La confirmation de la déclaration de l’épidémie de rougeole dans la ville de Nzacko a été faite par Dr Jean Paul Fongbia, Directeur de l’hôpital régional de Bangassous dans une interview accordée à Corbeaunew.Centrafrique le 2 avril dernier depuis Bangassou. Au-delà de cette confirmation, Dr Jean Paul a dressé le tableau de la situation sanitaire, non seulement au sein de l’hôpital régional, mais aussi il a relevé les défis majeurs de la santé dans tout le Mbomou.
Corbeaunews.Centrafrique (CNC) : Dr Jean Paul, Bonjour ! Pouvons-nous dire que l’hôpital régional de Bangassou se porte bien à ce jour ?
Dr Jean Paul Fongbia (JPF) : A mon arrivée, j’ai trouvé un hôpital déjà fonctionnel, puisque appuyé par nos partenaires de MSF-Espagne (Médecins sans frontières). L’hôpital fonctionne bien. Seulement, quelques soucis exprimés concernent le manque criant du personnel qualifiés. Et ce problème, à mon avis tient seulement du d’intégration, puisqu’il y a beaucoup de personnel de santé qualifié qui sont là et n’attendent qu’à être intégrés. Vous ne pouvez pas imaginer que pour cet hôpital qui est une grande structure, il n’y a qu’un seul médecin.
CNC : Vous vous plaignez pour le manque de personnel de santé qualifié, alors que vous avez affirmé que l’hôpital fonctionne bien…
JPF : Je dois vous signifier que pour le moment, l’hôpital est appuyé par Médecins sans frontières qui a signé des contrats à beaucoup de personnels de santé qui travaillent ici. C’est pourquoi, le personnel de l’hôpital régional de Bangassou se compte à quelques 116 aujourd’hui, parmi lesquels, les généralistes, le personnel d’appui et autres. Il y a seulement deux médecins, un du public en ma personne et un autre du MFS. Tout le reste, c’est du personnel non qualifié dont une sage-femme du public et trois autres qui sont des contractuelles de COGES (Comité de gestion de l’hôpital) et MSF. Quant aux Infirmiers diplômés d’Etat, nous en avons seulement deux qui sont des contractuels de MSF.
CNC : En termes de prévalence de maladies, quelles est la situation dans votre hôpital ?
JPF : A Bangassou, parmi nos services, la Pédiatrie bat le record en termes d’admission de malades présentant des pathologies telles que le gastro-entérique, le paludisme qui sont en tête ; suivi de la médecine dominée par des cas de tuberculose qu’on reçoit régulièrement. Je peux, par exemple vous indiquer qu’au mois de février 2015, nous avons enregistré 162 accouchements, c’est-à-dire relativement en hausse.
Je voudrais préciser que la montée du paludisme au niveau de la pédiatrie s’explique tout d’abord par le fait que nous soyons dans la
zone endémique. Ensuite, lorsque nous sommes dans la zone endémique, il faut que les conditions d’hygiène soient réunies, alors que force est de constater que les enfants ne sont pas protégés, ils sont exposés aux piqures de moustiques. Un petit tour dans la ville de Bangassou, par exemple, vous permet de relever que la ville est vraiment envahie par des hautes herbes, les espaces urbains sont devenus les lieux d’entreposage de déchets de toute sorte, ce qui constitue inévitablement un facteur important de contamination au paludisme.
Quant à la pneumonie marquée par la tuberculose, nous pouvons dire simplement qu’elle serait liée à la saison sèche qui vient de s’achever où les gens ont été exposés à la poussière et autres pollutions de l’air.
CNC : La situation à la périphérie de Bangassou parait tout autre ?
JPF : Je voudrais attirer l’attention de nos autorités sur l’épidémie de rougeole qui s’est déclarée dans localité de Nzacko. Les habitants de cette localité sont frappés de plein fouet par cette épidémie. Quelques rares qui ont les moyens ont pu être transférés sur Bangassou ici, afin de recevoir des soins appropriés. Heureusement, les partenaires et le District sanitaire du Mbomou sont à pied d’œuvre pour apporter une solution à ce problème. Eventuellement, il sera question de mettre en place un programme de vaccination en direction de ces personnes.
C’est l’occasion pour moi de saluer la contribution de MSF qui a déjà envoyé une équipe médicale sur place à Nzacko pour prendre en charge des cas déclarés et suspects. Donc, il est urgent que le gouvernement, à travers le District du Mbomou puisse agir vite en faveur de la population de Nzacko aujourd’hui attaquée par cette terrible épidémie.
CNC : Quelle stratégie avez-vous mise en place en vue de pallier les défis relevés ?
JPF : Je puis vous dire qu’à commencer par nous qui sommes sur le terrain, nous nous battons toujours, nous ne croisons pas les bras. On se multiplie pour pallier le manque criant de personnel qualifié. Nous poursuivons également les plaidoyers auprès de l’administration centrale, parce qu’il y a beaucoup de cadres formés qui ne sont pas intégrés. Donc, nous demandons que la Région numéro 6 ne soit pas oubliée et que l’administration centrale puisse envoyer très rapidement de personnels qualifiés pour nous soutenir.
CNC : Avez-vous un message particulier ?
JPF : Mon dernier mot va d’abord à l’endroit de la population de Bangassou de mettre de la salubrité dans leurs concessions envahies pour la plupart par des hautes herbes. Une salubrité primaire à la maison permet de garantir un minimum de santé.
Aux autorités de notre pays, il y a une nécessité de recrutement du personnel qualifié et les envoyer sur le terrain. Je sais qu’il y a beaucoup de gens non intégrés qui sont partis dans les systèmes des organisations internationales. Parce ces partenaires qui nous aident aujourd’hui interviennent dans un contexte bien particulier et dans un temps limité. C’est même pour cela que nous sommes en train dediscuter avec MSF pour nous installer des systèmes d’énergie renouvelable, notamment les panneaux solaires qui pourront nous servir après leur départ.
Aussi, nous plaidons pour qu’une fois la sécurité revenue, que le gouvernement pense à nous rapprocher des banques, afin de nous permettre d’entrer facilement en possession de nos salaires, si paie il y a.
CNC : Docteur Jean Paul Fongbia, je vous remercie.
Bangui, Fred KROCK Pour CNC