L’autorité de l’Etat dans la préfecture du Mbomou, à ce jour se limite à la seule présence du préfet de la localité, Hervé Omer Feyomona. Ce dernier, en plus de ses fonctions du préfet, assure les nombreux intérims de ses sous-préfets et est le seul visage de l’Etat perceptible. Une multitude de responsabilités devenue de plus en plus insupportable, étant donné que la préfecture se trouve sur le chemin de reconstruction marqué par de nombreux chantiers tant humanitaires que de développement. Débordé, Feyomona, dans cette interview exclusive accordée à la Corbeaunews, appelle les autorités locales, fonctionnaires et agents de l’Etat encore à Bangui, à retourner rapidement au bercail, car la préfecture les attend.
Corbeaunews.Centrafrique (CNC) : M. le préfet, peut-on dire qu’après la brutale crise sécuritaire qui a secoué toute la RCA dont votre juridiction, la préfecture du Mbomou se porte-t-il bien à ce jour ?
Hervé Omer Feyomona (HOF) : Au regard de toutes les données statistiques en notre possession, de différentes sources tant sur le plan sanitaire, éducatif, socio-économique, nous pouvons dire que, pour l’instant, la préfecture du Mbomou se porte bien.
CNC : Personne n’ignore que la crise sécuritaire actuelle que traverse la République centrafricaine a affecté tout le pays, et ce au quatre coins, mêmes les plus reculés du pays. Comment mesurez-vous la capacité de résilience des populations du Mbomou, face à cette attaque ?
HOF : A l’instar de toutes les préfectures de la RCA, la préfecture du Mbomou a traversé cette crise qui a frappé la population, à travers toutes les couches sociales, de plein fouet. Et cela a fait que tous le tissu social, économique, à tous les niveaux est en lambeau et il y a une perturbation énorme au plan général, notamment en ce qui concerne l’agriculture, l’élevage, la pêche. Cette crise a fait que la population est meurtrie et fatiguée. Heureusement, c’est une population courageuse et toujours debout qui a rapidement pris conscience de ce danger et essaie de s’organiser avec l’appui des partenaires humanitaires, des religieux en particulier l’évêque Mgr Aguiré, de l’Imam et la plateforme religieuse, des autorités politico-administratives très engagées et disponibles. Tous ont accordé le violon pour sortir notre préfecture de cette crise.
C’est pour vous dire que la population du Mbomou a ressenti durement l’impact de cette crise à tous les niveaux. Vous conviendrez avec moi que je fais partie des cadre de l’État qui sont restés pendant et après les événements, donc je puis vous rassurer que la population a trop souffert des atrocités de cette crise, elle en a subie dans sa chair, brisant ainsi l’élan que notre pays avait pris en accédant à un niveau de développement appréciable. La RCA a dégringolé du sommet de l’arbre pour tomber un fin fond du puits. Heureusement une fois de plus, le gouvernement n’a pas baissé les bras, il est en train de faire un effort dans ce sens.
CNC : Le tableau est bien sombre, comme vous l’avez relevé ici. Toutefois, vous saluez le courage de la population du Mbomou déterminée à relever les défis. Comment appréciez-vous les efforts de relèvement au niveau local sur le plan économique, social et en ce qui concerne la restauration de l’autorité de l’État ?
HOF : Pour ce qui est de la restauration de l’autorité de l’État, il y a un effort qui est en train d’être fait par le gouvernement, d’ailleurs notre présence ici, sur place avec les fonctionnaires et agents de l’État sur le terrain couplé avec le fonctionnement des services déconcentrés de l’État, je pense que ce sont des indices très favorables pour la restauration de l’autorité de l’État. Le plaidoyer, c’est que la communauté internationale continue d’appuyer le gouvernement, afin que les cadres de l’État qui sont encore à Bangui, les magistrats, les Gendarmes et Policiers, les cadres des régies financières qui sont à Bangui qui accompagnent le pays dans le cadre de recouvrement des recettes de l’État puissent regagner notre préfecture pour que tous les services de l’État puissent être opérationnels.
Sur le plan social et économique, je pense que la jeunesse du Mbomou qui est au centre des activités socioéconomiques constitue l’essentiel des opérateurs économiques du Mbomou, toujours en activités à travers les marchés hebdomadaires et les échanges continuels avec les opérateurs économiques du Congo, ainsi que ceux de la sous-région. Je pense que la jeunesse est cette forte capacité de relever les défis. Seulement, ce qui leur pose énormément de problèmes, ce sont les barrières illégales installées tout au long des routes, que ce soit sur la route qui va de Bangassou à Bangui surtout à part de Gambo, Djimbi, Pombolo, jusqu’à Alindao avec les multiples tracasseries, que ce soit sur la route de Bema, qui bloquent et freinent le bon développement et le décollage économique que la jeunesse du Mbomou veulent atteindre.
Je dirais tout simplement, quant à l’aspect social, merci et grand merci aux partenaires humanitaires qui interviennent aujourd’hui sur plusieurs fronts, à savoir la cohésion sociale, la sécurité alimentaire, la santé et le développement communautaire. Ces interventions ont fait qu’on peut dire que la situation est favorable aujourd’hui, en ce sens qu’il y a beaucoup d’outils de travail, des semences, et les intrants qui sont distribués par les partenaires humanitaires et l’engament de la population fortement impliquée avec l’appui des cadres de l’État que sont là. Je crois même que dans un proche avenir, c’est le Mbomou qui va exporter des produits agricoles dans les autres préfectures et même dans la sous-région.
CNC : La crise sécuritaire actuelle en RCA avait pris une connotation religieuse, opposant chrétiens et musulmans. Vous-mêmes vous l’avez évoqué tout à l’heure. Quelle
HOF : Oui, il y avait quelques intentions isolées ; mais qui n’ont pas fait long feu. Ici, dans le Mbomou, on ne peut pas parler d’un conflit ou d’une crise confessionnelle, car il y a une cohésion sociale, là où il y a les musulmans il y a les chrétiens. A Raffaï ou à Nzacko où il y a les communautés peulhs qui, par tradition, vendent du beurre continuent leurs activités. Et ce partout dans la préfecture, il y a une cohésion sociale grâce à l’appui de tous les partenaires sociaux, notamment la société civile et les religieux. Chez nous, je suis très impressionné par l’esprit de citoyenneté qui prévaut, même au sein des opérateurs économiques et cadres de l’Etat qui, au-delà de leur origine se réclament des centrafricains.
CNC : Dans les efforts de relèvement dont vous parlez tout à l’heure, quels sont les défis majeurs qui pourraient, à votre avis, enfreindre le décollage effectif du Mbomou ?
HOF : Je crois que parler de défis renvoie à un certain nombre de valeurs, à savoir le courage, la confiance en ses qualités car le relèvement véritable de notre pays revient aux centrafricains. Mais cela doit passer par le travail, l’union et l’honnêteté qui doit caractériser tout un chacun de nous à pouvoir déplacer le niveau moins zéro où la RCA se trouve à un moment donné pour la hisser au niveau plus un pourquoi pas au niveau plus dix. Cela doit passer par également par la restauration de l’autorité de l’Etat pour que les chefs de quartiers et des groupements, les maires, les sous-préfets et les préfets puissent exercer pleinement son rôle et réaliser les activités qui relèvent de leurs attributions au nom de la République, afin que la paix et la justice puisse régner sur toute l’étendue du territoire.
Deuxièmement, il est nécessaire que la RCA puisse retourner à l’ordre constitutionnel à travers les prochaines élections qui s’annoncent dans notre pays. Plus particulièrement au niveau du Mbomou, le désarmement de tous les groupes armés non conventionnels paraît comme un impératif aujourd’hui, parce qu’il n’y a jamais deux état-major militaire dans un pays, à part celui qui est placé sous l’autorité du Chef suprême des armées. Il n’est donc admissible que n’importe qui, puisse entrer en possession d’une armer, déambuler avec dans la ville en bafouant l’autorité de l’État.
Pire encore, ces groupes armés sont divisés comme nos leaders politiques, et leur gestion devient difficile comme en est le cas actuellement à Béma où une colonne des Séléka vient de pénétrer depuis Bambari pour créer des troubles au sein de la population.
Troisièmement, un gros effort reste à faire pour le retour des personnes déplacées et les réfugiés. Etant moi-même réfugié, à un moment donné au Congo, je sais qu’il est pénible de vivre cette situation. Il faut que tous ces centrafricains puissent regagner le bercail et travailler sincèrement pour le développement de leur pays.
CNC : Votre message de fin…
HOF : Je commencerais par tirer mon chapeau à la vaillante population du Mbomou, malgré ce qu’elle a connu avec cette crise, elle s’est très vite relevée aujourd’hui à travers des initiatives locales, arrive à mettre en place des organes qui lui ont permis de se reconstituer et à revivre la paix plus meilleure même que notre capitale Bangui. J’exhorte donc
mes administrés à poursuivre et à faire plus d’effort dans cet élan, en étant courageux et en travaillant dans l’unité et l’honnêteté comme il est dit dans notre hymne nationale.
J’implore l’esprit des ancêtres du Mbomou d’écarter de nous les forces du mal, comme ils l’ont toujours fait pour garder la quiétude de la population du Mbomou, malgré ce qui est arrivé.
Je remercie le gouvernement qui n’a cessé de prêter un regard soutenu à notre égard. Je suis reconnaissant pour tous les efforts qui sont faits dans ce sens.
Je n’oublie pas la communauté internationale, car les partenaires humanitaires et la Minusca, ainsi que tous ceux qui, de près ou de loin, ont accompagné la population du Mbomou dans cette situation.
Si j’ai quelque chose à regretter, c’est l’attitude de certains de nos hommes politiques qui, depuis Bangui ne cessent de manipuler la paisible population du Mbomou à la désobéissance civile et à des tensions sociales. J’exhorte ces gens à cesser leurs pratiques arriérées et revenir sur le bon chemin, notamment d’amener beaucoup de projets de développement du Mbomou.