La Cour pénale internationale (CPI) a annoncé mercredi avoir ouvert une enquête sur une liste "interminable" d'atrocités commises par des milices armées en Centrafrique, pays plongé dans le chaos et les violences inter-communautaires depuis plus d'un an et demi.
Meurtres, viols, déplacements forcés, persécutions, pillages, utilisation d'enfants soldats: "la liste des atrocités commises est interminable", a déclaré la procureure de la Cour, Fatou Bensouda, dans un communiqué.
Procédant à une "analyse indépendante et approfondie", "mon bureau a rassemblé et analysé scrupuleusement les informations pertinentes émanant de diverses sources fiables", a-elle expliqué.
"Je ne peux pas ignorer ces crimes présumés", et "je suis parvenue à la conclusion qu'il était justifié de procéder à une enquête", dit-elle, précisant que cette décision fait suite à un examen préliminaire ouvert en février par la CPI.
Mme Bensouda a rappelé avoir averti "dès le début" du conflit centrafricain que les attaques contre les civils ne "seraient pas tolérées".
Bangui avait de son côté saisi la CPI en mai 2014, arguant que le système judiciaire centrafricain n'était pas en mesure de mener seul enquêtes et poursuites.
La situation en Centrafrique s'était détériorée après le renversement du président François Bozizé en mars 2013 par la Séléka, une coalition de plusieurs factions rebelles qui s'étaient réunies en août 2012 et avaient pris les armes en décembre. Ils avaient finalement été chassés du pouvoir en janvier 2014.
La rébellion Séléka, essentiellement des musulmans originaires du nord de la Centrafrique, du Tchad et du Soudan, avait multiplié pendant des mois les exactions contre la population, visant particulièrement les chrétiens, majoritaires en Centrafrique.
L'enquête de Fatou Bensouda vise l'ex-rébellion mais aussi les milices chrétiennes anti-Balaka, qui s'étaient formées en réaction aux exactions de la Séléka, et qui avaient à leur tour mené des exactions de masse contre les populations civiles musulmanes, poussant à leur exode de Bangui.
Si ces violences inter-communautaires ont largement diminué, toutes les bandes armées n'ont pas été démantelées alors que se déploie une nouvelle mission de l'ONU dans le pays, l'un des plus pauvres au monde.
Les miliciens ex-Séléka sont aujourd'hui soit repliés dans leurs bastions musulmans du nord du pays, soit cantonnés dans des bases militaires de la capitale, tandis que les anti-Balaka qui se sont fondus dans la population civile.
- 'Rendre justice aux victimes' -
Début mai, une première mission de la CPI était venue à Bangui dans le cadre de son enquête préliminaire.
Fatou Bensouda estime que la Séléka a commis des crimes de guerre à partir de décembre 2012 et des crimes contre l'humanité à partir de février 2013.
Les anti-Balaka auraient quant à eux commis des crimes de guerre à partir de juin 2013 et des crimes contre l'humanité à partir de septembre 2013.
"Cette enquête sur les atrocités en République centrafricaine est "cruciale pour rendre justice aux victimes et signaler clairement à tous les auteurs (de crimes graves) qu'ils peuvent être poursuivis", a réagi Richard Dicker, directeur du programme sur la justice internationale à l'organisation Human Rights Watch.
Mme Bensouda a par ailleurs affirmé disposer d'un "certain nombre d'informations" sur des crimes qui auraient été commis par des membres des Forces armées centrafricaines, les FACA, entre janvier et mars 2013.
"Ces éléments sont insuffisants à ce stade pour déterminer si de tels crimes constituent des crimes de guerre", a-t-elle indiqué.
Entrée en fonction à La Haye en 2003, la CPI est le premier tribunal pénal international permanent chargé de juger les responsables présumés de génocide, crimes contre l'humanité et crimes de guerre.
La CPI avait déjà ouvert une enquête en 2007 pour des crimes commis en Centrafrique.
Dans le cadre de cette première enquête, l'ancien vice-président congolais Jean-Pierre Bemba est jugé pour des crimes commis en 2002 et 2003 par sa milice, venue soutenir les troupes de l'ex-président centrafricain Ange-Félix Patassé face à la rébellion de François Bozizé.
Cette nouvelle enquête constitue "une nouvelle situation, distincte" de la première affaire, a souligné Mme Bensouda.