Interview de Gaston Mandata Nguerekata Sources: La Fraternité de Centrafrique
La Fraternité (LF) : Monsieur le professeur, on connaît votre position sur le Forum de Bangui (ce n’est pas encore le moment). Et pourtant, une date vient d’être rendue officielle. Mais au-delà, le Comité Préparatoire vient d’être supplanté par un Comité technique et personne ne comprend plus rien. Pour vous, à quoi doit-on s’attendre et comment devra réagir la classe politique centrafricaine ? Allez-vous y prendre part ?
Gaston Mandata N’GUEREKATA (GMN) : Je me suis en effet prononcé récemment sur cette question. Je trouve les remarques du CNT pertinentes. C’est une manœuvre qui vise à instrumentaliser le Forum National. Et c’est dommage. Cela présage d’une issue incertaine de ce rendez-vous tant voulu par la Communauté Internationale. Je rappelle qu’en matière de réconciliation nationale, la seule démarche qui tienne la route est celle qui consiste à travailler de bas vers le haut, du local vers le national, avec patience et persistance. Or, on veut réunir à la va-vite à Bangui quelques 500 délégués désignés par une instance à la solde de la Présidence de Transition sans se préoccuper des réalités locales spécifiques à chaque région, chaque ville et chaque quartier. Oui, je crains que ce Forum soit une énième réunion du genre sans impact réel sur la crise nationale.
LF : Beaucoup de leaders politiques pensent que si les élections ne sont pas tenues à la date fixée, toutes les institutions de transition, par manque de volonté politique, devraient faire leurs valises. Or, pour vous l’important, c’est d’aller très vite aux élections. Mais comment appréciez-vous les dernières déclarations de l’ambassadeur de France qui disait : « Nous allons organiser les élections dans le délai prévu » ?
GMN : L’Ambassadeur Malinas a tenu des propos justes et courageux. Des propos qui reflètent le sentiment profond du Peuple Centrafricain et de la Communauté Internationale. Nous ne pouvons pas vivre éternellement de l’aide internationale avec des dirigeants corrompus, incompétents et irresponsables. Il nous faut des leaders élus par le Peuple, des leaders intègres et sages, qui vont se consacrer activement à la refondation de notre beau pays, riche par sa diversité culturelle, son sol et son sous-sol. Avec la transition, nous sommes absents de la scène internationale et le Gouvernement ne peut parler d’égal à égal avec les dirigeants des autres pays, encore moins négocier de contrats à long terme pour le développement du Centrafrique. Je trouve cela inadmissible. Il faut retourner à la légalité constitutionnelle au plus vite.
LF : Êtes-vous d’accord avec ceux qui pensent que si le processus électoral traine encore les pas, c’est parce que l’A.N.E ne fait pas franc jeu, c’est-à-dire, que ses responsables ne font que demander de l’argent sans pour autant définir un chronogramme clair ou bien un programme d’actions en fonction des financements reçus ?
GMN : Il y a ici comme avec le reste des institutions de la transition, un grave déficit de communication. Je souhaite que l’ANE nous informe régulièrement de ses activités, mettant en avant les progrès enregistrés et les difficultés rencontrées. On prétend par exemple que les membres de l’ANE s’adonnent à des missions de complaisance à l’étranger. Où est la vérité ?
LF : Monsieur le professeur, on a l’impression que de moins en moins, la Médiation Internationale et même la Communauté Internationale s’intéresse à la crise centrafricaine. Avez-vous le même sentiment et qu’est-ce qui le justifierait ?
GMN : La Médiation Internationale s’est investie dans crise nationale avec beaucoup de tact et de diplomatie, écoutant tous les protagonistes, invitant les uns et les autres à se parler, à se réconcilier, à œuvrer pour le retour de la paix. La Communauté Internationale (France, USA et Union Européenne en particulier) n’a jamais cessé de nous apporter une aide multiforme et soutenue. Mais le Président Sassou-Nguesso et la Communauté Internationale ne peuvent se substituer aux Centrafricains. Nous devons les aider à nous aider. Il s’agit d’abord, de nos problèmes à nous. Maintenant, au regard des maigres résultats obtenus par les autorités de la transition et l’ensemble de la classe politique nationale, il est à craindre qu’un sentiment de lassitude se développe chez nos frères d’Afrique Centrale, nos amis et partenaires internationaux.
LF : Au sujet des candidatures aux prochaines élections, pour certains ce sont les dispositions du Code Électoral et de la Charte Constitutionnelle qui doivent primer, pour d’autres ce sont plutôt celles de l’avant projet de constitution qui s’appliqueraient. Et d’autres encore estiment que c’est le Forum de Bangui qui le décidera. Pour vous, que répondez-vous aux Centrafricains ?
GMN : A mon avis, on est dans la transition et ce sont donc les instruments politiques et juridiques de la transition qui devraient être utilisés lors de ces élections. La marche vers les élections est déjà largement entamée. Ce n’est donc pas maintenant qu’il faut changer les règles du jeu. Je crois par ailleurs que tous ces efforts pour élaborer une nouvelle constitution soient du temps perdu, pour insidieusement prolonger la transition, dans la mesure où le Chef de l’Etat élu pourrait, et c’est son droit, soumettre à l’approbation du Peuple un autre projet de constitution.
LF : Plusieurs arrestations ont eu lieu ces derniers temps à Bangui notamment le cas Andjilo, Ousmane Mahamat Ousmane, et bien sur celui de l’homme politique Amine Michel détenteur de plusieurs passeports. N’êtes-vous pas tenté de commenter toutes ces arrestations ?
GMN : La place des criminels est en prison. Je m’étonne simplement que ces arrestations n’aient pas eu lieu plus tôt et que de nombreux autres malfrats soient encore dans la nature, et certains dans les arcanes mêmes du pouvoir. Quant à Michel Amine, on dit qu’il aurait usé de faux documents de voyage. Alors, que la justice dise le droit. S’agissant de manière générale des élections à venir, au risque de me répéter, le pays a besoin de leaders intègres et sages et non de clowns, affairistes et autres aventuriers qui ont plongé notre pays dans l’état où il se trouve.
LF : Selon ce que nous avons appris sur la toile, vous n’êtes pas encore arrivé au sommet de l’Etat mais vous aviez multiplié ces derniers temps, des contacts avec les Institutions Financières internationales notamment la Banque Mondiale et même avec certains hommes d’affaires de grande renommée. Confirmez-vous ces informations et quand rentrerez-vous à Bangui ?
GMN : Il faut mettre fin au training on the job. Les Centrafricains à l’évidence veulent de véritables Hommes d’Etat, préparés pour leurs fonctions. L’attente est grande. Mes compatriotes exigeront de moi, des résultats concrets et rapides. Pendant mon absence de Bangui, j’apprends beaucoup, je prends des contacts avec les potentiels bailleurs et partenaires au développement, notamment les Institutions de Bretton Woods, je remplis mon carnet d’adresses, pour être prêt à exécuter mon Programme Présidentiel d’Urgence (PPU) qui couvre les six premiers mois de mon mandat. J’écoute beaucoup les Centrafricains et j’analyse avec sérieux chaque moindre critique. Enfin, je vous annonce que je suis déjà en route pour prendre part au Forum National de Bangui et surtout retrouver la chaleur du life style centrafricain.
... suite de l'article sur Centrafrique Libre