En mars, le président angolais avait octroyé un don de 10 millions de dollars à son homologue centrafricaine afin de renflouer son pays en faillite.
Un quart de cette somme n'est pas entré dans les caisses de l’État. Simple oubli?
Quand on préside – ne serait-ce que par intérim- aux destinées d'un pays pauvre, sinistré, instable et entièrement dépendant de l'aide financière et militaire étrangère, on se doit d'être irréprochable côté gouvernance. Cette leçon, Catherine Samba Panza devrait la méditer alors que la Centrafrique vient de passer sous quasi-tutelle onusienne et que le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale s'apprêtent à examiner son cas, début octobre, à Washington. Au cœur des préoccupations des grands argentiers de la planète, qui devront décider s’ils accordent ou non un ballon d'oxygène aux finances exsangues du gouvernement centrafricain: la gestion, pour le moins opaque, d'une importante somme d'argent remise en main propre à la présidente Samba-Panza par son homologue angolais.
L'affaire date d'il y a sept mois. Le 4 mars 2014, Catherine Samba-Panza (CSP) se rend en urgence ç Luanda. À Bangui, les caisses du Trésor sont vides et la chef de l’État, étranglée, doit absolument assurer le salaire des fonctionnaires, conformément à ses engagements. Son hôte, le président José Edouardo dos Santos, est riche, et il ne lui déplaît pas de prendre la relève du Congolais Denis Sassou Nguesso, qui, jusqu'ici, comblait seul tel Sisyphe, les déficits sans fond de la Centrafrique. Il se montre donc compréhensif et, après avoir longuement reçu CSP, s'engage sur un don de 10 millions de dollars (7,8 millions d'euros), dont la moitié lui est remise sur-le-champ, en liquide, dans des valisettes. Pourquoi en liquide ? Parce que l'Angola n'est pas membre de la zone franc, qu'un virement via Paris prendrait trop de temps et que Mme Samba Panza est très pressée.
De retour à Bangui le lendemain, la présidente remet elle-même les 5 millions cash à trois personnes de confiance, avec pour consigne -aucune banque commerciale de Bangui ne disposant des liquidités nécessaires- d'aller les changer contre des CFA à Douala, au Cameroun.
Le 6 mars, Mahamat Kamoun, Conseiller spécial à la présidence (et actuel Premier ministre), Christelle Sappot, fille et chef de cabinet de CSP, et Robert Bokoyo, directeur adjoint du trésor se rendent dans la capitale économique du Cameroun et procèdent à l'opération de change auprès d'Ecobank. Le 8 mars, un peu plus de 2 milliards de FCFA (Ecobank empochant au passage une belle commission de 6%) sont transférés sur le compte du Trésor centrafricain auprès de la Banque des États de l'Afrique Centrale(BEAC). Jusqu'ici, tout va bien -si ce n'est que le ministre centrafricain des Finances, Rémi Yakoro, est curieusement tenu à l'écart de toute la transaction. Une bonne partie des fonctionnaires recevront, ce mois-là, leur salaire.
Quelques semaines plus tard – fin mars, début avril-,la deuxième tranche du don angolais, soit 5 millions de dollars cash, parvient à la présidence de Bangui via un émissaire. Et c'est là que le bât blesse. Le 28 avril, à la demande de Mahamat Kamoun, le directeur général du Trésor, Gabriel Madenga, se fait remettre par Christelle Sappot, la fille de CSP, la somme de 2,5 milions de dollars qu'il transfère aussitôt sur le compte centrafricain à la Beac, via Ecobank, dont l'agence banguissoise dispose, cette fois, des liquidités ,nécessaires en francs CFA