Loin de tout fantasme, le cas Amine Michel nous interpelle à une réflexion assez profonde sur la question de « double nationalité » de nos prétendants politiques. En perspective, il serait mieux de nous dépouiller de toutes sortes de passions stériles et de regarder lucidement un peu chez nos voisins. Qu’est-ce qui se passe dans d’autres pays africains?
Beaucoup de pays africains ont des lois qui interdisent l’accès à la haute fonction publique à ceux qui ont la double nationalité ou aux citoyens naturalisés, sous prétexte que la loyauté de personnes si haut placées ne saurait être partagée.
Au Ghana, il existe une liste de postes à responsabilité que les détenteurs d’une double nationalité ne sont pas autorisés à occuper.
Au Sénégal et dans plusieurs autres pays, les doubles nationaux ne peuvent pas accéder à la présidence de la République.
En Côte d’Ivoire, la constitution interdit à ceux qui ont détenu une autre nationalité d’être président de la République, président ou vice-président du Parlement.
Le Mozambique interdit aux citoyens naturalisés d’être députés, membres du gouvernement, de travailler dans le service diplomatique ou dans l’armée.
Si Michel Amine était ressortissant de ces pays ci-dessus-cités, il ne prétendrait nullement être candidat à quoi que ce soit. Mais puisque c’est la RCA avec son goût d’exotisme pathologique, appelé « diaspora », tout ce qui vient de l’extérieur est le meilleur à prendre sans tri, ni distinction. Pour preuve, certains ministres déjà nommés dans ce pays n’ont jamais été connus, on n’a jamais entendu parler d’eux, ni jamais su ce qu’ils étaient ou faisaient avant d’être nommés. De fois, ce sont des gens qui n’ont même plus d’attaches en Centrafrique.
Dans ce cas, comment peut-on seulement fantasmer sur un seul cas sans réfléchir sur le vrai fond du problème ? A mon avis, il est temps de réfléchir sur les critères de nationalité de nos hommes politiques afin de limiter les dégâts. Sinon, nous en paierons toujours les factures en lieu et place des dirigeants « ni vus ni connus« .
De toutes les façons, derrière la « double nationalité » des hommes politiques se trament souvent des pactes machiavéliques, « contre-nature » avec les pays d’adoption au détriment du peuple centrafricain. C’est l’un des vecteurs de nos lots de malheurs. Par ailleurs, il ne faut pas se leurrer, si Amine n’avait pas bravé les « crocodiles » du « lac politique » centrafricain avec sa richesse insolente, il ne serait jamais inquiété pour possession de « faux-passeports ». Combien de fois a-t-il fait des va-et-vient entre Bangui et Paris?
Certaines sources proches à Michel Amine évoquent d’ailleurs d’autres raisons qui seraient à l’origine de son arrestation. « Michel Amine vient de dissoudre son bureau politique, en humiliant publiquement les membres de son bureau. Aussi, lors de la conférence de presse du jeudi passé, Michel Amine avait ouvertement accusé la présidente de transition de ne pas avoir la volonté de désarmer les groupes armés qui créent l’insécurité dans le pays car, ça lui profiterait. Il n’avait pas manqué de s’en prendre à la Minusca qui se seraient laissée plier à la volonté de Catherine Samba-Panza », a expliqué la source. Dans une telle situation confuse, à qui faut-il accorder un brin de crédibilité?
Pour moi, toutes les hypothèses émises par les différentes parties concernées sont très ambigües et ne m’autorisent pas à me livrer à n’importe quelle euphorie accusatrice afin d’en faire un procès sans issue. Je me dois d’être lucide dans ce cafouillage politique et réfléchir sur ce qui semble essentiel. Ne faut-il pas aussi se rappeler que certaines personnalités centrafricaines se sont vues refuser le visa d’entrée aux États-Unis pour des raisons dont on ignore les contours? Ne faut-il pas se souvenir de certains hommes politiques de ce pays qui se sont vus retirer leur passeport à l’aéroport Bangui M’Poko pour des chefs d’accusation ridicules ?
Pourtant, dans le monde des affaires, les cas de possession de « faux-passeport » sont récurrents et les auteurs franchissent — au vu et au su de tout le monde– nos frontières poreuses avec la complicité des hommes politiques et de la fameuse police frontalière moyennant quelques enveloppes « bossues ».
Pourquoi se livrer naïvement à cette « politique d’autruche », feignant de croire que c’est l’unique cas en RCA ? Comme si on était né de la Sainte vierge ?
Concernant la falsification des documents, personne ne peut se soustraire à cette triste réalité centrafricaine: la plupart de nos commis d’état, voire même certains compatriotes de la diaspora, sont champions en matière de faux documents dont les sources sont toujours opaques: actes de naissance, diplômes, des actes de naissance des enfants fictifs, etc. Beaucoup, aujourd’hui, continuent à peser lourdement sur le budget de l’État. Pour rappel, souvenons-nous d’une opération de toilettage de la fonction publique entreprise à l’époque. Cette opération a laissé des plumes et n’a pas fait bonne presse auprès des victimes. En effet, « Qui n’a pas péché, jette la première pierre ».
À mon humble avis, le problème n’est pas de jeter de grosses pierres dans le jardin de Michel Amine parce qu’il est présumé détenir de « faux-passeport ». Non, je n’entre pas dans ce jeu naïf. Pour moi, Il faut aller au-delà de ce « faux débat » et repenser les critères de nationalité de ceux qui veulent prétendre nous diriger dans ce pays. En fait, les questions qui taraudent ma conscience sont celles-ci: nos hommes politiques ont-ils droit d’avoir une double nationalité ou pas? Comment définir les critères de nationalité de ceux qui veulent accéder à la magistrature suprême ? Quel doit être le profil de celui qui veut prendre la destinée du peuple centrafricain ?
Dans le seul souci de protéger le peuple contre des « aventuriers », j’interpelle le CNT à prendre sa responsabilité pour inscrire ce débat à l’ordre du jour.
Passi Keruma