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André Nzapayéké: "En tant que Premier ministre, j’ai eu à tendre la main à de véritable criminels"
Publié le jeudi 25 decembre 2014  |  journaldebangui.com
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© Autre presse par DR
Le Premier ministre centrafricain André Nzapayéké
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L’ancien Premier ministre centrafricain revient sur les réalisations de son mandat et l’importance du Forum de Bangui fixé début février 2015.


Vous avez passé 6 mois à la tête du gouvernement centrafricain avant de démissionner en août 2014. Quelle expérience en retirez-vous ?
J’ai été Premier ministre à un moment extrêmement difficile du pays, avec beaucoup de tensions et beaucoup de morts. J’ai appris à devoir fixer les priorités. Lorsque chaque jour il y a des morts, il faut faire des choix difficiles. Que choisir ? L’économie, l’agriculture, les routes, la sécurité ? Nous avions opté pour le dialogue dans le but de limiter au maximum les dégâts. J’ai retenu que le défi le plus important en Centrafrique est de bâtir une stratégie qui permet de contrôler la situation.

Vous n’avez pas souhaité votre démission. Vous-a-ton fait payer votre indépendance, votre inexpérience politique, ou le fait de n’appartenir à aucun clan ?
C’était une démission sous pression, mais pas forcée. J’ai dû faire un choix. On m’a fait croire qu’à ce moment-là, il était important et opportun de nommer un Premier ministre de confession musulmane. Deux mois auparavant, je m’étais déjà engagé à démissionner si cela permettait de faire avancer le processus de paix. J’ai donc fait ce que j’avais promis et je suis heureux de l’avoir fait.

Depuis votre démission en août 2014, un nouveau Premier ministre est en place, mais le dialogue politique semble toujours dans l’impasse. Lorsque l’on sait que la solution est politique en Centrafrique, comment faire avancer ce dialogue ?
Avant le Forum de Brazzaville (en juillet 2014, ndlr), nous avions déjà entamé le dialogue politique, suivi d’un chronogramme d’actions sur 4 mois. Jusqu’en novembre nous avions prévu d’étendre ce dialogue à l’ensemble de la population et notamment en milieu rural. Ce dialogue devait se tenir du « bas vers le haut », de la base vers le sommet, « bottom-up approach » comme disent les anglophones. L’objectif était de faire remonter les informations de la base, comme cela a été fait lors de la Conférence des maires de Centrafrique. Malheureusement, cela n’a pas été possible. Essentiellement à cause d’une logique de la communauté internationale qui souhaitait aller directement au dialogue. C’est regrettable, car cela ne permet pas d’apprécier le niveau de souffrance de la population, rurale essentiellement, et leur volonté à contribuer à la paix.

Est-ce qu’on ne prend pas le problème à l’envers concernant le futur Forum de Bangui, prévu début février 2015, où l’on va chercher à créer le dialogue « par le haut », en réunissant les différents leaders politiques, qui ne sont pas forcement représentatifs de leur base ?
En tant que Premier ministre, j’ai eu à tendre la main à de véritable criminels. Des personnes qui ont tué, pillé et dont on sait qu’elles devraient être en prison. Mais nous avons dialogué avec eux, car l’Etat centrafricain avait les mains nues face aux groupes armés. Comme Premier ministre, j’avais des aides de camp qui n’avaient pas un revolver, ni même une balle. Toutes les armureries avaient été pillées par les Séléka et les anti-Balaka. Ma première préoccupation était d’arrêter les massacres. C’est pour cela qu’à Brazzaville nous avons signé un accord de cessation des hostilités. Mais jusqu’ici, les hostilités persistent. Il faut donc aller vers ceux qui tirent les coups de feux.


Est-ce que des personnes comme l’ancien président François Bozizé, l’ex-chef des Séléka, Michel Djotodia ou encore l’homme fort des rebelles du Nord, Nourredine Adam, doivent participer à ce Forum ?
Si François Bozizé peut contribuer à faire cesser les exactions, au vu du nombre de victimes qui continuent de tomber à Mbrès, Bambari, Battangafo… moi personnellement je n’hésiterai pas à dialoguer avec Bozizé. Si Michel Djotodia peut arrêter les hostilités, il faut parler avec lui. Mais attention, cela ne veut pas dire que parce qu’il y a dialogue politique, ces personnes sont exemptées de poursuites judiciaires. La justice est indépendante et doit continuer à faire son travail. Par stopper la violence, il n’y a que le dialogue, même s’il faut pactiser avec son pire ennemi. Par contre, je dis non à l’impunité.

Quelle est la priorité du Forum de Bangui ?
Le Forum de Bangui doit à tout prix concrétiser ce qui a été décidé à Brazzaville. Si après le Forum de Bangui il y a encore des coups de feux, cela ne vaut pas la peine. Ce Forum doit rassembler tout le monde pour discuter de la mise en oeuvre de l’accord de cessez le feu de Brazzaville. S’il y a cessation des hostilités, on peut alors mettre en place le processus qui doit nous conduire aux élections. La paix doit revenir dans les régions afin d’installer l’administration nécessaire dans les provinces, créer les listes électorales et sensibiliser la population.

Selon vous, il doit y avoir un maximum de personnalités politiques autour de la table à Bangui ?
Ce n’est pas une question de quantité. Si on prend un leader politique qui est à Bangui, je ne pense pas qu’il puisse maîtriser l’ampleur des difficultés sur tout le territoire. Et on risque dès le lendemain du Forum de se retrouver avec les mêmes problèmes d’insécurité.

Des élections sont fixées pour le mois de juin 2015. Dans le contexte actuel, ce calendrier vous paraît-il réaliste ?
Pour moi, la réussite du Forum est la chose la plus importante. C’est une étape nécessaire et indispensable. Il faut qu’à la fin de ce Forum, les Centrafricains se disent : ouf, les problèmes sont derrière nous ! Des élections mal préparées risquent de raviver les tensions. Actuellement, ex-Séléka et anti-Balaka cachent les armes et se ruent tous dans les partis politiques. Ces armes peuvent donc très vite ressortir.

Le calendrier semble un peu serré pour des élections en juin ?
Pour être très honnête avec vous cela paraît effectivement un peu serré. Il faut se donner le temps pour préparer les élections dans de bonnes conditions. Mais se donner le temps ne veut pas dire simplement repousser la date des élections sans feuille de route claire. On peut se donner 10 ans, si personne ne veut aller aux élections, rien ne sera prêt avant 10 ans ! Il faut donc une volonté politique forte et que les ressources financières soient mobilisées.

Si le Forum de Bangui se passe mal, il y a un risque de partition du pays selon vous ?
La partition est un rêve de certaines personnes. Si le Forum ne se passe pas bien, alors il y aura des mainmises de certains groupes armés sur des régions. Mais il n’y aura pas de partition, il y aura juste un partage des richesses : au Nord on parle du pétrole, il y a les diamants à Bria, de l’or à Bambari, de l’uranium… Ce sont ces richesses qui attirent les groupes armés. Le dialogue de Bangui doit nous permettre de nous mettre d’accord sur le juste partage des richesses, pour que les populations puissent en profiter.

Avez-vous une partition à jouer dans l’avenir de la Centrafrique ? Etes-vous déjà candidat pour les prochaines élections générales de 2015 ?
J’étais vice-président de la Banque de développement de l’Afrique centrale à Brazzaville. Mon mandat courait jusqu’en 2017 dans cette institution, mais j’ai refusé d’y revenir pour me consacrer à mon pays. Je continue à jouer mon rôle en étant ambassadeur de Centrafrique dans les pays d’Afrique australe et je suis basé en Afrique du Sud. Concernant les élections, je pense pouvoir apporter ma contribution pour qu’elles réussissent et l’Afrique du Sud a beaucoup d’expérience à transmettre dans les processus de réconciliation. Pour l’élection présidentielle, je n’ai pas pour l’instant l’intention d’être candidat… mais rien n’est exclu dans la vie.
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