Fonction de cabinet ou fonction ministérielle ? éclairage constitutionnel sur la transformation du cabinet présidentiel en « gouvernement parallèle » en Centrafrique prolégomènes
Sous réserve de vouloir perpétuer les erreurs du passé, ou de se complaire, avec une dose de masochisme, dans une sorte de damnation éternelle comme dans le mythe de Sisyphe, lequel est condamné à pousser, de recommencer encore et toujours à pousser son rocher aux enfers, l’heureuse volonté aujourd’hui clairement exprimée et affichée ça et là tant par les politiques, citoyens centrafricains que par la communauté internationale de reconstruire le Centrafrique ne saurait s’affranchir de l’obligation de répondre clairement et précisément à un ensemble de questions et sous-questions. Les principales sont de savoir pourquoi et comment le Centrafrique a été détruit, pourquoi et comment l’État Centrafricain est tombé en faillite, à l’inverse des autres États d’Afrique Francophone et des pays limitrophes ayant eu leurs indépendances au même moment que nous, ou même après nous, et qui sont non seulement debout, mais aussi avancent, quand bien même à pas de tortue, vers un relèvement du niveau de vie de leurs populations.
Actuellement et une fois de plus, le Centrafrique vit une transition politique instaurée par les Accords de Libreville du 11 janvier 2013, régénérée suite au coup d’état du 24 mars 2013, et renforcée par la Charte Constitutionnelle du 18 juillet 2013. Sous ce régime politique d’exception, régime anormal, le consensus est clamé ça et là, recherché, revendiqué, et souvent rappelé avec force comme la règle d’or devant s’imposer dans la gestion de la transition. En clair, tout le monde réclame une gestion consensuelle de la transition.
Cependant, sans remettre en cause le caractère contextuellement justifié du principe du consensus par temps de transition, il y a lieu de pousser la réflexion jusqu’à faire observer utilement que dans notre pays, la République Centrafricaine, nous donnons souvent l’impression, à la lumière de la pratique institutionnelle et politique, de considérer le consensus comme quelque chose qui ne serait que circonstanciel, occasionnel, exceptionnel, transitionnel, c’est-à-dire quelque chose dont la naissance et l’existence seraient strictement consubstantielles à un évènement conflictuel. A rebours de cela, le consensus, en ce qu’il est intra-institutionnel c’est-à-dire fondement éminent et élément consistant de toute institution, doit être plutôt quelque chose de permanent et perpétuel, l’institutionnel s’inscrivant toujours dans la durée sous réserve qu’il soit respecté dans ses règles tant d’organisation que de fonctionnement.
Justement, le fait que la République Centrafricaine soit en période de transition politique depuis le 11 janvier 2013 est tout autant le résultat et la traduction matérielle d’une longue tradition du non respect de l’institutionnel comme le révèle l’étude de l’évolution du Centrafrique sur toute la période post disparition le 29 mars 1959 de Barthélémy Boganda, Président Fondateur et Père de la Nation Centrafricaine. Dans une très large mesure, originellement et fonctionnellement, l’État c’est le consensus ; pour que naisse et fonctionne l’État, il faut un large accord, lequel ne s’obtient qu’après dépassement des volontés particulières. Or, si l’on adhère à la thèse selon laquelle l’État se résume au consensus, rien ne fait désormais plus obstacle à ce qu’on puisse en conclure que le non respect souvent constaté et répété des règles constitutionnelles et des institutions étatiques centrafricaines n’est rien d’autre qu’un rejet matériel du consensus. Véritable paradoxe, nous passons notre temps à rejeter le consensus en ne respectant pas nos institutions, mais à le vouloir par temps de crise. A quand l’inverse ? En nous sommeille la solution.
Si l’absence d’État en République Centrafricaine en 2015 est unanimement constatée à l’échelle tant nationale qu’internationale, il reste que les opinions divergent quant aux explications à en donner.
D’un côté, certains considèrent que l’effondrement de l’État Centrafricain serait exclusivement lié à la réalisation du coup d’État du 24 mars 2013 de Michel Djotodia, chef de l’ex-coalition rebelle Séléka. Cette explication parait loin d’être satisfaisante, et ne peut être entendue et reçue que dans une infime mesure, parce que l’élément factuel et/ou fait politique et historique déterminant dans ce point de vue n’est
FONCTION DE CABINET OU FONCTION MINISTERIELLE ? ECLAIRAGE CONSTITUTIONNEL SUR LA TRANSFORMATION DU CABINET PRESIDENTIEL EN « GOUVERNEMENT PARALLELE » EN CENTRAFRIQUE
PROLEGOMENES
Sous réserve de vouloir perpétuer les erreurs du passé, ou de se complaire, avec une dose de masochisme, dans une sorte de damnation éternelle comme dans le mythe de Sisyphe, lequel est condamné à pousser, de recommencer encore et toujours à pousser son rocher aux enfers, l’heureuse volonté aujourd’hui clairement exprimée et affichée ça et là tant par les politiques, citoyens centrafricains que par la communauté internationale de reconstruire le Centrafrique ne saurait s’affranchir de l’obligation de répondre clairement et précisément à un ensemble de questions et sous-questions. Les principales sont de savoir pourquoi et comment le Centrafrique a été détruit, pourquoi et comment l’Etat Centrafricain est tombé en faillite, à l’inverse des autres États d’Afrique Francophone et des pays limitrophes ayant eu leurs indépendances au même moment que nous, ou même après nous, et qui sont non seulement debout, mais aussi avancent, quand bien même à pas de tortue, vers un relèvement du niveau de vie de leurs populations.
Actuellement et une fois de plus, le Centrafrique vit une transition politique instaurée par les Accords de Libreville du 11 janvier 2013, régénérée suite au coup d’État du 24 mars 2013, et renforcée par la Charte Constitutionnelle du 18 juillet 2013. Sous ce régime politique d’exception, régime anormal, le consensus est clamé ça et là, recherché, revendiqué, et souvent rappelé avec force comme la règle d’or devant s’imposer dans la gestion de la transition. En clair, tout le monde réclame une gestion consensuelle de la transition.
Cependant, sans remettre en cause le caractère contextuellement justifié du principe du consensus par temps de transition, il y a lieu de pousser la réflexion jusqu’à faire observer utilement que dans notre pays, la République Centrafricaine, nous donnons souvent l’impression, à la lumière de la pratique institutionnelle et politique, de considérer le consensus comme quelque chose qui ne serait que circonstanciel, occasionnel, exceptionnel, transitionnel, c’est-à-dire quelque chose dont la naissance et l’existence seraient strictement consubstantielles à un évènement conflictuel. A rebours de cela, le consensus, en ce qu’il est intra-institutionnel c’est-à-dire fondement éminent et élément consistant de toute institution, doit être plutôt quelque chose de permanent et perpétuel, l’institutionnel s’inscrivant toujours dans la durée sous réserve qu’il soit respecté dans ses règles tant d’organisation que de fonctionnement. Justement, le fait que la République Centrafricaine soit en-période de transition politique depuis le 11 janvier 2013 est tout autant le résultat et la traduction matérielle d’une longue tradition du non respect de l’institutionnel comme le révèle l’étude de l’évolution du Centrafrique sur toute la période post disparition le 29 mars 1959 de Barthélémy Boganda, Président Fondateur et Père de la Nation Centrafricaine. Dans une très large mesure, originellement et fonctionnellement, l’État c’est le consensus ; pour que naisse et fonctionne l’État, il faut un large accord, lequel ne s’obtient qu’après dépassement des volontés particulières. Or, si l’on adhère à la thèse selon laquelle l’Etat se résume au consensus, rien ne fait désormais plus obstacle à ce qu’on puisse en conclure que le non respect souvent constaté et répété des règles constitutionnelles et des institutions étatiques centrafricaines n’est rien d’autre qu’un rejet matériel du consensus. Véritable paradoxe, nous passons notre temps à rejeter le consensus en ne respectant pas nos institutions, mais à le vouloir par temps de crise. A quand l’inverse ? En nous sommeille la solution.
Si l’absence d’État en République Centrafricaine en 2015 est unanimement constatée à l’échelle tant nationale qu’internationale, il reste que les opinions divergent quant aux explications à en donner.
D’un côté, certains considèrent que l’effondrement de l’État Centrafricain serait exclusivement lié à la réalisation du coup d’État du 24 mars 2013 de Michel Djotodia, chef de l’ex-coalition rebelle Séléka. Cette explication parait loin d’être satisfaisante, et ne peut être entendue et reçue que dans une infime mesure, parce que l’élément factuel et/ou fait politique et historique déterminant dans ce point de vue n’est ni nouveau en soi, ni singulier à la République Centrafricaine ; dans beaucoup d’États d’Afrique Francophone où ce fait politique s’est produit, il n’a pas à lui tout seul provoqué l’effondrement complet de ces États.
D’un autre côté, d’autres, sans doute partisans de la doctrine de l’holisme ontologique, estiment plutôt que la faillite de l’État Centrafricain serait le résultat de la longue mésaventure constitutionnelle, institutionnelle et politique dont le point de départ se situe au 29 mars 1959, date de la disparition tragique de Barthélémy Boganda, Président Fondateur, Père de la Nation Centrafricaine.
Des deux explications susmentionnées, la seconde est, dans une très large mesure, la plus satisfaisante. Tandis que la première thèse exclut beaucoup d’éléments pris en compte par la seconde thèse, cette dernière, en plus d’englober le seul élément déterminant de la première réponse (coup d’État du 24 mars 2013), va jusqu’à le combiner à plusieurs autres éléments d’ordre constitutionnel, institutionnel, social, politique, militaire, économique, et historique ; différents éléments qui considérés, combinés les uns aux autres et analysés sur la longue période allant de l’indépendance à nos jours, nous suggèrent de façon insistante de conclure à une mésaventure.
Par mésaventure constitutionnelle, institutionnelle et politique, j’entends ici l’évolution chaotique de la République Centrafricaine sur les trois plans visés. L’une des facettes de ce parcours si souvent tourmenté et anarchique est à n’en pas douter le gouffre permanent entre les institutions Centrafricaines telles que définies par les instruments juridiques et les
institutions Centrafricaines telles qu’elles fonctionnent en réalité. Ce qui est ici en cause, c’est une pratique institutionnelle et politique déviante depuis l’indépendance, pratique susceptible de déboucher sur la déformation institutionnelle ou perversion institutionnelle . Cette pratique institutionnelle et politique incorrecte présente plusieurs facettes.
Une des grosses erreurs d’ordre institutionnel qu’il faut absolument corriger en République Centrafricaine, c’est la pratique récurrente et inconstitutionnelle de la transformation de facto du Cabinet Présidentiel en ce qu’on peut désigner sous le vocable de « gouvernement parallèle à la présidence ».
I. LA DENATURATION DU CABINET PRESIDENTIEL
De façon générale, la déformation institutionnelle que j’ai conceptualisée dans ma Thèse de Doctorat signifie que toute institution n’est pas à l’abri d’une malformation, d’une dénaturation, d’une transformation ou perversion. On a une illustration magistrale de cette théorie en Centrafrique avec la dénaturation du Cabinet Présidentiel. In concreto, la dénaturation consiste à transformer de facto le Cabinet La déformation institutionnelle, notion conçue et systématisée par nous dans notre Thèse de Doctorat de Droit Public : voir ERENON Dominique Désiré, Le pouvoir exécutif en République Centrafricaine depuis l’indépendance, Thèse de Doctorat en Droit Public, Université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne, soutenue publiquement le 26 janvier 2015, 711 p.
Présidentiel, institution indissociable du Président de la République, en un « gouvernement parallèle »
(B). Avant l’étude des conditions d’existence du gouvernement parallèle, il importe de faire une mise au point théorique (A).
A. BREF ESSAI DE CONCEPTUALISATION DE LA NOTION DE GOUVERNEMENT PARALLELLE
Le « gouvernement parallèle » renvoie d’abord au concept de « gouvernement » qui, pour les constitutionnalistes, se définit comme le « second élément du pouvoir exécutif…, le collège dirigé par le premier ministre et formé par les ministres, à l’exclusion du Chef de l’État » . Ceci précisé, l’on peut étudier plus sereinement la notion de « gouvernement parallèle ». Pour ce faire, une démarche binaire paraît nécessaire. Dans un premier temps, les réflexions consisteront en une brève systématisation de la notion évoquée. Dans un second temps, et c’est là l’intérêt certain, cette notion fera l’objet d’une analyse constitutionnelle approfondie. GICQUEL Jean et GICQUEL Jean-Eric, Droit Constitutionnel et institutions politiques, 25ème éd., Paris, Montchrestien, 2011, p. 609. Quand bien même employée ça et là, avec une connotation tantôt positive mais abusive , tantôt négative , l’expression « gouvernement parallèle » n’a pas encore de définition précise établie et admise par la doctrine. En droit, ce qui est parallèle renvoie à ce qui est négatif.
L’expression « gouvernement parallèle » renvoie principalement à une réalité. Très couramment, l’expression « gouvernement parallèle » s’emploie pour évoquer une situation institutionnelle dans laquelle, à côté d’un gouvernement constitué et fonctionnant conformément aux règles constitutionnelles d’un État, on assiste, dans ce même État, à l’existence d’un second « gouvernement » plutôt établi dans une logique de contestation ou de rejet du premier gouvernement. Outre l’exemple Libyen Selon AZZAOUI Ibtissame, le Gouvernement Parallèle des Jeunes au Maroc « a pour mission de participer à l’évaluation et au suivi des politiques publiques et d’être force de proposition vis à vis des différentes parties prenantes et instances concernées », http://www.lemag.ma/Gouvernement-Parallele-des-Jeunes-au-Maroc-en-7-questions_a79566.html, 11 janvier 2014.
DALE SCOTT Peter, Le gouvernement parallèle secret ou l’État profond derrière la démocratie étasunienne : http://fr.sott.net/article/20809-Le-gouvernement-parallele-secret-ou-l-Etat-profond-derriere-la-democratie-etasunienne ; http://www.agenceecofin.com/politique/0209-22505-libye-un-pro-islamiste-presente-un-gouvernement-parallele-a-l-assemblee-sortante : ici, le pro-islamiste libyen Omar al-Hassi (photo) a présenté, le 2 septembre 2014, la liste d’un gouvernement de 19 ministres, parallèle à celui reconnu par la communauté internationale à l’Assemblée sortante, le Conseil général national (CGN). antérieurement cité , il existe plusieurs exemples de gouvernement parallèle.
Comme premier exemple, on a observé le gouvernement parallèle en Côte d’Ivoire à la suite du second tour du scrutin présidentiel du 28 novembre 2010, lequel a débouché sur une impasse politique. En effet, le 2 décembre 2010, la commission indépendante électorale a annoncé la victoire d’Alassane Ouattara (54 % des voix) contre Laurent Gbagbo (47 %). Par la suite, ces résultats proclamés par la commission électorale indépendante ont été infirmés le 03 décembre par Paul Yao N’dré, Président du Conseil Constitutionnel, faisant ainsi du Président sortant Laurent Gbagbo le vainqueur dudit scrutin, avec 51 % des voix. Laurent Gbagbo forme le gouvernement. De son côté, Alassane Ouattara forme un gouvernement. Dans cette conjoncture, on est en présence d’un « gouvernement parallèle » .
Comme second exemple, un gouvernement parallèle fut constitué sous la Présidence de Mobutu Sese Seko en République Démocratique du Congo. Etienne Tshisekedi Wa Mulumba qui avait été désigné Premier Ministre par la Conférence Nationale Souveraine (CNS) en 1992 est finalement révoqué en 1993 par le Président Mobutu qui nomme Faustin Birindwa à la tête de son gouvernement. Contestant son limogeage, Etienne http://www.agenceecofin.com/politique/0209-22505-libye-un-pro-islamiste-presente-un-gouvernement-parallele-a-l-assemblee-sortante
http://www.universalis.fr/encyclopedie/alassane-ouattara/3-l-accession-au-pouvoir/, http://news.abidjan.net/h/382529.html
Tshisekedi Wa Mulumba compose son propre gouvernement qu’il considère comme seul légitime .
Mais, on peut aussi voir dans l’expression « gouvernement parallèle » la situation institutionnelle caractérisée par la nomination, à côté du gouvernement officiel, de plusieurs ministres dans le Cabinet Présidentiel. C’est cette seconde hypothèse qui fera ici l’objet d’une analyse constitutionnelle approfondie. Comme on le verra, la nomination des ministres à la Présidence qui était à l’origine insignifiante, s’amplifie au fil des années au point de dénaturer aujourd’hui le Cabinet Présidentiel, créant ainsi une confusion institutionnelle au sommet de l’Etat. Les membres du Cabinet Présidentiel et du Cabinet du Premier Ministre sont perçus plus comme des ministres que comme des membres d’un Cabinet, or c’est inconstitutionnel.
B. NAISSANCE ET RECURRENCE DE LA PRATIQUE DU « GOUVERNEMENT PARALLELE A LA PRESIDENCE » EN CENTRAFRIQUE DUGRAND
Camille, « Combattants de la parole : parlementaires-debout et mobilisation partisane à Kinshasa », in (dir.) BANEGAS Richard, BRISSET-FOUCAUL Florence et CUTOLO Armando, « Espaces publics de la parole et pratiques de la citoyenneté en Afrique », in Politique Africaine, Karthala, N° 127, octobre 2012, p. 57. Après la disparition du Président Fondateur Barthélémy Boganda le 29 mars 1959, tous les Présidents de la République, au lieu de se limiter constitutionnellement à la constitution d’un Cabinet Présidentiel classique, se sont depuis octroyé le pouvoir de nommer plutôt un Ministre Directeur de Cabinet, un Ministre Secrétaire Général, des Ministres Conseillers et des Secrétaires d’État à la Présidence de la République. Du point de vue matériel, cette réalité institutionnelle représente une des caractéristiques de la dilatation, somme toute inconstitutionnelle, du pouvoir présidentiel de nomination aux fonctions gouvernementales.
La pratique du « gouvernement parallèle à la Présidence » nait en République Centrafricaine par un Décret du Président David Dacko qui, le 11 janvier 1964, nomme Marcel Douzima, Ministre d’Etat à la Présidence de la République chargé de la Justice , avant de l’étendre à d’autres personnalités. Depuis, cette pratique est désormais bien établie dans le système institutionnel centrafricain. On l’observe sous tous les régimes. L’Empereur Jean-Bedel Bokassa s’était lui aussi régulièrement adonné cette pratique ; l’Empereur avait par exemple nommé, le 15 février 1979, Joachim Da Silva Ministre délégué à la Présidence chargé du Décret N°64/011 du 11 janvier 1964 portant nomination des membres du gouvernement, in JOURNAL OFFICIEL DE LA REPUBLIQUE CENTRAFRICAINE, 1er février 1964, p. 129.Développement Rural et des Eaux et Forêts . Le Président André Kolingba s’entourait au palais présidentiel des ministres nommés par lui. Le Président Ange Félix Patassé ne s’était point distingué puisqu’il avait nommé, entre autres, Michel Gbézéra-Bria, Ministre d’État chargé des affaires présidentielles.
Le Président François Bozizé nommait de façon récurrente des ministres à la présidence, à l’image de Côme Zoumara, Ministre Conseiller et Porte Parole de la Présidence de la République. Le 19 avril 2011 étaient nommés plusieurs « ministres délégués à la présidence », c’est-à-dire rattachés et placés directement sous l’autorité du Président de la République : Ministre délégué à la Présidence de la République, chargé de la Défense nationale, des Anciens Combattants, des Victimes de Guerre et de la restructuration de l’Armée: Colonel Jean Francis Bozizé, Ministre délégué à la Présidence de la république, chargé des Mines : Obed Namsio , Ministre Délégué à la Présidence de la République, chargé des Pôles de Développement : David Banzoukou, Ministre Délégué à la Présidence de la République, chargé de l’Aviation Civile et du Transport Aérien : Théodore Jousso, Ministre délégué à la Présidence de la république, chargé du Désarmement, de la Démobilisation, de la Réinsertion des Ex- Décret N°73/222 du 15 mai 1973 signé du Président Jean-Bedel Bokassa, in
JOURNAL OFFICIEL DE LA REPUBLIQUE CENTRAFRICAINE du 15 février 1973, p. 889.
http://www.izf.net/pages/gouvernement-centrafrique
combattant et de la jeunesse Pionnière Nationale : Général de Brigade Sylvestre Yangongo.
Cependant et incontestablement, c’est sous le régime de la transition politique instituée par les Accords de Libreville du 11 janvier 2013 et confortée par la Charte Constitutionnelle du 18 janvier 2013 que la pratique du « gouvernement parallèle à la présidence » a nettement pris de l’ampleur, ce qui ne contribue point à sortir l’État centrafricain de son malheur déjà majeur.
Dans un premier temps, le Président Michel Djotodia, arrivé au pouvoir le 24 mars 2013, nomme le 27 mai plusieurs ministres à la Présidence : Mahamat Kamoun, Ministre d’Etat Directeur de Cabinet, Dieudonné Salamatou, Ministre Conseiller Diplomatique et aux organisations Internationales, Josué Binoua, Ministre Conseiller chargé des affaires religieuses et des minorités ethniques , Jean Jacques Démafouth, nommé Ministre conseiller à la présidence de la République chargé des programmes du Désarmement, Démobilisation et réinsertion (DDR), de la Réforme du Secteur de Sécurité (RSS), et de relation avec la Mission Internationale de Soutien à la Centrafrique(MISCA), par Décret n°13.298 du 22 août 2013 .
Dans un second temps, Catherine Samba-Panza qui succède à Michel Djotodia ne rompt pas avec la pratique du « gouvernement parallèle à la présidence ». Dans le Cabinet Présidentiel qu’elle constitue par le Décret N° 14/016 du 03 février 2014, la Cheffe de l’État de Transition, nomme deux Ministres d’État, et neuf Ministres Conseillers :
Ministre d’Etat, Conseiller Spécial : Kamoun Mahamat ;
Ministre d’Etat, Directeur de Cabinet : Joseph Mabingui ;
Ministre Conseiller Diplomatique : Léonie Bangha-Bothy, née Mbazoa ;
Ministre Conseiller en matière de sécurité, chargé des relations avec la Misca et Sangaris : Jean-Jacques Démafouth ;
Ministre Conseiller en matière d’administration du territoire : Léon Diberet ;
Ministre Conseiller en matière de Développement rural : Mathieu Ngoubou ;
http://centrafrique-presse.over-blog.com/centrafrique-un-ancien-ministre-de-boziz%C3%A9-nomm%C3%A9-conseiller-%C3%A0-la-pr%C3%A9sidence
Mission Internationale de Soutien à la Centrafrique (MISCA), par Décret n°13.298 du 22 août 2013 .
Dans un second temps, Catherine Samba-Panza qui succède à Michel Djotodia ne rompt pas avec la pratique du « gouvernement parallèle à la présidence ». Dans le Cabinet Présidentiel qu’elle constitue par le Décret N° 14/016 du 03 février 2014, la Cheffe de l’Etat de Transition, nomme deux Ministres d’Etat, et neuf Ministres Conseillers :
Ministre d’Etat, Conseiller Spécial : Kamoun Mahamat ;
Ministre d’Etat, Directeur de Cabinet : Joseph Mabingui ;
Ministre Conseiller Diplomatique : Léonie Bangha-Bothy, née Mbazoa ;
Ministre Conseiller en matière de sécurité, chargé des relations avec la Misca et Sangaris : Jean-Jacques Démafouth ;
Ministre Conseiller en matière d’administration du territoire : Léon Diberet ;
Ministre Conseiller en matière de Développement rural : Mathieu Ngoubou ;
Ministre Conseiller en matière de l’Environnement, de l’Ecologie et du Développement durable : Paul Doko ; http://www.acap-cf.info/Le-President-Michel-Djotodia-Am-Nondroko-nomme-Jean-Jacques-Demafouth-ministre-conseiller-a-la-presidence-de-la_a5525.html
Voir http://afriquenewsinfo.net/2014/02/06/centrafrique-des-anciens-du-gouvernement-djotodia-au-cabinet-presidentiel/
Ministre Conseiller en matière des Organisations socioculturelles Internationales : Bruno Yapandé ;
Ministre Conseiller chargée du Genre, du développement social et de l’action humanitaire : Lucille Mazangué Blay-Euréka ;
Ministre Conseiller en matière de Jeunesse et Sports : Abdoulaye Hissène ;
Ministre Conseiller en matière des Travaux Publics et du Transport : Ousman Mahamat.
Le 26 juillet 2014, Catherine Samba-Panza remanie son Cabinet, lequel comprend un Ministre d’Etat Directeur de Cabinet et neuf Ministres Conseillers :
Ministre d’État, Directeur de Cabinet : Professeur Joseph Mabingui
Ministre, Secrétaire Général : Jean Ndemokouma
Ministre, Conseiller en matière de Sécurité, chargé des relations avec MINUSCA, SANGARIS, et EUFOR : Jean-Jacques Démafouth
Ministre, Conseiller en matière de Défense, chargé du suivi du DDR et de la RSS : Général de Brigade Théophile Tchimangoa
Ministre, Conseiller Diplomatique : Léonie Banga-Bothy née Mbazoua Décret N°14.292 du 26 juillet 2014 portant nomination ou confirmation des personnalités à la Présidence de la République : http://www.corbeaunews.ca/centrafrique-decret-portant-nomination-confirmation-personnalites-presidence-republique/
Ministre, Conseiller en matière en matière d’Administration du Territoire, chargé du Suivi du Processus Electoral : Léon Diberet
Ministre, Conseiller, chargé des Affaires Institutionnelles et des Organisations Internationales : Bruno Yapandé
Ministre, Conseiller aux Affaires Sociales, à l’Action Humanitaire et aux ONG : Lucile Mazangue Blay-Euréka
Ministre, Conseiller chargé du Suivi de la mise en œuvre de la Feuille de Route et du Programme d’Urgence : Bendert Bokia
Ministre, Conseiller en Communication, chargé du Suivi de la Réconciliation Nationale, Porte Parole de la Présidence : Antoinette Montaigne, née Moussa
Ministre, Conseiller Politique, chargé du Dialogue Politique et Social : Anicet Guiyama-Massogo.
II. ANALYSE DE LA PRATIQUE DU « GOUVERNEMENT PARALLELLE A LA PRESIDENCE »
La pratique du « gouvernement parallèle à la présidence » doit être étudiée à l’aune des dispositions constitutionnelles (A), cette approche normative n’excluant pas le recours à la méthode politiste. In fine, on comprendra que le Président de la République a beau nommer des Ministres à la Présidence, mais des points de vue constitutionnel et fonctionnel, ces personnalités ne sont absolument rien d’autre que des membres du Cabinet Présidentiel, des collaborateurs personnels du Président de la République, des personnalités naissant et disparaissant avec le Président de la République, dépourvues de pouvoir de décision et n’ayant que des missions d’assistance et de conseil auprès du Chef de l’État
(B).
A/ UNE PRATIQUE ABSOLUMENT INCONSTITUTIONNELLE
Sur le plan juridique, est absolument inconstitutionnelle la pratique consistant à nommer des membres du cabinet présidentiel tout en leur attribuant une fonction supplémentaire, la fonction ministérielle. L’inconstitutionnalité de cette pratique tient à plusieurs raisons.
En premier lieu, et depuis la naissance de cette pratique, le Chef de l’Etat qui nomme des Ministres à la Présidence par ailleurs dotés d’une fonction de cabinet, a toujours agi en s’affranchissant du pouvoir de proposition constitutionnellement reconnu au Premier Ministre. Si, d’un point de vue constitutionnel, le Président de la République est le seul compétent pour nommer les ministres, la quasi-totalité des textes constitutionnels Centrafricains depuis l’indépendance assortissent cette prérogative présidentielle d’une condition, le pouvoir de proposition du Premier Ministre. Sous le régime de la première Loi Fondamentale Centrafricaine, la Constitution du 16 février 1959 notamment l’article 12 , le Président de la République disposait, l’exécutif de l’époque étant Article 12 de la Constitution du 16 février 1959 : « Le président du gouvernement assume la totalité du pouvoir exécutif. Il nomme le ministre d’État et les autres membres du gouvernement et met fin à leurs fonctions », http://mjp.univ-perp.fr/constit/cf1959.htm#3 monocéphale, d’une liberté absolue dans le choix des ministres. Cette situation institutionnelle change quelques années plus tard.
La constitution du 26 novembre 1964, en son article 15 al. 2 , met un terme à l’imperium présidentiel en matière de nomination des ministres. Cependant, l’institution primo-ministérielle n’existant pas encore, c’est au Comité Directeur du MESAN, parti unique, que la disposition constitutionnelle précitée (article 15 al. 2) attribue une compétence consultative conditionnant la prérogative présidentielle du choix des membres du gouvernement. Cette pratique institutionnelle s’estompe avec l’abolition de la Constitution du 26 novembre 1964, remplacée par l’Acte Constitutionnel N° 2 du 8 janvier 1966, lequel texte restaure la liberté absolue du Chef de l’État dans la formation du gouvernement, comme sous le régime de la Constitution du 16 février 1959 susmentionnée. Lorsque le Président Jean Bedel Bokassa nomme les membres du gouvernement le 1er janvier 1975, il le fait donc en totale liberté , surtout que, c’est le même Article 15 al. 2 de la Constitution du 26 novembre 1964 « Sur avis du Comité Directeur du MESAN, il (le Président de la République) nomme les ministres et les secrétaires d’Etat qui sont responsables devant lui et met fin à leurs fonctions », DECHEIX Pierre, « La nouvelle Constitution de la République Centrafricaine », in RJPIC, janvier-mars 1965, N°1, p. 151, voir également JOURNAL OFFICIEL DE LA REPUBLIQUE CENTRAFRICAINE, 1er janvier 1965, p. 25.
Article 2 de l’Acte Constitutionnel N° 2 du 8 janvier 1966 « Le Président de la République nomme les ministres et les secrétaires d’État.. », in JOURNAL Décret présidentiel qui institutionnalise incidemment la fonction de Premier Ministre en République Centrafricaine.
Le pouvoir de proposition du Premier Ministre apparait plus nettement avec la Constitution impériale du 4 décembre 1976 en son article 39 : « L’Empereur, sur proposition du Premier Ministre, nomme les autres membres du Gouvernement, détermine leurs attributions et met fin à leurs fonctions » . Cette disposition constitutionnelle est vite mise en œuvre, dans le cadre de la formation du premier gouvernement du Premier Ministre Ange Félix Patassé nommé le 07 décembre 1976, gouvernement dont la composition est rendue publique le 14 décembre. Depuis, et hormis l’Acte Constitutionnel N° 2 du 15 mars 2003 pris par le Président François Bozizé, tous les différents textes constitutionnels ont systématiquement intégré dans leurs dispositions le pouvoir de proposition du Premier Ministre dans la procédure de la formation gouvernementale . A ce point de l’analyse, on doit s’interroger sur la nature et la valeur juridiques du pouvoir de proposition du Premier Ministre.
En première analyse, dès lors qu’il est affirmé par la Constitution, le pouvoir de proposition du Premier Ministre conditionne la validité juridique du Décret de nomination des ministres. Si le Président de la République dispose constitutionnellement et exclusivement du droit de nomination des ministres, il ne fait point de doute en revanche que les différents énoncés constitutionnels précités conditionnent la validité de ce pouvoir OFFICIEL DE LA REPUBLIQUE CENTRAFRICAINE, 15 janvier 1966, p. 20.
JOURNAL OFFICIEL DE L’EMPIRE CENTRAFRICAIN, Décembre 1976, p. 670.
http://www.icrc.org/ihl-nat.nsf/0/e735f1bfe60b33e2c125707b0035df87/$FILE/Constitutional%20Act%202%20-%20Centrafrique%20-%20FR.pdf
Article 3 al. 2 de l’Acte Constitutionnel N° 2 du 21 septembre 1979 portant organisation provisoire des pouvoirs publics en République Centrafricaine, in BRETON Jean-Marie, « L’Acte Constitutionnel du 21 septembre 1979 portant organisation provisoire des pouvoirs publics en République A ce point de l’analyse, on doit s’interroger sur la nature et la valeur juridiques du pouvoir de proposition du Premier Ministre.
En première analyse, dès lors qu’il est affirmé par la Constitution, le pouvoir de proposition du Premier Ministre conditionne la validité juridique du Décret de nomination des ministres. Si le Président de la République dispose constitutionnellement et exclusivement du droit de nomination des ministres, il ne fait point de doute en revanche que les différents énoncés constitutionnels précités conditionnent la validité de ce pouvoir présidentiel par l’effectivité préalable de la compétence Centrafricaine », op. cit. p. 562 ; article 15 al. 4 de la Constitution du 5 février 1981, in JOURNAL OFFICIEL DE LA REPUBLIQUE CENTRAFRICAINE, Janvier 1981, p. 13, voir également BRETON Jean-Marie, « La Constitution du 5 février 1981 et la tentative de rénovation des institutions politiques en République Centrafricaine », in RJPIC, N°4, 1981, p. 875 ; Article 7 de la Constitution du 28 novembre 1986, in JOURNAL OFFICIEL DE LA
REPUBLIQUE CENTRAFRICAINE, N° spécial, juillet 1992, p. 4 ; Article 21 al. 5 de la Constitution du 14 janvier 1995, BOIS DE GAUDUSSON Jean (du), CONAC Gérard et DESOUCHES Christine, Les constitutions africaines publiées en langue Française, op. cit., p. 192 ; Article 22 al. 5 de la Constitution du 27 décembre 2004, http://mjp.univ-perp.fr/constit/cf2004.htm#3 ; Acte Constitutionnel N° 2 du 26 mars 2013 portant organisation provisoire des pouvoirs de l’Êta
http://binuca.unmissions.org/LinkClick.aspx?fileticket=IcmuT-rqEiE%3D&tabid=2876&mid=8848&language=en-US t, ; Article 29 de la Charte Constitutionnelle de Transition du 18 juillet 2013, http://centrafrique-presse.over-blog.com/texte-intégral-de-la-charte-de-la-transition constitutionnelle par ailleurs attribuée au premier ministre, celle de proposer des noms en vue de leur nomination au sein du gouvernement. Sur le plan constitutionnel, pour que le gouvernement soit constitué, il faut ainsi que le Premier Ministre ait exercé sa compétence constitutionnelle. Dans cette logique constitutionnelle, si le Président de la République s’affranchit de cette obligation constitutionnelle à l’apparence trompeuse d’une simple formalité, la nomination des ministres se révélera inconstitutionnelle. La mise en œuvre préalable de du pouvoir de proposition du Premier Ministre est de jure une condition nécessaire pour que la constitution gouvernementale soit, dans son ensemble, constitutionnellement valide. Il suit de là qu’un Premier Ministre peut même démissionner si son pouvoir de proposition des noms à la nomination gouvernementale a été méconnu par le Président de la République. Cependant, la pratique institutionnelle n’offre pas un cas effectif de démission volontaire d’un Premier Ministre suite à un désaccord avec le Chef de l’État. Tout au plus, l’hypothèse voisine est celle de la menace de démission qu’aurait brandie le Premier Ministre Michel Gbézéra-Bria au Président Ange Félix Patassé, si ce dernier devait lui imposer des noms pour la formation de son gouvernement.
En seconde analyse, toujours sur le plan juridique, si l’effectivité juridique de la proposition du Premier Ministre est requise pour la validité constitutionnelle de la constitution gouvernementale, il reste que les propositions faites par le Premier Ministre font l’objet de discussions entre les deux têtes de l’exécutif. En cas de rejet, le Premier Ministre peut encore faire de nouvelles propositions au Président de la République jusqu’à ce qu’ils puissent, tous les deux, accorder leurs vues.
En deuxième lieu, les ministres nommés à la présidence et dotés d’une fonction de cabinet présidentiel ne peuvent pas être considérés comme des membres du gouvernement constitutionnel c’est-à-dire celui constitutionnellement placé sous l’autorité immédiate du Premier Ministre, celui-ci étant défini par la Constitution comme le Chef du Gouvernement.
En troisième lieu, les ministres nommés dans le cabinet présidentiel ne disposent pas chacun d’un cabinet, contrairement aux ministres placés sous l’autorité immédiate du Premier Ministre. Si chacun des ministres conseillers à la Présidence devait disposer d’un cabinet, on aurait, à côté du Cabinet Présidentiel, une multitude de cabinets ministériels à la Présidence, ce qui donnerait naissance à une pétaudière institutionnelle, et ne serait pas sans conséquence sur le budget de l’État notamment les fameux fonds spéciaux ou secrets affectés à la Présidence de la République.
En quatrième lieu, contrairement aux membres du gouvernement officiel, les ministres nommés à la Présidence et dotés d’une fonction de cabinet ne peuvent prétendre au statut de chef de département ministériel. En effet, un ministre est aussi une autorité administrative, le chef de son département. A ce titre, le ministre est doté du pouvoir d’édicter des décisions exécutoires, notamment par voie d’arrêtés comme le souligne Pierre Delvolvé et Maurice Hauriou . Charles Debbasch et Frédéric Colin abondent dans ce sens : « La fonction de chef d’un département ministériel entraîne des attributions administratives au profit de son titulaire : il dispose du pouvoir de nomination à l’égard d’agents du ministère. Le ministre dirige l’action du département ministériel. Il a, sur tous ses agents, un pouvoir hiérarchique. Il est compétent pour infliger des sanctions, dans les conditions prévues par les statuts » . Les membres du cabinet présidentiel par ailleurs dotés d’un statut de ministre n’ont pas un pouvoir de décision. S’ils devaient exercer les mêmes pouvoirs que les membres du gouvernement officiel, cela engendrerait un conflit de compétences, avec un risque d’anarchie institutionnelle.
En cinquième lieu, les membres du « gouvernement parallèle à la Présidence » ne peuvent pas, d’un point de vue constitutionnel, prendre part au Conseil des Ministres. Conformément à la constitution, cet organe collégial n’admet en son sein que les seuls ministres nommés par le Président de la République mais sur proposition obligatoire du Premier Ministre, et chargés ensuite de la gestion politique et administrative d’un département, conformément à la politique générale du gouvernement. DELVOLVE Pierre, Droit administratif, 6e éd.,
Paris, Dalloz, 2014, p. 14 ; HAURIOU Maurice, Précis de Droit Administratif et de Droit Public, 12ème éd., Paris, Dalloz, 2002, p. 157.
DEBBASCH Charles et COLIN Frédéric, Droit administratif, 10e éd., Paris, Economica, 2011, p. 135.
En dernier lieu, les membres du « gouvernement parallèle à la Présidence », n’étant pas chargés de la mise en œuvre sectorielle de la politique générale du gouvernement, et à défaut d’avoir bénéficié ab initio de la légitimité politique conférée aux membres du gouvernement officiel par le parlement lors de l’adoption de la politique générale du gouvernement, ne sont pas assujettis au principe constitutionnel de la responsabilité politique du gouvernement devant le parlement.
B/ UN GOUVERNEMENT DE FAIT AUX POUVOIRS D’UN CABINET PRESIDENTIEL
En apparence et en considération de la dénomination même de la fonction, l’inclinaison irrésistible pour l’analyste est de considérer que la fonction de Ministre Directeur de Cabinet, Ministre Secrétaire Général ou Ministre Conseiller à la Présidence, serait une fonction en quelque sorte bâtarde, bâtie à partir d’un enchevêtrement de la fonction ministérielle et de la fonction de membre du Cabinet Présidentiel. Or, à la réflexion, cette apparence ne représente pas la réalité institutionnelle. Tout au contraire, l’analyse constitutionnelle commande, plutôt que d’une fonction ministérielle, de ne voir dans la fonction de Ministre Directeur de Cabinet, Ministre Secrétaire Général ou Ministre Conseiller à la Présidence que l’unique fonction de membre du Cabinet Présidentiel. Au sens constitutionnel, et comme antérieurement soutenu dans la première partie, la qualité de ministre est conférée et reconnue uniquement à toute personnalité certes nommée par le Chef de l’État, mais obligatoirement sur proposition du Premier Ministre, placée ensuite sous l’autorité du Premier Ministre constitutionnellement défini comme le Chef du Gouvernement, et enfin chargée, en ce qui la concerne, de la mise en œuvre sectorielle de la politique générale du gouvernement. Dans ces conditions, le ministre doit être regardé comme doté d’un statut constitutionnel ou exerçant une fonction éminente et noble, parce que prévue et reconnue par la constitution. En sa qualité de chef d’un département correspondant à un domaine précis de la politique nationale, donc nécessairement doté d’un pouvoir de décision, le ministre ne peut pas ne pas être considéré comme un serviteur direct de la nation. Par voie de conséquence, et à rebours de ce qui a été fort malheureusement observé sous les sept Républiques précédentes en Centrafrique, le statut du ministre ne doit nullement être réduit de facto à celui d’un simple collaborateur personnel du Chef de l’État. Assurément, c’est la logique constitutionnelle qui l’interdit.
Ainsi, tandis que le ministre est directement au service de la nation, tous les membres du Cabinet Présidentiel doivent être regardés comme des collaborateurs personnels du Président de la République en ce qu’ils n’ont pour rôle que d’assister et de conseiller le Président de la République, bref d’aider le Chef de l’État à exercer les pouvoirs à lui conférés par la constitution. Contrairement aux fonctions de Président de la République et de ministre qui sont des fonctions de lumière, toute fonction au sein du Cabinet Présidentiel ou du Cabinet Ministériel est une fonction de l’ombre. Le « gouvernement parallèle à la Présidence » suggère et impose d’opérer trompeusement une classification des membres du Cabinet Présidentiel : d’un côté, des membres ne disposant pas d’un pouvoir décisionnel, et de l’autre, une catégorie de membres qui disposeraient de ce pouvoir. Objectivement et comme on l’a souligné auparavant, la fonction de membre de cabinet étant essentiellement une fonction d’assistance et de conseil, il ne saurait exister en son sein des personnalités dotées d’un pouvoir de décision, pouvoir qui, s’il existait et était mis en œuvre, concurrencerait certainement le pouvoir de décision attaché à la qualité de chef de département inhérente à la fonction ministérielle ou de membre du gouvernement officiel placé sous l’autorité directe du Premier Ministre. C’est le pouvoir de décision des membres du gouvernement officiel qui est le seul susceptible d’être opposable erga omnes puisqu’utilisé en application de la politique générale du gouvernement. Comme précisé déjà, si un pouvoir de décision devait être juridiquement reconnu aux ministres membres du Cabinet Présidentiel, cela empiéterait sur celui reconnu par ailleurs aux membres du gouvernement constitutionnel ou officiel. Les conflits de compétence seraient récurrents et non négligeables d’autant plus que, comme on l’a vu plus haut à travers la composition du Cabinet de Catherine Samba-Panza, Cheffe de l’État de Transition , les ministres Conseillers à la Présidence peuvent non Voir http://afriquenewsinfo.net/2014/02/06/centrafrique-des-anciens-du-gouvernement-djotodia-au-cabinet-presidentiel/ ; voir également seulement être nombreux, mais aussi et prétendument être attributaires des mêmes domaines de la politique nationale que les membres du gouvernement constitutionnel ou officiel.
D’un point de vue politique, la pratique de nomination des ministres dans le Cabinet Présidentiel semble poursuivre essentiellement trois objectifs.
Premièrement, cette pratique peut s’analyser en une volonté du Chef de l’Etat de récompenser des personnalités politiques n’ayant pas été retenues au gouvernement constitutionnel dirigé par le Premier Ministre, Chef du Gouvernement. Ici, il s’agit le plus souvent des proches du Chef de l’Etat : parents, amis, collègues, compagnons de lutte politique, militants du parti du Chef de l’Etat et alliés politiques.
Deuxièmement, le « gouvernement parallèle à la Présidence » peut se traduire par la ruse politique du Chef de l’Etat espérant tenir à l’œil ses potentiels rivaux ou adversaires, et éviter de se créer de nouveaux adversaires politiques en ne recasant pas des personnalités politiques ayant été limogées du gouvernement ou évincées d’autres fonctions honorifiques (Directeurs Généraux, Ambassadeurs etc).
Enfin, le « gouvernement parallèle à la Présidence » peut exprimer le souci du Président de la République de tenir compte d’une variable déterminante particulièrement inquiétante en Centrafrique, l’ambition tout http://www.corbeaunews.ca/centrafrique-decret-portant-nomination-confirmation-personnalites-presidence-republique/
à la fois généralisée et démesurée à l’égard de la fonction gouvernementale.
CONCLUSION
Au terme de cette étude constitutionnelle, on doit admettre qu’en nommant ex nihilo un Ministre Directeur de Cabinet, un Ministre Secrétaire Général, et des Ministres Conseillers à la Présidence, le Président de la République viole gravement la constitution, et d’un point de vue de droit administratif, se rend coupable d’un abus de pouvoir puisqu’il s’arroge de facto un pouvoir que la constitution ne lui reconnaît point.
De sorte que les ministres faisant partie du Cabinet Présidentiel ne sont point des ministres au sens constitutionnel du terme. On ne peut pas non plus considérer qu’il s’agit de titres honorifiques puisque si tel était le cas, il n’y aurait pas besoin pour le Chef de l’état de prendre un Décret, acte juridique de très grande importance dans l’ordonnancement juridique. Aucune des Constitutions centrafricaines n’a attribué au Chef de l’État le pouvoir de nommer des ministres à titre honorifique. Son pouvoir de nomination n’est limité qu’aux seuls ministres ou membres du gouvernement placés sous l’autorité directe du Premier Ministre. Nommer des ministres dans le Cabinet Présidentiel, c’est violer la constitution au même titre qu’un auteur de coup d’État, la différence se situant seulement au niveau de la nature des agissements et du degré de gravité de la violation constitutionnelle.
La politique est noble en ce qu’elle s’attèle à la recherche et à la satisfaction de l’intérêt du peuple. Seulement, cette noblesse cesse d’exister dès que prime la variable déterminante du « Voir midi à sa porte », logique partisane ambiante en Centrafrique, logique souvent triomphante au détriment certain des intérêts du peuple centrafricain, le souverain. Le vrai politique se préoccupe plutôt et d’abord de l’observation scrupuleuse de la loi, or la loi de la politique, c’est principalement la constitution. On ne peut prétendre servir et représenter le peuple, être du côté du peuple, vouloir le bien du peuple alors qu’on viole les règles que le peuple a lui-même voulues et établies dans la constitution.
Je terminerai mon propos en précisant que la présente réflexion constitutionnelle plaide avec force pour que le Cabinet Présidentiel en COHENDET Marie-Anne, « Le Système des variables déterminantes », in Mélanges Jean Gicquel, constitutions et pouvoirs, Paris, Montchrestien, Lextenso éditions, 2008, pp. 119-134.
Centrafrique cesse d’être déformé, dénaturé, ou transformé en un « gouvernement parallèle à la Présidence ». Le Cabinet Présidentiel peut être constitué de tous les postes que le Président de la République estimera utiles pour l’aider à exercer ses fonctions, à la seule condition d’ordre constitutionnel qui est de ne pas y nommer des ministres. Les éminentes personnalités politiques, notamment les anciens Premiers ministres et ministres, qui veulent servir à nouveau le pays en voulant intégrer le Cabinet Présidentiel doivent s’incliner devant l’exigence constitutionnelle, mieux la volonté souveraine du peuple opposable au Chef de l’État, qui lui commande de ne point attribuer aux membres de son Cabinet la qualité de ministre.
En plus d’être un dédoublement institutionnel, une anomalie institutionnelle, la pratique du « gouvernement parallèle à la présidence » contribue à banaliser et à rabaisser la fonction de ministre en Centrafrique. Un ministre n’est pas un collaborateur personnel du Chef de l’État, à l’inverse d’un membre du Cabinet Présidentiel. Un ministre est plutôt un serviteur éminent du peuple. Fonction ministérielle et fonction de cabinet donc sont incompatibles. La seconde est au service de la première.
Cette analyse constitutionnelle, strictement objective, n’est qu’une modeste contribution citoyenne à la refondation du Centrafrique.
Paris, le 30 avril 2015
Dominique Désiré ERENON,
Docteur en Droit Public, Constitutionnaliste et Internationaliste.
Bangui, Madison Fleury KOSSI Pour CNC