BANGUI — L’idée d’organisation du Forum de Bangui faisait suite à celui de Brazzaville, et initialement, selon une déclaration hasardeuse de la présidente par interim Catherine Samba-Panza, devait se tenir en janvier 2015.
Repoussée à février 2015, toujours en vain, maintenant, par prudence, plus aucune date n’est avancée.
Dans une optique de soutien, le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), en étroite collaboration avec le Ministère centrafricain de la Réconciliation nationale, du Dialogue politique et de la Culture civique, et également avec la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en République centrafricaine (MINUSCA), organisait les 6 et 7 novembre à Bangui, un atelier méthodologique de préparation à ce Forum de Bangui sur la réconciliation nationale.
Les recommandations qui en sont sorties devaient servir de cahier de charges pour sa préparation.
Au nombre des recommandations faites par la cinquantaine de participants : « garantir un processus inclusif et participatif » au forum, sans entraver les actions des juridictions nationales et internationales ; « le forum devrait être compris et conçu comme le point de départ d’un long processus de dialogue de longue durée » ; les mécanismes post-forum (…) devraient avoir un ancrage local et impliquer les populations de base.
Les participants recommandant également d’impliquer les communautés, dans un premier temps, en soutenant des activités et initiatives déjà en cours, et en mettant en place une stratégie de communications présentant le forum comme point de départ et en impliquant les medias.
Trois mois plus tard, le 2 février 2015, le premier ministre Mahamat Kamoun, sur ordre de la Cheffe de l’état de transition, en application d’une des clauses de l’accord de Brazzaville, en vue de la préparation du Forum de Bangui, lançait des opérations dite de “restitution” (collecte d’informations), destinées à prendre à la base, la température sociale du pays.
28 équipes de “facilitateurs” seront formées et déployées dans les 16 préfectures, également sur les sites des déplacés et à l’extérieur du pays.
C’est ce vendredi que ces 28 “facilitateurs” doivent présenter au siège du parlement provisoire centrafricain, le CNT, le bilan de leurs consultations.
Les 28 “facilitateurs”, chargés de rassembler les préoccupations et les recommandations des Centrafricains sont donc de retour dans la capitale.
Deux d’entre eux font le bilan.
Ibrahim Bohari était dans la Kémo au Centre du pays :
“Il y a beaucoup de points qui ont été soulevés.
Il y a le point de la sécurité, de la justice, et de l’abandon : comme le cas des hôpitaux, et de l’occultation des jeunes.
C’est que la population attend vraiment des signes du gouvernement pour aider ramener la justice et la paix.
C’est ce qu’ils nous ont dit.”
Bernadette Gambo, facilitatrice dans le Haut Mbomou :
“Dans le Mbomou sévit le groupe armé de Joseph Kony la LRA. Et présentement il y a aussi les peuls bororos armés qui secouent la population locale.
Donc ils (les populations) sollicitent d’abord la sécurité, surtout au niveau des frontières.
Et ils faudrait que l’on traduise en justice Joseph KONY et ses éléments.
Il y a aussi les rebelles soudanais qui sont venus dans la sous préfecture de Bambouti, et ils ont emporté 2000 enfants au Sud Soudan, à telle enseigne que la population réclame ses 2000 enfants.”
Plus généralement, ce qui ressort des interviews de ces facilitateurs, c’est que les attentes des populations dans toutes les préfectures sont identiques.
Elles réclament la Sécurité tout d’abord, les services de santé, le retour de la présence de l’Etat, la remise en marche des administrations.
Et enfin, plus généralement, l’application des recommandations de novembre 2014.
Toutefois, la persistance des haines et des vengeances inter-communautaires reste vivace, comme dans la Mambéré Kadeï.
SCEPTICISME
Un radio trottoir à Bangui a révélé le scepticisme de certains banguissois.
Pour les uns :
“Ca va encore être comme d’habitude, des choses commencées, et jamais inachevées…”
“Chez nous, on aime bien faire des beaux discours, rédiger des beaux textes, mais pour les appliquer, il n’y a jamais personne.
Je doute vraiment de l’application de ces recommandations.”
D’autres encore :
“Bof ! La corruption bat son plein en RCA, mais où allons-nous avec ça ?
“Il y a déjà eu des dialogues auparavant, et des recommandations et des décisions qui ont été prises, et qui ont donné beaucoup d’espoir au peuple centrafricain. Malheureusement ces recommandations n’ont pas été suivi d’effets.”
FINALITE
Au terme de la présentation des bilans des “Facilitateurs” devant le Conseil National de Transition (CNT), un rapport général de ces opérations résumant les recommandations des Centrafricains, et qui servira ensuite de base de travail au Forum de réconciliation sera remis à la Cheffe de l’Etat de transition Catherine Samba-Panza.
Le Forum de Bangui constituant une étape majeure de la feuille de route de la transition, qui en principe, devra se terminer fin août avec l’organisation des élections.
Reste cependant des questions en suspend : Quelle sera la portée politique de ce Forum de Bangui ? Celui de Brazzaville dont il se veut la continuité était déjà mort né : les accords de cessez le feu n’ayant jamais été appliqués.
Par ailleurs le Forum concurrent de Nairobi, rassemblant les deux anciens présidents Bozizé et Djotodia, et avec uniquement des représentants des groupes armés Séléka et Anti-Balaka soulève une autre difficulté.
Sur requête du facilitateur de la crise centrafricaine, le président congolais Denis Sassou N’Guesso, l’Union Africaine avait donné son aval pour son organisation.
Et après l’avoir renié dans un premier temps, Denis Sassou N’Guesso a de nouveau fait volte face en estimant dorénavant que “La rencontre de Nairobi était une bonne contribution pour la paix en RCA.”
Les conséquences politiques ne sont pas négligeables.
Les ex présidents (tous les deux des putschistes), amis de circonstance pour l’occasion, se retrouvent être relancés pour leur plus grand bonheur, ce qui n’entretient qu’une cacophonie, et de facto, décrédibilise les actions des autorités de transition à Bangui, et plus encore sa cheffe Catherine Samba-Panza, même pas consultée par Denis Sassou N’Guesso.
Le médiateur de la crise centrafricaine en devient une obstruction supplémentaire.
Enfin, en matière de contenu, hormis un probable “brain storming” à l’africaine sous le baobab pour faire du ‘lissoro” lors de ce Forum de Bangui, quel en sera l’efficacité concrète sur le terrain ?
Des paroles à elles seules feront-elles le miracle du retour à la paix et à la sécurité dans le pays ?
Car s’il est bon de se parler lors d’un Forum, c’est également plus efficient de se donner les moyens de sa politique.
Et pour l’heure, le pouvoir centrafricain en est démuni.