Les quarante jours du carême nous rappellent les quarante ans de la traversée du désert par le peuple d’Israël et les quarante jours de Jésus au désert. Derrière ces réalités, il y a l’idée de comptage : le décompte des années pour Moïse et le peuple, et le décompte des jours pour Jésus. Cela révèle la grande idée de la mise en mouvement. Israël part à la reconquête de la terre d’Abraham, et Jésus, lui, fait un aller-retour au désert. Tandis qu’Israël nous conduit à la rencontre avec Dieu, Jésus nous rappelle notre mission d’annoncer la Bonne Nouvelle à toutes les nations : « Quand tu seras affermi, affermis tes frères » (Lc. 22, 32). C’est là la mission de l’Eglise qui nous propose le temps de carême comme moment privilégié de l’année pour la sanctification personnelle afin de vivre en bon chrétien une vie qui a pour but ultime, la réconciliation de l’univers tout entier avec Dieu son créateur.
Se réconcilier avec soi-même
(La foi)
Nul ne peut se dire réconcilié avec qui que ce soit, s’il n’est pas réconcilié avec lui-même d’abord. Avec l’eau du baptême, nous sommes devenus des enfants de Dieu. Cependant, être enfant de Dieu, c’est reconnaitre Dieu comme Père et créateur, et se conduire selon sa volonté. Mais à certains moments de la vie, à certaines circonstances, le péché nous éloigne de la volonté de Dieu. Nous commettons le mal : « libertinage, impureté, débauche, idolâtrie, magie, haine, discorde, jalousie, emportement, rivalité, envie, beuverie, ripaille, et autres choses semblables » (Ga. 5, 19-21). Nous ne vivons plus en enfants de Dieu. Nous ne croyons plus à la bonté de Dieu. Nous ne nous reconnaissons plus comme enfants de Dieu. Pour le redevenir, il faut,à chaque baptisé, un effort personnel sur soi-même pour vivre et pratiquer« l’amour, la joie, la paix, la patience, la bonté, la bienveillance, la foi, la douceur, la maitrise de soi » (Ga. 5, 22-23). Le jeûne et l’abstinence du carême nous invitent à la réconciliation avec nous ; ils nous invitent à redevenir enfants de Dieu pour être compté parmi le peuple de Dieu.
Se réconcilier avec les autres hommes
(La charité)
Le baptême qui fait de nous des enfants de Dieu, nous fait découvrir le visage de Dieu dans le visage de tout autre homme et de toute autre femme que nous rencontrons chaque jour sur le chemin de notre vie: « Faisons l’homme à notre image, selon notre ressemblance. Homme et femme, il les créa » (Gn. 1, 26-27). Alors, le chrétien qui se reconnait vraiment enfant de Dieu, créé à l’image de Dieu, reconnait aussi que l’autre homme ou femme est lui ou elle aussi enfant de Dieu, créé à l’image de Dieu. Ainsi, le chrétien est porté tout naturellement à l’amour pour le prochain, lequel amour se concrétise par des actes de solidarité humaine sans distinction : la compassion et la charité. Les efforts du carême nous invitent à nous réconcilier avec nos familles, nos voisins, nos frères et sœurs en Christ, notre peuple. Ils nous invitent à nous réconcilier avec l’humanité toute entière pour témoigner de l’avant-goût de la vie avec Dieu.
Se réconcilier avec l’Eglise
(Les sacrements)
Le baptême nous fait participer à la vie du Christ, le Fils unique de Dieu le Père, qui se rend présent à chaque eucharistie que nous célébrons (en famille, en communauté religieuse ou paroissiale, en plein air ou dans une église): « Quand deux ou trois sont rassemblés en mon nom, je suis au milieu d’eux » (Mt. 18, 20). Nous découvrons là, le mystère de la trinité : « Qu’ils soient un comme toi et moi, nous sommes » (Jn. 17, 11). Il nous arrive aujourd’hui à pécher, « en parole, par action et par omission »en reprenant les mots du « CONFITEOR », quand nous disons que nous croyons en Dieu et que nous ne croyons pas à l’Eglise qui n’est qu’une communauté des hommes pécheurs comme nous et, qui nous rend la vie difficile avec ses lois qui ne laissent aucune marge de liberté aux fidèles.Le carême nous invite à nous réconcilier avec l’Eglise, communauté des enfants de Dieu en pratiquant les sacrements ; entre autres :
l’eucharistie pour faire communion avec le Christ et avec les autres hommes,
la réconciliation comme signe de la miséricorde de Dieu pour nous et qui fait de nous des miséricordieux,
le sacrement des malades qui nous fortifie dans des moments difficiles de notre vie et qui nous maintient en confiance avec le Seigneur.
Se réconcilier avec Dieu
(La prière)
Enfants de Dieu, nous avons des relations privilégiées avec le Père. Nous pouvons lui parler en toute confiance de ce que nous voulons et quand nous voulons : « Prier sans cesse » (1 Th. 5, 17). Nos différentes et multiples activités, la fatigue ou tout simplement la paresse, ne nous laissent jamais assez de temps ou pas du tout pour prier. Nous disons des fois que nous ne savons pas prier ou que nous ne savons pas ce que nous devrions dire dans notre prière. Jésus, dans la prière du « Notre Père… », nous donne des sujets qui disent à peu près nos différents besoins de tous les jours que nous pouvons partager avec notre Père :
La sanctification du nom de Dieu,
Le pain quotidien,
Le pardon,
La délivrance du mal.
Le carême nous invite à renouer avec la prière, le plus beau moyen de rester en contact avec le Père, le Fils et le Saint Esprit.
Comme des roues d’une voiture qui assurent l’équilibre et font avancer la voiture au bon gré des passagers, voici pour le fidèle baptisé, les quatre moyens rassurants qui font avancer dans la vie chrétienne, la vie des enfants de Dieu, la vie qui, sous la mouvance de l’Esprit Saint, conduit à Dieu. Ces quatre roues de la vie chrétienne ont besoin d’être réglées sur la même pression de l’air pour mieux assurer l’équilibre et garantir un bon voyage. Cependant, pour prévoir tout désagrément de la route, il est recommandé d’avoir dans la voiture au moins une roue de secours. La vie chrétienne a aussi besoin de roue de secours qui lui soit une aide nécessaire pour le voyage du croyant.
La Sainte Vierge Marie
(Le Magnificat)
« Voici ta mère » (Jn. 19, 27). Jésus fait don de sa mère à ses frères et sœurs : « Mes frères et mes sœurs sont ceux qui font la volonté de mon Père » (Mt. 12, 50). Dans la prière du « Magnificat », on retrouve toutes les quatre roues de la voiture de la vie chrétienne :
« Mon âme exalte le Seigneur » (foi)
« Il relève les humbles et comble les affamés de bienfait » (charité)
« Il se souvient d’Abraham et de sa race à jamais » (sacrement)
« Saint est son nom » (prière)
Marie soutient notre foi. Elle nous fait penser à nos frères et sœurs qui sont dans le besoin. Elle nous rappelle la fidélité de Dieu dans son alliance avec son peuple, avec son Eglise. Marie prie avec nous et pour nous.
Les saints
« Une foule immense (…) proclamait à haute voix : le salut est à notre Dieu » (Ap. 7, 9-10). Les saints par leur mérite terrestre de la grâce de Dieu voient tous les jours la face du Seigneur de l’univers, le Seigneur qui sauve. Leurs vies terrestres nous servent de modèle. D’auprès du Père céleste, ils intercèdent pour nous. Nous avons des exemples :
Saint Joseph pour sa pleine confiance en Dieu (foi),
Saint François d’Assise pour son dévouement pour les pauvres (charité),
Saint Curé d’Ars pour l’intérêt particulier pour le sacrement de la réconciliation (sacrement),
Sainte Rita pour la grande dévotion à la prière (prière).
Le temps de carême nous fait marquer un arrêt avec le Saint Esprit, comme pour une voiture à la station-service, pour nous recharger de lui, en rechargeant notre foi, notre vie de partage, notre fidélité à l’Eglise et à la prière ainsi qu’à notre confiance en la Vierge Marie, Mère de Dieu et Mère de l’Eglise dont nous sommes membres. Le carême nous fait poser nos pas sur les traces de ceux des saints qui se réjouissent de la présence de Dieu.
Alors, frères chrétiens de Centrafrique, engageons-nous pour la réconciliation nationale afin de poser des nouvelles bases du vivre-ensemble dans notre pays. Amen.
Pascal TONGAMBA