NAIROBI - Quelque 20 millions de personnes sont en situation d’insécurité alimentaire aiguë en Afrique de l’Est et Centrale. Selon les organisations d’aide humanitaire, la plupart se trouvent à un niveau « de crise » ou « d’urgence ». Ce chiffre est bien plus élevé qu’en juillet 2013, quand l’insécurité alimentaire touchait 15,8 millions de personnes.
Les pays concernés sont la Somalie, l’Ouganda, le Soudan du Sud, l’Éthiopie, la République centrafricaine (RCA), le Soudan, le Kenya, la République démocratique du Congo (RDC) et la Tanzanie.
« La situation générale dans la région s’est détériorée très rapidement et selon les résultats de l’enquête, le taux de malnutrition aiguë globale (GAM) dépasse les 20 pour cent, notamment dans certaines zones du Soudan du Sud, de la RCA, de la Somalie et du nord du Kenya, alors que le seuil d’urgence établi par l’Organisation mondiale de la santé est de 15 pour cent », a dit le Groupe de travail régional sur la sécurité alimentaire et la nutrition (FSNWG), une instance multipartite dirigée par l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) et l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).
Le FSNWG a averti que la situation pourrait encore s’aggraver si aucune intervention rapide n’est mise en place.
« Le FSNWG est persuadé qu’en l’absence d’intervention multisectorielle accrue et immédiate, la situation des populations touchées en matière d’alimentation et de nutrition risque de s’aggraver encore davantage. »
Le groupe a ajouté que « les pays où l’insécurité alimentaire et nutritionnelle est la plus préoccupante sont le Soudan du Sud, la RCA, la RDC et la Somalie, tous touchés par des conflits. »
Quatre pays – le Soudan du Sud, la RDC, la RCA et la Somalie comptent à eux seuls plus de 10 millions de personnes en situation d’insécurité alimentaire.
Selon le cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire (IPC), au moins 20 pour cent de la population doit faire face à des déficits alimentaires considérables et le taux de malnutrition aiguë doit être supérieur à la normale pour qu’une situation soit qualifiée de « crise aiguë ». Le niveau « d’urgence » implique quant à lui un taux de malnutrition très élevé et qu’au moins 20 pour cent de la population soit confrontée à des déficits alimentaires extrêmes.
Soudan du Sud
Au Soudan du Sud, où environ un million de personnes ont été déplacées par les violences, le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA) a averti dans son dernier rapport de situation que bien que la famine n’ait pas été déclarée, « les humanitaires s’inquiètent de l’insécurité alimentaire sévère et de la mauvaise situation nutritionnelle ».
L’accès aux populations qui ont besoin d’une aide alimentaire est entravé par l’insécurité. Selon un rapport d’OCHA du mois d’août, les organisations humanitaires ont interrompu leurs activités de distribution, notamment alimentaire, après que six travailleurs humanitaires locaux ont été tués dans le comté de Maban, dans l’État du Nil supérieur.
Somalie
En Somalie, où une famine a fait environ 250 000 morts il y a trois ans, majoritairement des femmes et des enfants de moins de cinq ans, l’Unité d’analyse de la sécurité alimentaire et de la nutrition (FSNAU, un organe de la FAO) a tiré la sonnette d’alarme début juillet. « La sécurité alimentaire devrait se détériorer dans les mois à venir en raison de la baisse de production agricole due à l’insuffisance des pluies “gu” (d’avril à juin), de la hausse des prix des biens de première nécessité et de la baisse de la production de bétail. »
Chez les communautés déplacées à Mogadiscio, un taux de GAM de 18,9 pour cent a été enregistré, ce qui dépasse le seuil d’urgence de 15 pour cent.
La situation est aggravée par l’insécurité, qui entrave l’accès aux populations dans le besoin, et par le manque de fonds.
Le gouvernement a déjà déclaré la sécheresse dans sept de ses 18 régions et a averti que si des mesures urgentes n’étaient pas prises, la famine de 2011 se répèterait. Les Nations Unies ont prévenu au mois de juillet que la Somalie risquait de sombrer à nouveau dans la famine.
« Malheureusement, malgré les indicateurs d’alerte précoce, la réponse semble inadéquate face à cette catastrophe potentielle qui pourrait saper les progrès du gouvernement fédéral de Somalie pour défendre et garantir le droit à la vie et le droit à l’alimentation pour [un] nombre considérable de citoyens somaliens », a dit Bahame Tom Nyanduga, expert en droits de l’homme pour les Nations Unies, le 8 juillet.
RCA
En RCA, où l’on estime à 512 000 le nombre de personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays (PDIP), dont 87 000 se trouvent dans la capitale, 1,7 million de personnes (sur 4,6 millions d’habitants) seraient en situation d’insécurité alimentaire d’après la FAO.
La FAO a appelé à une intervention d’urgence pour répondre aux besoins des agriculteurs locaux. « Ils sont de plus en plus vulnérables et leurs moyens de subsistance sont de plus en plus menacés ».
La reprise des combats les 30 et 31 juillet à Batangafo a entraîné le déplacement d’environ 20 000 personnes dans la ville et des milliers d’autres ont fui par les principales routes de la région.
RDC
En RDC, où les violences politiques et les conflits interethniques durent depuis plusieurs dizaines d’années, au moins 4,1 millions de personnes se trouvent en situation d’insécurité alimentaire à un niveau dit « de crise » ou « d’urgence », situation qui risque de ne pas s’améliorer avant décembre 2014.
Selon une récente synthèse des urgences dans le monde réalisée par le Conseil norvégien pour les réfugiés, Save the Children et Action contre la faim, « Les zones les plus fortement touchées sont le territoire de Punia (secteurs de Maniema, Babira et Bakwame), dans la province du Maniema, et les territoires de Manono, Mitwaba, et Pweto dans le Katanga. D’autres secteurs en situation de “crise” se trouvent dans le Sud-Kivu, dans les zones frontalières du territoire de Punia dans la province du Maniema et dans le Katanga. »
« Les régions en conflits du Nord-Kivu, du Sud-Kivu, du Katanga et de la Province orientale enregistrent les besoins les plus élevés et des déplacements répétés de grande ampleur. Les PDIP, les populations d’accueil et les personnes qui ne peuvent pas fuir sont toutes vulnérables, car l’insécurité pose de multiples problèmes de protection et entrave l’accès aux services essentiels. Les besoins varient cependant d’une zone géographique à l’autre et en fonction des dynamiques de conflit. »
« Les conflits et les déplacements le long de la frontière avec la RCA, ainsi que les groupes armés dans la région du Kivu demeurent une source de préoccupations et [une] cause de l’insécurité alimentaire », a dit le FSNWG.
Kenya
Au Kenya, selon les estimations du Comité directeur kenyan sur la sécurité alimentaire, environ 1,3 million de personnes – dont 300 000 sont en situation de crise ou d’urgence – ont besoin d’aide pour atténuer l’insécurité alimentaire dans laquelle ils se trouvent.
« Avec un revenu par foyer inférieur à la moyenne, la hausse du prix du maïs va réduire le pouvoir d’achat des consommateurs urbains pauvres et des foyers défavorisés des régions pastorales et d’agriculture marginale. Dans les régions pastorales, le mauvais état corporel du bétail le rend plus vulnérable aux maladies. La concurrence pour les pâturages limités d’ici le mois de septembre augmente le risque de conflit », a dit FEWS NET au mois de juillet.
Éthiopie
En Éthiopie, d’après FEWS NET, la plupart des zones pastorales resteront vulnérables même si une aide humanitaire est apportée.
« Les foyers pauvres des hautes terres d’Arsi, dans le centre de la région Oromia, sont entrés en phase de crise (phase 3 de l’IPC), car ils ont perdu les cultures “belg”, habituellement récoltées en juin et juillet, ainsi qu’un grand nombre de têtes de bétail. Leur situation alimentaire a peu de chances de s’améliorer avant la récolte “meher” d’octobre », a expliqué FEWS NET.
Selon le FSNWG, au moins 2,2 millions de personnes ont besoin d’une aide alimentaire dans le pays.
Burundi
D’après le Programme alimentaire mondial (PAM), au moins 682 000 personnes sont en situation d’insécurité alimentaire « de crise » ou « d’urgence » dans le pays. Dans le nord-est, le niveau de production alimentaire est de 40 à 60 pour cent inférieur à la moyenne en raison des précipitations insuffisantes lors de la « saison B » (de février à mai).
La sécurité alimentaire devrait cependant s’améliorer avec les récoltes en vert de la saison A, en décembre.
Ouganda
Quelque 252 810 personnes se trouvent en situation « d’urgence » ou « de crise », principalement dans le Karamoja.
FEWS NET a remarqué en juillet que « dans le Karamoja, la récolte de septembre/octobre ne devrait s’élever qu’à 20 à 30 pour cent de la récolte moyenne à cette période de l’année. La consommation de légumes verts sera minime cette année et les foyers n’observeront pas comme à leur habitude une amélioration de leur accès aux denrées alimentaires après la récolte. Malgré la quantité suffisante d’aliments de base à des prix stables sur le marché, les ménages n’ont pas beaucoup de moyens pour acheter de la nourriture en raison de leurs revenus limités. L’est de la région risque de demeurer en situation de crise (phase 3 de l’IPC) jusqu’à fin décembre. »
Soudan
Une amélioration saisonnière de la sécurité alimentaire est attendue avec le début des récoltes en octobre. Pourtant, on estime à 5,3 millions le nombre de personnes en situation d’insécurité alimentaire aiguë aux niveaux de stress (phase 2 de l’IPC), de crise (phase 3 de l’IPC) ou d’urgence (phase 4 de l’IPC).
Les conflits au Darfour, dans le Kordofan méridional, dans le Nil bleu et dans le Kordofan occidental ont perturbé les moyens de subsistance et réduit l’accès des ménages à la nourriture, notamment pour les PDIP. Parallèlement, la hausse persistante des prix des denrées de base a restreint la capacité des foyers à répondre à leurs besoins alimentaires minimums au plus haut de la période de soudure, lorsque les ménages dépendent le plus du marché.
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