Après avoir vu, lu et entendu, tout et n’importe quoi sur l’insipide forum de Bangui, dont la clôture s’est déroulée sans aucun éclat particulier ce lundi dernier, me permettriez-vous chères lectrices et amis lecteurs, de vous convier à aborder la présente chronique, en rendant une fois de plus un hommage posthume, retentissant et profond, à deux grandes figures intellectuelles et accessoirement politiques de notre pays. Puisse l’écho de ces voix inoubliables et plus fortes que jamais j’imagine, continuer de résonner inlassablement, au fond des cœurs endurcis, mais aussi et surtout à l’intérieur des oreilles les moins réceptives à leur message d’outre tombe.
Tout d’abord, qui des centrafricains avertis peut-il feindre d’ignorer cette belle répartie du roi et seigneur de la rhétorique, le plus grand bâtonnier de tous les temps, l’homme qui ne se privait « jamais de prendre position sur toutes les questions qui concernent le destin de la nation centrafricaine », l’immense Maître Zarambaud Assingambi de regretté mémoire, le patriote déterminé qui, tout en espérant foncièrement que le plus beau des miracles se produirait un jour pour « libérer la Centrafrique et les Centrafricains de la servitude et de la misère », n’a cependant pas voulu manquer une occasion d’écrire, de crier, de répéter et de considérer – en désespoir de cause -, que la RCA est le « pays de tous les paradoxes et des records négatifs » ! Et si de son repos éternel, Maître Zarambaud Assingambi avait pris connaissance de l’incroyable prime à la « mauvaise gouvernance » de la transition, octroyée en toute « bonne conscience » par la « commission bonne gouvernance » du fameux forum de Bangui, il se retournerait plusieurs fois dans sa tombe, l’esprit troublé et le cœur complètement meurtri, à l’idée de voir que les « nuls » persistent à lui donner raison, lui qui certainement ne souhaite rien tant qu’avoir tort, plus précisément en ce qui concerne sa petite phrase devenue légendaire.
En second lieu, si de l’impénétrable éternité où son âme repose en paix, le Professeur Jean Paul Ngoupandé, pouvait encore dire quelque chose de cette RCA – qu’il a tant servi et qui s’est asservie -, sans doute s’exclamerait-il exactement dans les mêmes termes que celui de son « discours sur l’état de la nation centrafricaine », à travers « Afrique : un chaos désespérant » , une réflexion parue dans Le Figaro du 11décembre 2011. Ainsi écrivait-il:
« Ma malheureuse Centrafrique, championne d’Afrique de la mauvaise réputation, elle n’a étonné personne en replongeant …Nos multiples réunions de conciliation, les accolades et les larges sourires relayés par les caméras, les rapports complaisamment optimistes des fonctionnaires et médiateurs onusiens, avaient fini par endormir nos partenaires extérieurs, d’ailleurs gagnés par la lassitude et l’indifférence depuis fort longtemps…les élites africaines – centrafricaines en particulier – ont tellement assimilé l’art de jouer à cache-cache que les réunions de conciliation sont devenues un classique du théâtre politique africain contemporain, théâtre des ombres, où la seule règle est d’être le meilleur possible dans la roublardise. En réalité, la mauvaise foi est la chose du monde la mieux partagée par nos politiciens…Je ressens de plus en plus comme une sorte de dégoût de faire de la politique et d’appartenir à ce qu’on appelle à tort la classe politique. Que peut vouloir dire la politique quand elle est réduite à l’expression brutale des instincts les plus primaires et les plus criminels ?» Fin de citation.
Et à mon tour de poser à tout le monde cette question qui me taraude l’esprit, me torture l’estomac et noue mes gros intestins :
« Que peut et que veut faire exactement Samba-Panza aujourd’hui de « sa victoire », elle qui persiste à croire que la Centrafrique est son terrain de jeu, la classe politique une pâte à modeler entre ses mains, et tous les leaders d’opinions des marionnettes à activer à coup de billets de banque pour faire sa volonté ? »
Personnellement et jusqu’au bout, j’ai voulu croire au forum de Bangui. Et même si « une rose ne saurait naître d’un oignon » ainsi que je le pensais sérieusement, j’ai cherché malgré tout à me convaincre que « là où croit le péril, croit aussi ce qui sauve ». Mieux, entre autres articles, je me souviens avoir écrit juste avant le forum, « CONTRE TOUTE ESPÉRANCE, JE VEUX ENCORE ET SURTOUT ESPÉRER ! ». Ainsi, j’ai soutenu ce forum et je ne le regrette pas.
Tribunes sur tribunes, articles après articles, réflexions suivant réflexions, nous avons été très nombreux – aussi bien ceux qui croyaient que ceux qui n’y croyaient pas du tout -, à attirer l’attention des politiques qui comme d’habitude, viennent de confirmer leur incurable immaturité, ainsi que leur incapacité absolue à élaborer la plus petite stratégie de résistance. Ils se sont tous faits prendre comme des lapins dans ce forum, un vrai piège à cons. A la vérité, ils ne s’étaient pas du tout préparés à déjouer les coups tordus et à esquiver les attrape-nigauds, alors que chacun savait exactement où Samba-Panza et son équipe voulaient les entraîner afin d’en « faire une bouchée et les avaler » sans aucune résistance. N’était-ce pas une question de survie ? Diantre ! Pourquoi n’avaient-ils pas alors dénoncé avant ou pendant le forum même, les roublards, les traitres et les corrompus, tous reconnaissables à leur « gueule et à leur démarche », de même qu’à leur faux sourire qui tord le visage du mauvais coté !
Aussi, la transition a tout misé et elle a tout gagné. Les autres n’ont voulu rien gager et ils n’ont rien reçu en retour. Aux vaincus, il ne reste plus que leurs yeux pour pleurer. En revanche, soyons beaux joueurs et disons tous : « Vive les vainqueurs ! Vive le pouvoir ! Et par-dessus tout, que le robinet de champagne n’arrête plus de couler ».
Mais attention ! L’ivresse des sommets peut conduire au sommet de l’ivresse et finalement à l’état modifié de la conscience ! Plus est, après l’ivresse, c’est bien connu, vient la gueule de bois.
François Bayrou, homme politique français, a cette belle réflexion : « Le pouvoir est un alcool extrêmement pernicieux. Pas seulement à cause des signes extérieurs du pouvoir » : les « Madame la Présidente », le tapis rouge, la superbe garde-robe, les voitures, villas et argent… « Mais l’idée qu’on est en situation d’apporter la réponse universelle, voilà le danger ».
Pour ma part, j’avais également appris d’un sage africain que le pouvoir est effectivement comme l’alcool. Et en y réfléchissant, je trouve à travers les comportements de Samba-Panza, l’exacte traduction ou illustration des explications fondées à la fois sur l’expérience et la sagesse ancestrales, qu’avait bien voulu donner le vieil africain. A propos du pouvoir et de l’alcool, il disait donc ceci :
« Je te répète mon fils, et transmet-le à tous tes enfants. Tous autant que vous êtes, méfiez-vous du pouvoir. Il est comme l’alcool : au premier verre on est content et fier de soi-même comme un coq ; au second verre, on se sent aussi fort qu’un lion, on se prend pour le roi, on cherche toujours les moyens de prouver et d’imposer sa force, jusqu’à se prendre pour le plus intelligent, le plus beau etc; au troisième verre, on devient comme un cochon : on ne peut que faire des cochonneries ».
Samba-Panza a-telle déjà bu combien de verres ?
Le premier, c’est certain : Nous l’avons tous vu depuis ce jour du 20 janvier 2014, les deux bras levés en signe de victoire, fière de « sa réussite personnelle ». Sous nos yeux, la métamorphose physique s’est opérée, elle a goûté et « croqué à belles dents » toute la fierté d’une femme d’être « le premier » de tous les centrafricains : tapis rouge, voyages officiels, réception dans les cours des grands etc.
Le deuxième verre qui peut en douter ? Samba-Panza a tout gagné au biceps: nomination de Mahamat Kamoun, refus de démettre Ngakola, bras de fer avec Idriss Deby, Sassou-Nguesso et la communauté internationale, refus de céder aux injonctions du CNT, instauration d’un gouvernement bis…Soulignons par ailleurs une pratique bien établie de ce régime de transition: Samba-Panza, n’est-elle pas, ne prouve-t-elle pas qu’elle est la plus forte, elle qui a pouvoir « de vie ou de mort » sur les autres ? N’est-ce-pas elle qui décide de qui doit oui ou non passer les frontières de la RCA, et par conséquent n’est-ce pas elle seule qui peut priver comme elle veut et quand elle veut, quiconque souhaite exercer son droit de sortir et de revenir dans son propre pays ? Plus est, sans aucune raison connue et valable? Dans tous les cas, « l’impunité zéro », n’est pas et ne doit pas signifier « importunité nécro » !
Ceci dit, Samba-Panza serait-elle entrain de goûter aux « plaisirs » du troisième verre d’alcool, sans pour autant commencer à exercer le pouvoir de sa troisième transition ?
Quant à moi, je veux dire encore : « Merci à toi, oh vieux sage africain, toi qui m’auras appris à me méfier du troisième verre. Ainsi je pourrais éviter les pitoyables conséquences et méfaits de toute cochonnerie ! »
Décidément, la Centrafrique rend saoul !
Guy José KOSSA
GJK – L’Élève Certifié
De l’École Primaire Tropicale
Et Indigène du Village Guitilitimô
Penseur Social