Une aide d’urgence de 50 milliards de francs CFA (100 millions de dollars) sera allouée pour soutenir le Cameroun et le Tchad dans la lutte contre la secte islamiste nigériane Boko Haram, a décidé un sommet extraordinaire du Conseil de paix et sécurité (COPAX) de la Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale (CEEAC) tenu lundi à Yaoundé.
En complémentarité du projet de création d’une force multinationale mixte de 8.700 hommes de la Communauté du Bassin du lac Tchad (CBLT) sous mandat de l’Onu, les dix pays membres de la CEEAC ont convenu lors d’une réunion d’urgence au sommet, de "conjuguer leurs efforts pour apporter une réponse commune et coordonnée" pour, en appui au Cameroun et au Tchad, combattre Boko Haram.
Outre le chef de l’Etat camerounais Paul Biya, l’hôte du sommet, cinq autres dirigeants de la sous-région ont pris part à ces assises : le Tchadien Idriss Deby Itno, président en exercice de la CEEAC, l’Equato-guinéen Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, le Congolais Denis Sassou Nguesso, le Gabonais Ali Bongo Ondimba, puis la présidente de transition centrafricaine Catherine Samba-Panza.
En application du Pacte d’assistance mutuelle qui régit leur espace communautaire, ces dirigeants auxquels s’ajoutait le Premier ministre de Sao Tomé & Principe Patrice Emery Trovoada se sont mis d’accord pour fournir au Cameroun et au Tchad "une aide d’urgence en ressources financières d’un montant de 50 (cinquante) milliards de francs CFA", selon le communiqué final du sommet.
C’est le principal fait marquant d’une décision qui, sans précision de détails, entérine les propositions faites par les chefs d’état-major des armées nationales réunis aussi en session extraordinaire de la commission de défense et de sécurité du COPAX le 12 février à Yaoundé, concernant en outre un appui "en troupes, en soutien de l’homme, en soutien génie, en soutien santé, en équipements militaires divers et en appui aérien".
PLAN D’ACTION IMPORTANT
D’après le secrétaire général de la CEEAC, Ahmad Allam-Mi, dans un entretien à la presse, "les 50 milliards ne constituent que l’aide d’urgence dans les semaines qui suivent. Il m’est demandé à moi de faire un plan d’action important d’ici fin mars pour que nous puissions obtenir les financements qu’il faut, d’abord de nos Etats membres et de la communauté internationale pour soutenir encore plus activement nos deux Etats de la ligne de front".
"La guerre sera coûteuse, elle risque même de durer. Donc, nous agissons là dans la durée", a poursuivi le responsable institutionnel, confirmant les prédictions d’une longue guerre contre la secte islamiste établies par des analystes.
Les contributions des Etats concernant cette aide d’urgence n’ont pas été déterminées. "En tant que secrétaire général, s’il y a une proposition que je dois faire, c’est selon la clé de répartition dans le cadre des contributions au niveau de la communauté. Il y en a qui contribuent beaucoup, il y en a qui contribuent un peu moins", a indiqué M. Allam-Mi en réponse à une question de Xinhua.
"Chacun contribuera selon ses capacités, mais l’essentiel est qu’on arrive à mettre en place ces fonds rapidement, pour faire face à la situation", a-t-il assuré en outre.
En guerre officiellement depuis huit mois contre Boko Haram, le Cameroun a été rejoint par le Tchad qui déploie dans l’Extrême-Nord de ce pays voisin un contingent de 2.500 soldats depuis mi-janvier. C’est le même effectif en cours d’opération au Nigeria où la ville de Gambaru (Nord-est) a pu être reprise aux mains des islamistes après plusieurs mois d’occupation grâce à ces troupes.
Selon un officier tchadien interviewé par Xinhua, ce dispositif tient compte de l’éventualité d’une longue guerre. "Si le Nigeria continue de faire montre d’attentisme, le Cameroun, le Niger et le Tchad vont s’organiser pour ériger un mur de fer le long de nos frontières. Comme ça on va contenir Boko Haram au Nigeria. C’est un dispositif qui peut rester en place pendant des années", a-t-il prévenu.
A cause de la porosité des frontières entre les trois pays associée à la mixité culturelle des populations riveraines, ce dispositif opérationnel pourra aider à réduire les incursions islamistes, mais sans les éradiquer, a expliqué ce responsable militaire, insistant au même titre que les chefs d’Etat réunis à Yaoundé sur la nécessité d’une coopération franche entre les pays.
C’est l’argument ayant prévalu pour la désignation des présidents équato-guinéen Teodoro Obiang Nguema Mbasogo et congolais Denis Sassou Nguesso pour "se rapprocher du président en exercice de la CEDEAO en vue d’explorer les possibilités de la tenue d’un sommet bipartite entre la CEEAC et la CEDEAO pour adopter une stratégie commune de lutte contre Boko Haram", selon le communiqué final du sommet de Yaoundé.
D’après ce texte, "à l’image de la stratégie interrégionale de lutte contre la piraterie maritime dans le Golfe de Guinée (arrêté en juin 2013 à Yaoundé, NDLR), les chefs d’Etat et de gouvernement ont manifesté leur volonté de développer une coopération active avec la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) afin d’éliminer le groupe terroriste Boko Haram".
Ces dirigeants se sont aussi engagés à "renforcer la surveillance de leurs territoires respectifs et de mener des actions de sensibilisation et de communication au profit de leurs populations pour réduire les risques d’infiltration des membres de Boko Haram à l’intérieur des frontières de leur sous-région et couper les réseaux de ravitaillement".
Le représentant spécial du secrétaire général et chef du bureau régional des Nations Unies pour l’Afrique centrale, Abdoulaye Bathily, a salué la mobilisation. "Le fait que le Tchad et le Cameroun aient déjà fait preuve de solidarité et que les autres pays de la sous-région soient également venus en appui, c’est quelque chose d’exceptionnel. Cette mobilisation-là doit être aussi celle des Nations Unies", a-t-il souligné à Xinhua.
CONFERENCE DES DONATEURS
"Il s’agit d’un péril qui n’est pas seulement un péril africain. Je pense que comme pour les autres missions il y aura une conférence des donateurs qui fera participer tous nos partenaires de façon qu’on puisse apporter un soutien financier, parce que ces opérations effectivement demandent beaucoup d’argent", a pour sa part guidé le général Jean-Marie Michel Mokoko, représentant spécial et chef de la mission de l’Union africaine en Centrafrique et en Afrique centrale.
"La sous-région, a poursuivi le dirigeant militaire, dans les conflits qui la touchent, a fait preuve de beaucoup de sérieux. Elle a contribué de façon substantielle. Je m’en veux pour exemple la Centrafrique où de façon spontanée, lorsque nous étions à la conférence des donateurs pour la MISCA (Mission internationale de soutien à la Centrafrique sous conduite africaine, NDLR), je pense que c’était l’une des organisations qui a décidé de mettre 100 millions de dollars".
Comme un défi supplémentaire aux initiatives entreprises pour l’éradiquer, Boko Haram n’a pas attendu pour faire de lui, en menant le même jour dans la matinée une nouvelle attaque à Waza dans l’Extrême-Nord du Cameroun qui a fait de "nombreux morts" dans ses rangs, 4 chez les militaires camerounais qui dénombraient aussi 10 blessés, selon des sources sécuritaires.
Fait marquant, un blindé et un char à chenilles utilisés par les islamistes ont été par ailleurs récupérés par l’armée camerounaise, d’après ce bilan provisoire faisant en outre état de plusieurs pick-up détruits.
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