A lire l’avant projet de constitution concocté dans le laboratoire centrafricain ou la boîte à idées nationale de rénovation et du redressement du pays, ce Centrafrique que d’autres rêvent déjà de rayer définitivement de la mappemonde en le baptisant d’une autre appellation, on ne peut guère rester les bras croisés devant l’expression de l’opinion négative que le peuple peut avoir de certaines suggestions qui ne contribuent en rien à la recherche de la consolidation nationale dans ses fondements sociaux, humains et de progrès.
C’est ainsi que dans l’avant projet de constitution élaboré, nous pouvons relever, parmi beaucoup de sujets qui prêtent à équivoque, quatre points dont l’évocation dans le projet constitutionnel ne fait pas que sourire, mais aussi crier à la désolation de leur simple évocation :
Le premier point relève de la mise en place d’un sénat :
Dans un pays où la décentralisation de tous les services apparaît comme une nécessité incontournable, les experts en élaboration de constitution centrafricains trouvent une certaine urgence à mettre en place une deuxième chambre de délibération des orientations majeures du pays, quand on sait que le pays n’a pas les moyens de fournir ses hôpitaux en médicaments, pour ne citer que cet exemple-là.
La mise en place d’un sénat ne sera que l’occasion pour caser certains routiers de la politique centrafricaine dont l’avenir semble de plus en plus prendre la route de la déchéance financière, pour ne pas dire l’entrée du tunnel de la misère que vit le bas peuple. L’on pourrait aussi, pour ne pas trop charger la barque, se poser des questions sur l’efficacité des représentants du peuple quand on connaît les modalités de leur nomination aujourd’hui, de leur élection demain, qu’on peut envisager sans trop se tromper.
Le deuxième point concerne la réflexion sur la durée du mandat présidentiel :
A ce sujet, on peut se demander si ceux qui évoquent le rallongement du mandat présidentiel à sept (7) ans, un mandat renouvelable une seule fois , ce qui donne la possibilité à un président de passer quatorze ans au pouvoir, on peut se demander donc, si ceux qui soutiennent cette proposition ont eu un regard dans l’histoire pour voir que la plupart des régimes en Centrafrique ont commencé à être à bout de souffle au bout de dix ans, pour finir par des mutineries ou par un coup d’Etat. Ce qui signifie qu’un mandat de cinq ans renouvelable une seule fois reste la durée la plus convenable pour le pays.
Sans oublier le fait qu’un président élu peut montrer ses carences dès le premier mandat, comment peut-on le supporter encore plus longtemps quand on sait qu’avec le pouvoir, on peut user de toutes les manœuvres possibles pour se maintenir en dépit de l’opinion négative que le peuple peut avoir de vous.
Le troisième point soulève l’idée de l’exclusion des binationaux dans le jeu politique :
Il y a des sujets qu’il ne convient pas de traiter de cette manière, ce sujet fait partie de l’identité et de la nationalité centrafricaines, et ne doit pas être évoqué de cette manière car on sait ce que cela a coûté à la Côte d’Ivoire. Les binationaux sont de plusieurs origines. Il y a des binationaux nés centrafricains, de père et de mère centrafricains, qui ont oeuvré et oeuvrent encore pour le Centrafrique, il y a des binationaux d’origine étrangères, mais qui ont acquis la nationalité centrafricaine et dont certains ont prouvé leur amour pour ce pays en apportant leur réelle contribution au développement national. Alors faut-il écarter d’un revers de main toutes ces réalités ? Le sujet est brûlant et il faut prendre tout le temps pour bien l’examiner.
Le quatrième point est celui de la proposition de changement du nom du pays :
Cette suggestion qui n’est rien d’autre que l’expression de la pauvreté dans la réflexion, renvoie aux années 60 où la mode consistait à changer le nom d’un pays après un coup d’Etat. A cette époque, les autorités de Centrafrique ont résisté à la tentation et cela à juste raison. En quoi le changement d’un nom peut-il apporter des changements dans le pays ? Les Zaïrois sont redevenus des congolais. Qu’est ce qui a changé dans leur aller et retour ? En plus, à penser à une telle idée, il ne restera plus qu’à penser à changer de devise, adieu « Unité-Dignité-Travail », d’hymne, adieu « O Centrafrique, O berceau des…. » de drapeau, au-revoir « Bleu-Blanc-Vert-Jaune barrés de Rouge » et alors pourquoi ne songerait-on pas à changer la langue nationale, au diable le « Sangho » ? Ceux qui se font souvent le caprice de changer leur nom sont des gens sans identité, des gens qui renient leur propre identité pour essayer de faire croire qu’ils sont devenus une autre personne. Les problèmes de Centrafrique n’ont rien à avoir avec la dénomination du pays. Seuls les politiques que le pays a eus n’ont pas assumé avec le cœur les devoirs qui étaient les leurs, à savoir consolider l’unité nationale, amener le peuple à aimer le travail, seul gage de développement, agir dans la dignité pour se mettre à l’abri des malversations grossières et asseoir l’esprit d’équité pour rassurer les populations.
Ce sont là les quelques remarques d’importance qu’il convenait de soulever, même si entre autres choses, on déplore la restriction au niveau des contributions où les partis politiques se taillent la part du lion, quand on sait que dans ce pays il y a des sociologues, des écrivains, des journalistes, des libres penseurs qui auraient dû être sollicités pour ajouter à cet avant projet la manière dont ils perçoivent les choses.
Adolphe PAKOUA