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Les caps politiques de la république centrafricaine en l’an de grâce en 2015…lettre 001
Publié le lundi 12 janvier 2015  |  Les Plumes de RCA
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Cher-e-s compatriotes,

Dans la vie des individus comme dans celle des Etats, la nouvelle année ou le début de nouveaux cycles, est un temps pour ouvrir la réflexion et mettre en perspective ce qui conditionne l’avenir proche. En Centrafrique, il s’agit ici de formaliser les conditions politiques sans lesquelles la paix civile, l’espoir de la prospérité économique, la reconstruction de l’autorité de l’Etat ou la refondation de la Nation ne seront pas envisageables.

A cet égard, s’il y a une année qui cristallise tous les espoirs, toutes les nécessités urgentes, toutes les actions pour favoriser le vivre ensemble entre tous les centrafricains, et poser les bases d’une seule Centrafrique, c’est bien « l’an de grâce 2015 » ! C’est en tout cas ce que je pense, car d’autres foyers de tensions et de conflits sont à venir, dans d’autres pays africains et ils détourneraient durablement ainsi l’attention des médias et de la communauté internationale, de notre cher et beau pays, la Rca.

2015 est l’année de tous les espoirs profondément désirés par le peuple centrafricain: paix, sécurité, état de droit et notamment désirs d’élections, liberté d’aller et venir, santé et Education pour tous, nourriture, envie d’investir dans les affaires comme jamais auparavant, mobilisation exceptionnelle de la jeunesse par l’Education, la formation professionnelle et la création d’entreprises et de l’emploi, et enfin un besoin général et considérable de reconquête de notre dignité. Dignité que nous a léguée Barthélémy Boganda président fondateur, dignité qui est l’une des valeurs cardinales de la Nation centrafricaine.

Pour amorcer les conditions de réalisation de ses droits attachés, des libertés dont la principale est la laïcité, pour répondre à l’aspiration fondamentale de dignité du peuple centrafricain, il m’a semblé nécessaire d’esquisser les caps politiques envisageables pour la République Centrafricaine, en « l’an de grâce » 2015. Parce que l’impunité, les faits de violences envers les personnes, les tentatives de « somalisation » et de « territorialisation » par des bandes de bandits armés qui extraient les pierres précieuses, braquent la faune, s’emparent des ressources stratégiques nationales, dérobent les bétails ou les produits des champs, menacent et intimident par rapport au caractère laïc de notre pays, (…) sont autant de faits inacceptables et inadmissibles qui doivent cesser. C’est ce à quoi les centrafricaines et les centrafricains ont droit, et c’est ce que j’ai entendu à maints endroits de la bouche de nombreux compatriotes, lors de mon récent séjour dans notre pays.

Dès lors, il me paraît essentiel de plaider pour la construction d’un consensus politique entre tous les acteurs, les composantes de la Nation, et les acteurs externes.

I. Un cap majeur, construire un consensus politique engageant la communauté nationale, sous régionale et internationale

Depuis la fondation de la Rca, le discours politique s’est toujours structuré par une opposition entre les acteurs d’hier et acteurs d’aujourd’hui, une culpabilisation du régime défunt par le régime en place, et enfin par une forme inacceptable de responsabilité collective. La seule certitude est que le résultat de tous ces processus cumulés est que la Rca va mal, qu’elle est menacée dans son unité et dans son existence. Notre pays et le peuple qui le compose souffre, agonise, est terrorisé, se meurt, et surtout nous ne sommes plus en situation d’assumer nos obligations régaliennes : Santé, Education, Justice, Défense nationale et Sécurité intérieure, règlement des traitements des agents publics, financement du fonctionnement des grands services publics mais aussi de l’investissement dans les grandes infrastructures, financement d’un fonds national pour l’emploi des jeunes, de la formation professionnelle et de l’Education , financement d’un national pour l’activité économique, culturelle et l’artisanat.

Il est temps que les acteurs engagés en politique, pour les droits de l’homme et la société civile, les autorités traditionnelles (…) fassent émerger le périmètre des sujets d’intérêts nationaux à inscrire dans le cadre d’un consensus politique. Je pense notamment à : l’unité et l’intégrité du territoire national, l’autorité de la Loi et de l’Etat, la forme républicaine de l’Etat, le principe d’une déconcentration et d’une décentralisation, la protection des personnes et des groupes de personnes vulnérables (les enfants, les femmes, les personnes déplacées, les minorités ethniques, les minorités religieuses, les populations rurales dans les zones dures du conflit inter-centrafricain). En réalisant ce pas de géant, les politiques démontreront que la politique n’est pas un cadavre qui se nourrit des cadavres de ses concitoyens.

Un récent rapport détaillé de la très sérieuse ONG internationale Crisis Groupe indiquait que les conflits et exactions commises actuellement dans l’ouest et le centre de la Centrafrique étaient « la face cachée de la crise centrafricaine » ; une face cachée que détaille ce document car il explicite clairement que « la crise a amplifié les violences de façon exponentielle. Alors que le bétail est l’objet de la convoitise des miliciens anti-balaka et de l’ex-seléka, les éleveurs répondent aux vols de leur cheptel par des représailles brutales car « le bétail est la richesse des pauvres». Le monde rural vous l’aurez remarqué doit être au cœur des résolutions incluses dans le consensus politique nécessaire.

Se préoccuper d’un consensus, c’est ouvrir une fenêtre d’opportunité pour les politiques et autres décideurs associés, de montrer qu’ils sont capables de prendre toute la mesure de la tragédie centrafricaine, et de préparer ensemble les conditions de l’avenir. Cette amorce de la culture du consensus politique doit intégrer des schémas institutionnels nouveaux et régulateurs, séparant rigoureusement les pouvoirs exécutif, législatif, judiciaire et médiatique. Elle sera perçue par les centrafricaines et les centrafricains comme le respect manifesté par la classe dirigeante, en mémoire des milliers de victimes de la mauvaise gouvernance, depuis l’indépendance juridique de 1960.Vous le comprendrez, le consensus politique dont il s’agit n’a rien à voir avec le partage d’un prétendu « gâteau » entre les différents « seigneurs » de guerre contre les populations, ou des « saigneurs » de « richesses inouïes » du pays.

Il y a lieu de considérer à la suite de cette première idée, que les dialogues inter-centrafricains doivent aboutir à un véritable pacte républicain pour la paix, la sécurité et la justice

II. Le cap du dialogue inter-centrafricain est de permettre l’aboutissement d’un pacte républicain pour la paix, la sécurité et la justice

Le dialogue est la clé de sortie de crise, crise qui est devenue une tragédie. Il ne doit pas être celui des « fossoyeurs » et « inspirateurs » ou « commanditaires », des forces du mal, ou de l’argent facile. Le pré-dialogue organisé à Naïrobi avec les anciens chefs d’Etat ressemble davantage au bal des « conspirateurs » de la faillite finale de la Rca de ces dix dernières années. Ils devraient davantage faire profil bas, faciliter le retour à la paix civile, et demander pardon au peuple centrafricain. Au lieu de cela, ils poursuivent l’instrumentalisation des bandes armées qui écument le territoire national. Mais il faut aller de l’avant avec une approche inclusive qui n’exclue pas que la vérité et la justice émergent très vite. Le temps du dialogue doit s’accélérer. Le dialogue est un dialogue pour l’avenir aussi.

L’agenda politique pour sortir de la crise préconise l’organisation de nombreux dialogue inter centrafricains à différents échelons. Après le forum de Brazzaville qui a permis la signature d’un accord fragile de cessation des hostilités, les autres étapes de dialogues inter-centrafricains se préparent actuellement. Au regard des expériences précédentes d’assises nationales et des enjeux cruciaux qu’elles portent, il est indispensable qu’un objectif soit assigné au dialogue inter-centrafricain, celui d’aboutir à un Pacte républicain pour la Paix, la sécurité et la justice…

Ce Pacte pourra comporter les pistes suivantes (le Conseil National des Centrafricains pour la Paix et l’Unité a commencé a ébauché des idées) :

Sera considéré comme crime imprescriptible l’introduction ou la complicité d’introduction de forces mercenaires étrangères dans le pays, dès lors qu’il y a atteinte aux personnes, aux biens, au patrimoine immatériel et à la propriété privée.

Sera considérée comme forfaiture imprescriptible, la constitution de tout groupe armé composé de centrafricaines et de centrafricains pour conquérir le pouvoir de l’Etat ou engagé une démarche séparatiste par la force.

Les signataires s’engagent à coopérer sans conditions aux opérations de désarmement, de démobilisation et de réinsertion des forces armées non conventionnelles, avec une échéance de date largement publiée.

Les forces internationales en liaison avec les forces nationales renouvelées, s’engageront à pacifier chaque centimètre du territoire national, tout en réhabilitant les infrastructures hospitalières, éducatives et les administrations municipales, régionales et préfectorales.

Les questions liées aux statuts des victimes, aux réparations ou aux compensations, au vivre ensemble, sont des préoccupations importantes pour l’avenir du pays. Il faudra les traiter avec le double souci de la justice et de la réconciliation… Sans réservées ces questions aux seuls politiques, il est importe qu’un consensus constructif, responsable, écrit, diffusé, soit mis en œuvre. Il est de nature à apaiser le contexte électoral et post électoral.

Le pacte républicain pour la paix, la sécurité et la justice doit comporter dans son préambule les valeurs de la société centrafricaine et africaine : la générosité, la gaité, la solidarité, le respect de la vie, le sens de la parole donnée, et une forme d’ouverture à la modernité, aux valeurs universelles.

Enfin, avant d’en arriver aux élections à proprement parler, il y a des préalables à lever : le curseur des critères d’éligibilité et d’inéligibilité, l’Education populaire au vote civique, la capacité d’agir et l’autorité de l’Etat pour ne prendre en compte que ces éléments là.

III. Le difficile cap de la démocratie électorale dans une Nation affaiblie et un Etat sans capacité d’action

Pour sortir de la gestion de l’Etat par des autorités dénuées de légitimité démocratique, les citoyens seront appelés aux urnes en 2015. Elections législatives et présidentielles groupées dans un cadre institutionnel refondé. Je ne ferais pas l’économie d’affirmer que les élections municipales organisées de façon extrêmement simplifiée et pragmatique. C’est la condition de reconquête de l’administration de notre territoire dans la confiance et l’implication des habitants d’une part et d’autre part le préalable pour refonder une administration locale prenant en compte les besoins des populations.

2015 année électorale assurément mais quels caps politiques entrevoir :

La question la plus cruciale est celle du curseur de l’éligibilité ou pas, de la multitude de candidats qui frappent aux portillons du palais de la renaissance vieillissant. Le précédent des critères définis par le conseil national de transition CNT en janvier 2014, a permis l’élection de Catherine Samba Panza. Ils devraient être renforcés davantage : responsables de crimes de sang, de crimes économiques et financiers, inspirateurs de rébellions et de coups d’Etat, convoyeurs de troupes mercenaires étrangères, (…) sont des critères à reconduire et dont il faudra étendre le champ d’application. Pour éviter toutes contestations les décisions de validation et notamment d’invalidation par la cour constitutionnelle de transition CCT, devront être étayés sur la base de décisions de justice ou de faits corroborés par des éléments sérieux.

Une mobilisation citoyenne que j’observe entrain de monter en puissance jour après jour, qui traduit la croyance majoritaire aux vertus de la démocratie électorale. Les compatriotes en tout cas ceux avec lesquels j’échange régulièrement se prennent de passion pour tel ou tel candidat. Ma principale inquiétude est que les motifs de ralliement sont ethniques, amicaux, carriéristes et tout sauf programmatique, « idéologique » ou même d’une ébauche sérieuse de projet de société. Il n’en demeure pas moins qu’il faut poursuivre et encourager cet enthousiasme pour la compétition politique et on peut l’espérer pour l’intérêt dans la gestion de la chose publique.

Une explosion des candidatures qu’il faut d’abord considérer avec circonspection et prudence. Une vraie alerte est lancée dans cette première lettre pour la dignité. Les élections de 2015 sont des élections à portée nationale. Le candidat doit montrer que son dessein politique doit être porteur des aspirations de tout un pays. Son équipe de campagne doit être par conséquent nationale, son implantation toute aussi nationale, sa sensibilité aux problèmes doit avoir une dimension nationale, son aptitude à gouverner ne peut être celle de sa région ou de sa tribu. J’appelle à une grande vigilance de tous quant à la question d’éventuels liens de candidats avec les forces de l’ombre, les forces du mal, les forces du crime, les forces des fondamentalismes religieux pour dire les choses plus explicitement…

La formation ou l’Education des citoyens sur le sens du vote. Vote des idées, vote du projet, vote après s’être fait une opinion entre plusieurs possibilités, vote après avoir écouté les candidats en meetings, à la radio ; facilitation de débats directs entre candidats ou encore entre candidats et les citoyens…

Une mobilisation fondamentale des centrafricaines et centrafricains eux-mêmes pour prévenir les fraudes et autres tentatives de corruption des scrutins à venir…

La prise en compte de l’affaiblissement de l’idée de Nation, du sentiment national, et des mythes fondateurs de la République Centrafricaine par les élites, les acteurs de la société civile, l’Education nationale et populaire, les acteurs culturels, les chefs coutumiers. L’Espace Linga Téré, l’association wa âza et la Ligue pour l’Education, les Sciences et la Culture en Rca ont amorcé une réflexion commune sur ce levier du changement.

De la même manière se pose la question de la capacité d’action publique, d’action et de force de l’autorité de l’Etat. Comment organiser des élections alors que le pays est sous le contrôle d’une myriade de forces, de forces du mal absolu pour certains groupuscules en tout cas ? Comment réussir des élections dans un pays presque sans administration locale (sans état civil, sans élu local, sans ressources propres)?

Nous ne pouvons attendre les élections pour nous mobiliser sur la question de l’intelligence centrafricaine, qui se traduit très concrètement par l’organisation et l’utilisation optimale des compétences nationales dispersées à l’intérieur et à l’extérieur de notre pays. Que de cadres de grande qualité que je côtoie en Europe, avec qui j’ai œuvré fièrement en Amérique du sud, qui contribuent à l’économie américaine ou canadienne, ou encore africaine de l’ouest et du centre, tous blasés par l’inconséquence du pilotage politique et managérial de notre pays. Depuis combien de décennies, dans notre fonction publique, ou dans la sphère des emplois fonctionnels le mérite, l’expertise, sont absentes et poussent ainsi tous ceux qui le peuvent à l’exil. La capacité de l’action publique est d’abord une affaire d’hommes, de compétences et il ne s’agit pas d’un sujet intellectualiste mais bien pragmatique…On ne peut reconstruire un pays sans des élites avant-gardistes…

C’est pour cette raison que j’appelle toutes les élites engagées ou non dans les écuries partisanes, impliquées ou non dans les réseaux de la société civile, avec l’aide des médias à ouvrir une perspective de rapprochement entre elles (Fini ndâra, Kangbi Ndâra, le Forum de Reims, Wa aza, Fini Kodé, la cellule d’analyse de l’espace lingatéré, les amis de la Centrafrique, le Cadca, La Ligue pour l’Education, l’association des cadres centrafricains en France, le Conseil National des Centrafricains pour la paix et l’unité, I-londo, Da Ti Mbéti, le MCR (…).

En prélude des proches rendez vous avec l’histoire en cet an de grâce 2015, nous pourrions travailler d’arrache pieds et produire une solide contribution sur les 3 caps évoqués ci-dessus : le consensus politique, la difficile mise en œuvre de la démocratie et l’adoption d’un pacte inclusif sur les enjeux de la paix, de la sécurité et de la justice.

Comme pour annoncer ma prochaine lettre 002, « L’Education, la formation professionnelles et les opportunités pour la jeunesse, clefs de voûte de la paix et de la prospérité durable…» en Centrafrique.

Fait à Paris le 31 décembre 2014

Jean-Pierre REDJEKRA
Président de la Ligue pour l’Education, les Sciences et la Culture en République Centrafricaine
Membre du Conseil National des Centrafricains pour la Paix et l’Unité
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