Affaiblie, mais toujours là! La guérilla ougandaise de l'Armée de résistance du Seigneur (LRA) continue de semer la terreur dans le sud-est de la Centrafrique, avec le soutien ponctuel d'éléments de l'ex-rébellion Séléka, selon des experts du dossier.
"Chaque semaine, la LRA fait irruption dans un village en brousse, vole, viole, tue et kidnappe", résume Guillaume Cailleaux, coordinateur en Centrafrique de l'ONG américaine Invisible Children.
La plus ancienne rébellion du continent, dont le chef, le sinistre Joseph Kony, est recherché par la Cour pénale internationale (CPI), est "toujours active" dans le sud-est de la Centrafrique, où l'on recense en moyenne de huit à 10 incidents par mois, observe M. Cailleaux.
"Mais la LRA n'a plus aujourd'hui aucune vision politique ou religieuse. Elle est dans une logique de survie (...), et n'a jamais été aussi faible", estime-t-il.
Née dans le nord de l'Ouganda en 1986, où elle prétendait lutter au nom du peuple Acholi contre le régime du président Yoweri Museveni, la LRA s'est déplacée au cours des années au Sud-Soudan puis, après des négociations de paix avortées en 2006, dans le nord-est de la République démocratique du Congo (RDC), pour arriver en mars 2008 dans le sud-est de la Centrafrique (RCA).
Eparpillés par petits groupes de cinq à 10 combattants, les rebelles de la LRA opèrent dans la préfecture du Haut-Mbomou, immense territoire où ils sont traqués par l'armée ougandaise et une centaine de membres des forces spéciales américaines.
"On estime désormais entre 180 et 220 le nombre de combattants porteurs d'armes", avance M. Cailleaux, rappelant que chaque cellule combattante est accompagnée de nombreux auxiliaires, des captifs faisant office de porteurs, cuisiniers, esclaves sexuelles...
- Toujours des défections -
Les défections se sont intensifiées depuis novembre 2013, au rythme moyen de quatre à cinq par mois, selon Invisible Children.
"En 2003, la LRA comptait environ 3.000 combattants, pour 200 actuellement. Chaque mois il y a des défections, on pourrait donc penser que la LRA est sur le point de disparaître. Et pourtant, elle survit", observe José Carlos Rodriguez, l'un des rares experts de ce mouvement.
"Il y a plusieurs raisons à cela. D'abord, Kony a une capacité d'adaptation extraordinaire, il sait changer de stratégie au gré des circonstances", comme en témoigne sa tactique actuelle d'éparpiller ses troupes en petits groupes extrêmement mobiles.
Ensuite, "il n'a pas choisi le sud-est de la RCA par hasard : c'est une zone refuge idéale, un territoire grand comme le Rwanda et le Burundi réunis, couvert de forêts, avec une population d'à peine 40.000 habitants". La région est également proche de l'enclave de Kafia Kingi, au Soudan voisin, où Kony aurait trouvé refuge et continuerait de recevoir un soutien de Khartoum, selon M. Rodriguez.
Enfin et surtout, la LRA a bénéficié ces derniers mois d'une complicité "limitée et circonstancielle" de la Séléka, explique le chercheur.
En novembre 2013, le chef de la Séléka et président d'alors Michel Djotodia disait être "en train de négocier" avec le chef de la LRA pour obtenir sa reddition. M. Djotodia révélait alors que son gouvernement avait réapprovisionné les guérilleros, notamment en nourriture, une déclaration qui avait suscité scepticisme et consternation.
"Il y avait bien des contacts entre l'ex-rébellion et la LRA à Bakouma", localité du sud-est de la Centrafrique, confirme M. Rodriguez. "Ces contacts étaient menés par le général Zaccaria Damani côté Séléka, et Otto Ladeere pour la LRA. Ils se sont poursuivis par la suite", précise-t-il, évoquant une collaboration "informelle, opportuniste".
"La Séléka fournit occasionnellement des munitions, des médicaments, de la nourriture" à la LRA, estime également M. Cailleaux.
Cette aide serait fournie en échange notamment de main d'oeuvre dans les zones minières, où les captifs de la LRA serviraient de "creuseurs" au profit de la Séléka.
Des chefs militaires de la Séléka auraient vu dans ces contacts l'opportunité de prendre pied dans le sud-est de la RCA, d'où ils sont jusqu'à ce jour absents, selon M. Rodriguez.
L'armée ougandaise ne s'y est d'ailleurs pas trompée qui, voyant d'un très mauvais oeil cette collaboration de circonstance, a réagi très fermement à l'arrivée d'une colonne Séléka fin juin dans la localité de Nzako (sud-est).
Selon la version officielle de l'incident, les militaires ougandais ont ouvert le feu après avoir confondu les rebelles avec la LRA.
M. Rodriguez corrige: "l'UPDF (armée ougandaise) savait parfaitement ce qu'elle faisait", elle a tué 16 Séléka, dont un colonel, et désarmé le groupe.