Christian Mukosa, chercheur à Amnesty International, a appelé les autorités à ne pas céder à la logique des auteurs de crimes de guerre consistant à troquer la paix contre l’impunité.
AA/ Tunis/ Thierry Brésillon
Les auteurs de crimes de guerre en RCA ne doivent pas accéder à des postes politiques à la faveur de leurs positionnement militaire dans des groupes armés, a estimé Christian Mukosa, chercheur à Amnesty International dans un entretien à Anadolu qui a appelé les autorités de transition à ne pas céder au “chantage” consistant à troquer “la paix contre l’impunité”.
“Les gens qui ont commis des crimes de guerre ou des crimes contre l’humanité ne doivent pas accéder à des positions de responsabilité dans les institutions ou dans le gouvernement, où ils pourraient utiliser le pouvoir soit pour bloquer toute initiative d’enquête à leur encontre où à l’encontre de leurs proches, soit pour commettre d’autres violations graves des droits humains” a déclaré Mukosa, en rappelant la position d’Amnesty International, exprimée jeudi, dans un rapport dont il est le co-auteur.
Ces personnalités politico-militaires que ce rapport met sur la sellette se trouvent, néanmoins, engagées dans les discussions politiques dans le cadre d’une tentative des autorités de transition d’impliquer les groupes armés dans le processus de retour à la paix.
Une rencontre entre responsables des milices Anti-balaka et de la Seleka est ainsi prévue les 21 et 23 juillet prochain à Brazzaville pour aboutir à une déclaration commune. Le risque demeure, cependant, pour Mukosa, de créer une contradiction entre réconciliation et lutte contre l’impunité.
“Mais si on nomme quelqu’un comme Patrice Ngaissona [coordinateur des anti-balakas, ndlr] ou Noureddine Adam [numéro 2 de la Seleka, ndlr] à un poste de responsabilité, quel message les autorités vont-elles envoyer ? C’est une prime au recours à la violence !
Etre à la tête d’un groupe armé ne doit pas être une manière d’accéder à un poste politique, sinon comment-voulez vous que la violence cesse ? Les autorités de transition et la communauté internationale ne doivent pas céder à leur chantage. Ces gens sont en train de chercher leur place au soleil en tenant le langage de paix” a déclaré ce chercheur principal pour la sous-région Afrique centrale et Madagascar au secrétariat international d’Amnesty international à Londres.
Estimant que “l’impunité est l’élément clé de toutes les crises politiques centrafricaines”, Mukosa a appelé à la formation d’un tribunal hybride (national-international) pour juger les crimes dont ces dignitaires se sont rendus coupables ces derniers mois, selon le rapport d’Amnesty.
“Le gouvernement a mis en place une cellule spéciale d’enquête avec une quarantaine de personnes mais elle manque cruellement de moyens, notamment pour enquêter en dehors de Bangui. La Cour pénale internationale, qui doit commencer ces investigations prochainement, n’a pas la capacité de traiter l’ensemble des cas. C’est pourquoi nous recommandons la formation d’un tribunal hybride, composé de juges nationaux et internationaux, comme c’était les cas au Cambodge pour juger les crimes de Khmers rouges.”
Christian Mukosa est chercheur principal pour la sous région Afrique centrale et Madagascar au secrétariat international d’Amnesty international à Londres. Il est l’un des principaux auteurs du dernier rapport de l’association sur la crise centrafricaine « République centrafricaine : il est temps de rendre des comptes » dans lequel les responsables des crimes commis durant la crise politique sont nommément désignés, dont deux anciens présidents de la République, François Bozizé et Michel Djotodia.