Officiellement, le 2 septembre 2014 à Bangui, au Ministère des Affaires étrangères, en présence des Ambassadeurs accrédités en Centrafrique et du Représentant du médiateur de la crise centrafricaine, le congolais Noël Léonard Essongo, les Nations Unies et la République Centrafricaine ont signé un Accord dit de siège.
Que cela signifie ?
Un accord de siège est une entente entre deux entités, en l’espèce un organisme international, l’ONU et un pays la Centrafrique, pour que l’un, l’ONU puisse exercer un certain type d’activités dans le dit pays.
Par cet Accord, selon les termes du document, la Centrafrique autorise l’ONU à agir sur son territoire.
La mission ONU en RCA est dénommée MINUSCA, acronyme de Mission intégrée multidimensionnelle de stabilisation des Nations Unies en République centrafricaine, et dans le pays, est représenté par le général sénégalais Babacar Gaye, Représentant spécial du Secrétaire général des Nation Unies en RCA.
C’est lui qui au nom de la MINUSCA a signé le document, avec le ministre des Affaires étrangères centrafricain, Toussaint Kongo Doudou pour la Centrafrique.
L’Accord est la mise en application de la résolution 2149 des Nations Unies concernant la RCA, en date du 10 avril 2014, et donnant le cadre juridique de la mission onusienne.
(voir le détail de la résolution dans le déroulant)
OBJECTIFS
Face à la dérégulation totale en Centrafrique, et la faillite complète de l’Etat, la mission de la MINUSCA se veut être la mise en application de ces objectifs :
- a) Protection des civils
- b) Appui à la mise en oeuvre de la transition, y compris action en faveur de 1’extension de l’autorité de l’Etat et du maintien de 1’intégrité territoriale
- c) Faciliter l’acheminement immédiat, en toute sécurité et sans entrave, de toute l’aide humanitaire
- d) Protection du personnel et des biens des Nations Unies
- e) Promotion et protection des droits de l’homme
- f) Action en faveur de la justice nationale et internationale et de l’état de droit
- g) Désarmement, démobilisation, réintégration et rapatriement (DDRR)
En théorie, la MINUSCA comprendra environ 12 000 casques bleus (10 000 soldats et 1 800 policiers), et commencera à être opérationnelle le 15 septembre prochain.
En réalité, seuls 7.600 hommes seront en place le 15 septembre, dont 5.800 prélevés dans l’actuelle MISCA, la force internationale africaine déjà en place.
S’ajouteront aux troupes de la MISCA 1.800 soldats et policiers supplémentaires, dont trois bataillons d’infanterie fournis par le Maroc, le Bangladesh et le Pakistan, et des policiers rwandais et sénégalais.
MISE SOUS TUTELLE ….LES MESURES TEMPORAIRES
Perte de l’indépendance militaire et policier
Suivant les documents officiels, la MINUSCA se déploiera en RCA sur 45 sites, avec 24 bases militaires dans 24 localités.
Ces troupes auront toutes autorités militaires et policières.
Ce qui signifie qu’elles peuvent contrôler les citoyens, en arrêter, en détenir, comme le ferait toute force policière.
Ce qui pousse à dire que cela mettra la Centrafrique sous tutelle tient dans des « mesures temporaires d’urgence » énoncées par le chef des opérations de maintien de la paix de l’ONU, le français Hervé Ladsous.
Et ces mesures temporaires donnent à la MINUSCA pratiquement tous les pouvoirs régaliens en Centrafrique.
Car outre le pouvoir militaro-policier, la MINUSCA disposera des pouvoirs judiciaires. Elle pourra juger, condamner et mettre en prison.
Ces mesures encadrent également le pouvoir politique en le figeant.
Le pouvoir de transition à Bangui aura obligation de consulter la MINUSCA pour des décisions politiques importantes susceptibles de remettre en cause le travail de l’ONU dans le pays.
EFFICACITE ?
Sur le papier, tout semble parfait.
MAIS…..
Depuis 1997, toutes les missions de l’ONU en RCA ont échoué.
MISAB, MINURCA, BONUCA, FOMUC, MICOPAX, etc…Nulle n’a été efficace.
La MINUSCA sera la 10ème mission de l’ONU dans le pays.
Fera-t’elle mieux que ses précédentes ?
Jocelyn Coulon
Elle n’en prend pas le chemin, car d’ores et déjà, “La MINUSCA cherche ses troupes” comme le titrait RFI le 15 août dernier.
« Trouver des contributeurs est toujours très difficile », témoignait Jocelyn Coulon, directeur du réseau de recherche sur les opérations de paix.
La MINUSCA peine à faire le plein de ses 12.000 hommes prévus, les pays éventuellement contributeurs ne se précipitent pas, et la France n’en sera pas, n’attendant que la première occasion pour ce qui sera devenue pour la Sangaris une vraie pétaudière dans laquelle elle s’est engluée, au point de devenir très impopulaire dans le pays.
L’ONU n’a pas d’armée, elle dépend de pays contributeurs.
Et en Centrafrique, comme souvent en Afrique, ses missions souffrent de paupérisation. Capacités humaines, logistiques et financières limitées.
En outre, généralement, ces types d’opérations comme le précisait encore Jocelyn Coulon “ne reposent sur aucune cohérence politique et stratégique.”
Les manifestes absences de volonté politique des leaders centrafricains ont ouvert bien grand le chemin aux autres pour des calculs géopolitiques intéressés et à courte vue.
Exemple de la France – qui fort de son autorité sur la pays en tant qu’ancienne puissance coloniale, et s’étant battue à l’ONU pour que des forces internationales interviennent dans le pays, et qui par ailleurs a des troupes sur place – avait unilatéralement décidé de la date de février 2015 pour des élections en RCA, sans aucune considérations des réalités catastrophiques du terrain.
Cette date fut reprise par les Etats Unis et pratiquement toute la communauté internationale.
Ce ne sera pas possible. Il n’y aura pas d’élections en Centrafrique en février 2015.
Conséquence, cela repousse la fin de la transition politique aux calendes grecques.
Personne en l’état actuel des choses n’est capable de prédire le retour de la paix dans le pays, condition sine qua non pour la tenue des élections.
Et c’est dans ce flou que va se mettre en place cette énième mission de l’ONU.