Le conflit centrafricain, les conditions sécuritaires et les difficultés financières entravent la possibilité pour les musulmans d’effectuer le "Hadj" en octobre prochain
Pour les musulmans centrafricains, accomplir le grand pèlerinage à la Mecque, dit le «Hadj», qui se déroulera cette année en octobre prochain, relève d’un combat presque perdu d’avance. Les conditions sécuritaires sur fond de clivage intercommunautaire, auxquelles s’ajoutent les difficultés financières prolongées des musulmans encore coincés différentes enclaves du pays (à Bangui, Boda (Nord-est), Yaloké (Nord-Ouest) et dans le Nord), empêchent en effet l’observance d’un des piliers de l’Islam.
L’Imam Omar Kobine Layama, dresse d’ailleurs un sombre tableau de la situation. «Cette année en particulier, avec tout ce que nous avons vécu (la communauté musulmane a été victime des nombreuses exactions perpétrées par les milices chrétiennes anti-Balaka), il est difficile d’organiser le pèlerinage comme à l’habitude», s’attriste le religieux. «Vous savez que la plupart de nos pèlerins viennent de l’intérieur du pays, et avec les nombreux check-point sur les routes, nous ne pouvons pas exposer la vie des fidèles. Peut-être que cela pourrait se faire avec le concours des forces étrangères qui sont ici, mais il faudrait tout une procédure. Sans compter les difficultés financières pour les musulmans qui ont souvent vécu en enclave et qui ont perdu tous leur biens», relève-t-il.
Conséquence direct du conflit interconfessionnel, cette année, le bureau des démarcheurs a péniblement enregistré quatorze candidats au départ à la Mecque, a déploré pour sa part le président sortant du Comité national du pèlerinage à la Mecque (CNPM), Mahamat Deleris. «Le quota accordé par la Mecque à la Centrafrique est de 692 pèlerins. Et en temps normal, les demandes excèdent le quota. En 2012, nous avons d’ailleurs reçu près d’un millier de demandes», a-t-il indiqué à Anadolu. «Quant à la question du coût, l’ensemble des frais est passé de 1 690 000 F.Cfa (3380 usd) à 1 875 000 F.Cfa (3750 usd) en raison probablement de la hausse du prix du carburant », a encore estimé Deleris.
Au demeurant, le désir des musulmans de se rendre à la Mecque a toujours été manifeste, à en croire les statistiques du CNPM. Cependant, l’hostilité de l’environnement global de la RCA n’est pas de nature à encourager les candidats à s’inscrire sur la liste du départ, confirme l’Imam Abdel Aziz Magbadakara, Secrétaire général de la communauté islamique de Centrafrique (CICA). «Les intentions ne manquent pas, car vous savez, c’est un devoir sacré pour tout musulman de se rendre à la Mecque au moins une fois dans sa vie. Malheureusement, les conditions sécuritaires ne sont pas favorables», a noté l’Imam.
Tout en déplorant cet obstacle à la pleine expression de la foi musulmane, le président de la CICA, Imam Kobine Layama, a néanmoins proposé une alternative. « J’ai jugé prudent de ne pas autoriser le convoyage des pèlerins en groupe comme on l’a toujours fait, mais plutôt de procéder comme on l’a fait pour le petit pèlerinage au cours du mois de Ramadan, à l’évacuation individuelle des pèlerins. Par conséquent, nous attendons les premiers qui vont se manifester pour délivrer les ordres de missions qui leur permettront de se rendre au Cameroun voisin, en vue de se faire un visa » auprès de l’ambassade saoudienne, a-t-il indiqué à Anadolu.
L’imam Kobine a, par ailleurs lancé un appel « aux généreux » de venir au secours des musulmans centrafricains dans ce domaine. « Je lance un appel aux personnes et aux Nations de bonne foi, sensibles au sort que traversent les musulmans de Centrafrique de nous aider, exceptionnellement en cette période de crise, en couvrant les frais ou en affrétant un avion pour nos pèlerins. Des rumeurs circulent au sein de la communauté musulmane et font état d’une future aide qui sera apporté par la Turquie. Si cela devrait s’avérer, ce serait une bonne œuvre de solidarité à la Gloire de Dieu », espère le président. En somme, tout dépendra de l’écho que l’appel du président de la CICA aura auprès des bienfaiteurs.
Par Sylvestre Krock-AA