimes fragiles entre toutes de la misère et du conflit en Centrafrique, des gamines de rues ont retrouvé "un peu d'amour" dans une pension de bonnes sœurs à Bangui.

Avant, elles déambulaient dans la capitale mutilée de la Centrafrique, seules et abandonnées à leur sort. Certaines de ces jeunes filles des rues ont trouvé un refuge dans la pension école "La Voix du cœur".

"On donne un peu d'amour à des jeunes qui n'ont plus rien", explique Béatrice Epaye, qui a ouvert sa pension école en juin 2016 dans le nord de Bangui.

Blandine vivait avec ses parents dans le camp de déplacés de Mpoko, aux abords de l'aéroport de Bangui, où des milliers de déplacés ont survécu pendant trois ans jusqu'à l'évacuation des lieux en décembre 2016. Partie de l'intérieur du pays, sa famille avait fui le conflit entre groupes armés, en 2014, pour venir se réfugier dans la capitale.

Entre des baraques de fortune le long des pistes de l'aéroport, la petite a été victime de la promiscuité dans ce taudis qui accueillait quelque 20.000 personnes. "Des gens dans le camp m'ont violé, plusieurs fois. C'était des voisins. Je l'ai dit aux policiers, ils sont venus les tabasser. Mais à partir de ce moment, ma famille m'a chassé. Ils ne voulaient plus me voir", raconte-t-elle, les yeux embués par le souvenir.

"En un an, une petite cinquantaine de filles sont passées par notre structure", explique fièrement dans l'enceinte de la pension Mme Epaye, qui est aussi députée et figure de la société civile centrafricaine. L'ONG centrafricaine "La Voix du Cœur", dont elle est la présidente, œuvre dans le pays depuis 1994.

A Bangui, il y aurait entre 700 et 2000 enfants des rues, selon des chiffres de 2013 de l'ONG française Triangle. "Mais ce phénomène a pris de l'ampleur depuis la crise", selon Mme Epaye. Aucune statistique n'est disponible depuis.

Victime de la misère plus que de la guerre, Clara a aussi connu la rue, durant trois ans. "Ma maman ne m'aimait plus, j'ai dû partir", dit-elle en baissant la voix. Elle avait neuf ans.

Elle raconte qu'elle rejoint alors un groupe d'enfants des rues, fait la vaisselle dans des restaurants de rue, mendie dans les bas-quartiers.

"Parfois, je rentrais par la fenêtre chez les gens et dormais dans leur salon. Je me levais vers 4h du matin, et repartais en ville", se souvient-elle aujourd'hui. Elle affirme avoir été violée par un autre enfant des rues.

Délaissées, Blandine et Clara ont croisé le chemin de "Maman Béatrice", comme elles l'appellent.

- Victimes collatérales -

Souvent très jeunes, les filles des rues sont les victimes collatérales du conflit qui mine la Centrafrique depuis 2013, pays enclavé d'Afrique centrale où 1,1 million des 4 millions d'habitants ont dû fuir leur domicile.

Les civils sont en première ligne des violences qui ravagent un pays sous la coupe de groupes armés qui se livrent, selon des sources diplomatiques et des ONG, à une véritable "prédation" des ressources naturelles (diamants, or, bétail...).

Certaines pensionnaires - 14 actuellement - ont été esclaves sexuelles de membres de ces groupes armés, selon Mme Epaye.

"Celles-ci ont vu et subi des exactions, des horreurs", assure-t-elle sans donner plus de détails. Ces jeunes filles ne veulent pas témoigner.

A "La Voix du cœur", les éducatrices ont fait de la réintégration de ces jeunes filles leur objectif: "On scolarise les plus jeunes, les autres font de la formation professionnelle, pour devenir couturière par exemple", explique Sœur Bertine, une des enseignantes du centre.

"Je suis en classe de CM2", raconte Blandine. "Je fais aussi la teinture, le tapioca, la confiture..."

"Plus tard, j'aurai +le master+ et je serai directrice d'école", espère-t-elle, en ajoutant vouloir "rendre fière" sa famille - malgré tout.

"Maintenant je suis en CP, j'aime bien l'école", raconte Clara, assise sur une chaise de la salle de classe, les yeux rivés sur le sol, en balançant ses pieds d'avant en arrière.

Dans une propriété pas plus grande qu'un terrain de foot, entourée d'un haut mur de pierre, la maison située au centre fait office de bâtiment administratif, réfectoire, et salle de cours.

Chaque jeune fille partage sa chambre avec une autre pensionnaire. "La prise en charge est totale: santé, éducation, instruction", assure Sœur Bertine.

Dans des cas très rares, les jeunes filles de la pension retrouvent parfois leur famille. "Ce sont des petites victoires, mais des victoires quand même", sourit Mme Epaye. Avant d'ajouter: "Il en faudrait beaucoup plus dans le pays".
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