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Edouard Ngaissona sur RFI : «Bozizé n’a pas créé Ngaissona»
Publié le samedi 4 avril 2015  |  RFI
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© AFP par GUY-GERVAIS Kitina
Signature d`un accord de cessez-le-feu
Mercredi 23 juillet 2014. Brazzaville. Photo : ancien général et représentant de la coalition de l`opposition Séléka Mohamed Moussa Dhaffane (gauche) et Patrice-Edouard Ngaissona, ancien de la jeunesse centrafricaine et le ministre des Sports et coordinateur politique de l`auto-déclarée pour la milice chrétienne anti-Balaka
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A quelques semaines du Forum de Bangui sur la réconciliation nationale, programmé du 27 avril au 4 mai, les anti-balaka tiennent à afficher une certaine unité et à montrer un visage pacifique. Dans la ligne de mire : les élections prévues pour cet été. Dans cette optique, Edouard Patrice Ngaissona, coordinateur national des anti-balaka, a formellement dissout cette coordination en novembre 2014 pour fonder son parti politique, le Parti centrafricain pour l’unité et le développement (PCUD). Quelles sont ses ambitions ? Comment aborde-t-il le Forum ? Quelles sont ses relations avec François Bozizé ? Edouard Ngaissona est interrogé par Pierre Pinto.
(Entretien réalisé avant l’annonce des dates du Forum)

RFI : vous avez récemment fondé votre parti. Le temps est-il venu pour les anti-balaka de déposer les armes et de se consacrer à la lutte politique ?

Edouard Ngaissona : Oui, il est temps de tourner la page des armes et de voir les choses en face pour essayer de sortir le pays de la situation dans laquelle il vit. L’option n’est plus aux armes, mais aux débats d’idées pour chercher la cohésion sociale et reprendre une vie normale. Le peuple en a besoin.

Qu’est-ce que vous attendez du Forum de Bangui, qu’est-ce que vous comptez y apporter ?

Je pense qu’il est vraiment souhaitable qu’il y ait ce Forum qui serait une plateforme déterminante pour le peuple centrafricain et pour l’avenir de notre pays. On est un peu disséminé. Ce forum pourra regrouper tous les fils et filles de notre pays pour décider de l’avenir de ce pays. Si on ne se parle pas et si chacun reste dans son coin, on ne saura pas ce que chacun rumine dans sa tête pour contribuer à apporter une solution pour ce pays. Ce forum est déjà amorcé, parce qu’il y a eu le dialogue à la base et je pense que cela s’est très bien passé. Nous espérons que les autorités politiques démontrent un peu la volonté d’aller rapidement à ce Forum pour que les Centrafricains puissent tourner la page de l’histoire sombre de notre pays.
Il y aura après le Forum toute la séquence politique, avec une période de campagne, la préparation des élections législatives, présidentielle, et un référendum constitutionnel. Est-ce que votre parti a déjà des candidats ?
Je pense que c’est trop tôt pour parler de candidatures à la présidentielle ou aux législatives. Après le Forum il y a encore des étapes à franchir. Il faut un désarmement obligatoire, ensuite, il y a le recensement des électeurs. Et puis, il faut un référendum pour nous permettre d’aller aux élections dans la quiétude et que le résultat soit crédible aux yeux de la communauté internationale. Il ne faut pas précipiter les choses pour ramener encore ce pays 100 ans en arrière. Il faut qu’on soit méthodique dans ce que nous faisons, et que le Centrafricain ait la tête froide. Le dialogue va déterminer beaucoup de choses et au sortir du dialogue, tout le monde doit prendre conscience pour aller rapidement au désarmement. Le désarmement, c’est une histoire de cinq ou dix ans ; mais le gros travail on doit d’abord le faire très rapidement pour permettre aux Centrafricains d’aller aux élections sans s’inquiéter.

Est-ce que les anti-balaka sont prêts à désarmer massivement ?

Aujourd’hui, je parle des « anciens combattants patriotes anti-balaka ». Malheureusement, ces enfants n’ont pas été pris en compte par ni la communauté internationale ni par les autorités centrafricaines. Mais cela ne nous a pas empêchés de faire un travail pour assister à un début de normalisation de notre pays. Et donc nous attendons que nos préoccupations soient prises en compte pendant le Forum de Bangui pour que les autres choses découlent d’elles même.

Le DDR (programme de désarmement, démobilisation réinsertion des combattants, NDLR) est très attendu par vos anciens éléments notamment. Que devra prendre en compte ce DDR pour être efficace ?

Le DDR doit être préparé d’une manière consensuelle. On doit prendre les responsables des deux groupes armés et les associés au DDR pour faire un travail technique, un travail cohérent qui peut aussi rassurer tous les groupes armés en disant que, la communauté internationale, les autorités de la place pensent à nous. Il y a beaucoup de victimes dans ces histoires-là. Le DDR, c’est une partie de la solution pour que les ex-combattants désarment rapidement et repartent d’où ils viennent. Peut-être que certains demanderont à être dans la vie civile, à être commerçants, à repartir cultiver leurs champs. Beaucoup de ces enfants avaient leur parcelle. Face à la situation, ils ont été obligés de les abandonner pour défendre leur patrie. Ils l’ont fait et c’est quelque chose qui peut nous regrouper rapidement pour que les Centrafricains puissent vaquer à leurs occupations. Le DDR est un facteur très important pour ramener la paix en RCA.

La sécurité s’est améliorée ces derniers mois à Bangui. Toutefois, la ville connaît une certaine vague de délinquance. Beaucoup accusent les ex-anti-balaka d’être derrière cette délinquance parce qu’elle se concentre autour des 4e et 8e arrondissements. Qu’est ce que vous répondez à ces accusations ?

Vous parlez bien des délinquants ? Le pays avait des délinquants avant. Si on a créé l’OCRB qui s’occupait des bandits, des braqueurs, cela ne veut pas dire que ces braqueurs sont devenus des pasteurs et qu’ils ne vivent plus. Il y a toujours des braquages, il y a toujours des bandits. En dehors de ça, comment pouvez-vous nous démontrer par A+B que ces gens qui font les braquages sont des anti-balaka ? On parle du G7 [7 groupes armés signataires de Brazzaville, NDLR]. Les confusions faites par la communauté internationale c’est quoi ? Quand on voit un Centrafricain de traits musulmans, directement on l’accuse d’être Seleka. Quand on voit un Centrafricain de traits chrétiens, on dit rapidement « anti-balaka ». Et les cinq autres groupes armés comment vous les déterminez ? Et voilà ce sont des amalgames que les gens font. Et à chaque fois, je m’évertue à expliquer qu’avant il y avait des braqueurs dans ce pays, avant il y avait des voleurs dans ce pays, pendant la crise, il y en a, et même après la pacification, même après une démocratie, il y aura toujours des voleurs, il y aura toujours des braqueurs. Mais de grâce, ces enfants ont risqué leur vie, ont versé leur sang pour mener le pays où il est arrivé. Il ne faut jamais leur jeter à chaque fois le discrédit pour ternir leurs images. Ce sont des enfants qui ont commis un acte de bravoure qui mériteraient d’être reconnus sur le plan national. Parce que, n’eût été leur acte de bravoure, aujourd’hui, le pays serait dans quelle condition ? C’est vrai, je ne pourrais nier que parmi ces ex-combattants il n’y avait pas de voleur. Il y en a. Mais aujourd’hui, ils ont pris beaucoup de conscience. Les enfants attendent. On a transformé le 29 novembre, notre mouvement en parti politique et nous aspirons à faire autre chose politiquement que de suivre la voie des armes.

Une initiative diplomatique à Nairobi a rassemblé François Bozizé et Michel Djotodia et des délégations se réclamant de l’ex-Seleka et des anti-balaka. Est-ce que ces anti-balaka avaient votre aval ?

Non. Nous n’avons mandaté personne pour représenter les anti-balaka dans ce qui s’est passé à Nairobi. Moi, je pensais que Nairobi c’était entre les deux anciens chefs de l’Etat, l’un a fait du mal à l’autre, et qu’ils voulaient se pardonner entre eux. Il fallait s’arrêter à ce niveau (…) Moi, Ngaissona, je ne pourrais jamais me mettre devant un criminel comme Noureddine [Adam, NDLR] qui n’a pas encore dit son dernier mot, et lui pardonner. Il a des charniers de Centrafricains sous la main. Si ces gens étaient plus intelligents, ils auraient du dire qu’après les accords de cessation des hostilités de Brazzaville, on aurait du se rendre devant la justice du peuple centrafricain qui pouvait nous juger et éventuellement nous pardonner. Il n’y a que le peuple centrafricain qui peut juger cette affaire. Pas deux ou trois personnes quelque part qui peuvent gérer ou juger le chaos en RCA. Raison pour laquelle quand on m’a invité à l’époque, j’ai dit : si je ne connais pas les tenants et aboutissants de ce qui doit se passer à Nairobi, je ne bougerai point de Bangui. Ma position était claire. Et vu ce qui est sorti de Nairobi, ça a fait un tollé. Tout le monde a renié l’accord. Ce qui veut dire que ma position était la bonne, de ne pas mettre les pieds à Nairobi. Sinon ça allait être les amalgames. On ne peut pas continuer à mettre le pays sous tension, à faire couler le sang des Centrafricains pour notre propre intérêt. Donc, je ne pouvais pas mettre les pieds à Nairobi.

Etes-vous toujours en contact avec François Bozizé ?

Pourquoi revenez-vous toujours sur cette question ? Bozizé n’a pas créé Ngaissona. Lui a ses options. Moi aussi j’ai mes options. Je suis venu aider ses enfants à ne pas faire beaucoup de dérapages. Ma mission c’était pour aider les enfants à ne pas faire beaucoup de dérapages, les canaliser et être leur interlocuteur auprès des autorités nationales et internationales. Pour moi, il n’est pas question de revenir à chaque fois sur Bozizé parce qu’on est de la même zone. C’est Dieu qui a fait qu’on est de la même préfecture. A chaque fois, ça me met en boule quand les gens me parlent de Bozizé. Bozizé, c’est un ancien chef d’Etat. Il a fait son temps. Et maintenant, le chaos que les gens ont créé a dévasté notre pays. Chaque Centrafricain a le droit de se mettre debout pour protéger sa patrie. Et c’est pourquoi je suis debout avec les ex-combattants anti-balaka pour protéger notre pays. De grâce, je ne veux plus qu’on me pose la question par rapport à Bozizé.

En janvier, il y a eu une série d’enlèvements menée par des gens qui demandaient la libération d’Andilo un cadre des ex- anti-balaka. Comment avez-vous réagi face à ces événements ?

Nous tous, ça nous a touché. Tout le monde était dépassé par cette situation. Et on était debout pour essayer de mener ce combat de libération d’abord de la Française, puis du ministre Sayo. Parce que l’objectif de notre mouvement n’est pas d’enlever les gens. Mais ceux qui ont fait cet acte ne sont pas des gens sous commandement de l’ex-coordination. Ce sont des gens égarés qui ont toujours en tête de continuer à semer des troubles dans ce pays. Ce sont eux qui ont commis cet acte de barbarie que nous avons combattu nous tous. Tout le monde était en mouvement pour essayer de régler cette situation. Dieu merci, par la médiation de l’ambassade de France, par tous les acteurs des ex –mouvement anti-balaka, on a réussi à faire sortir la Française indemne. Peut-être certainement, elle n’était pas dans une condition normale, mais on a protégé sa vie pour qu’elle retrouve la liberté, ainsi que le ministre Sayo. On ne peut pas accepter que cela continue. Mais on voit seulement les anti-balaka. On ne voit pas ce qui pousse seulement ces gens à créer la tension dans le pays. C’est dommage que cela se soit produit. C’est peut-être par affection que ces gens ont commis leurs actions qui n’ont jamais honoré le mouvement anti-balaka.
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