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Winnie Madikizela-Mandela, un destin hors du commun
Publié le mardi 3 avril 2018  |  RFI
Winnie
© AFP par Rajesh JANTILAL
Winnie Madikizela-Mandela, un destin hors du commun
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Winnie Madikizela-Mandela, égérie de la lutte contre l’apartheid, s’est éteinte à 81 ans. Surnommée « Mama Wethu », la « mère de la nation », cette figure controversée est restée populaire jusqu’au bout, malgré ses frasques et ses déboires avec la justice. Ses compatriotes noirs se reconnaissent en elle, en raison de l’imbrication de son histoire personnelle avec celle du pays, de longues années de souffrances et des blessures qu’elle en a gardées.
Née en septembre 1936 dans un village du Transkei, en pays xhosa, Winnie Madikizela, qui a perdu très tôt sa mère, est « montée » comme nombre des jeunes de sa génération à Johannesburg pour terminer ses études. Poussée par son père, un fonctionnaire du homeland (« bantoustan ») du Transkei, elle fut la première assistante sociale noire de l’Afrique du Sud, dans ce qui était déjà l’apartheid, instauré en 1948.

Repérée pour sa beauté par le magazine Drum, qui a publié des photos d’elle, mais aussi à un arrêt de bus à Soweto par Nelson Mandela, jeune loup du Congrès national africain (ANC), elle le voit divorcer puis l’épouse en juin 1958. Le couple vit dans une modeste maison de briques à Soweto, avec le luxe inouï d’avoir eau courante et toilettes à l’intérieur. Les rues résonnent alors de leurs querelles en voiture, lorsque Nelson tente de lui apprendre à conduire…

Le massacre de Sharpeville, en 1960, la privera un an plus tard de la présence de son mari, sans discussion préalable entre les époux sur leur avenir. Nelson Mandela part du jour au lendemain en clandestinité, alors qu’elle a deux bébés, ses filles Zeni et Zindziswa. La raison ? Il est recherché, puisqu’il dirige l’aile militaire de l’ANC, qu’il vient de fonder pour passer à la lutte armée. Elle ne le reverra plus que pour de courts moments d’amour en cachette, avant son arrestation en 1963 puis sa condamnation à la prison à vie, au bagne de Robben Island, où elle lui rend visite.

Un leader à part entière

En 1980, quand le mouvement anti-apartheid lance la campagne « Free Mandela ! », les projecteurs se braquent sur Winnie, sa femme et mère de ses deux filles cadettes, Zeni et Zindziswa. Nelson Mandela, lui, se trouve déjà en prison depuis plus de 16 ans, et la publication de toute photo de lui est interdite. Winnie se trouve de son côté en exil intérieur, « bannie » (assignée à résidence) par les autorités dans le township rural de Brandfort, à 365 km de Johannesburg.

A 44 ans, sa réputation n’est plus à faire : elle a démis l’épaule d’un policier lors d’une arrestation mouvementée, passé des années en prison, connu l’isolement et la torture, puis été accusée d’avoir fomenté les émeutes écolières de Soweto en 1976.

A Brandfort, elle commence à prendre sa revanche. Visiteurs, chèques et cadeaux affluent du monde entier. Elle accueille les journalistes étrangers et devient le prolongement physique de son mari, même si elle ne parvient pas encore à s’imposer dans les structures internes de l’ANC, interdit en exil, ni dans celles du vaste Front démocratique unifié (UDF), vaste regroupement autorisé d’associations, de syndicats et d’églises formé en 1983 pour résister.

Souvenirs divergents de retrouvailles physiques

En 1984, elle a le droit pour la première fois d’embrasser Nelson, qu’elle n’a pas touché depuis 21 ans. Il a 66 ans et elle, 48. Les échos de ses aventures, réelles ou supposées, sont rapportés par les gardiens de prison à Nelson Mandela pour le démoraliser. En vain. « Je ne m’attendais pas à ce qu’elle soit une sainte, mais à ce qu’elle reste discrète », écrira-t-il dans ses mémoires. « C’était un instant dont j’avais rêvé des milliers de fois », écrit-il aussi, transporté de bonheur lors de leurs retrouvailles. Pour elle, c’est l’amertume. « Je ne peux m’empêcher de penser à toutes ces années de notre vie fondues comme neige au soleil », confie-t-elle à l’époque à sa biographe, Mary Benson.

En 1985, Nelson fait lire par leur fille, Zindzi, devant un stade comble de Soweto, sa réponse à une proposition de libération conditionnelle. Alors que Pretoria lui demande de se retirer de la politique, Nelson lance : « Seuls les hommes libres peuvent négocier. Je reviendrai ». L’importance de ce message, le premier depuis 1964, la propulse au premier plan. Elle retourne à Soweto, son quartier général, malgré la mesure de « bannissement » à son encontre.
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