Plusieurs militants des droits de l'homme dont la veuve de Nelson Mandela, Graça Machel, ont appelé mercredi à enquêter sur les violences sexuelles commises par des Casques bleus, à la suite d'accusations portées contre des militaires français en République centrafricaine.
Cette campagne, baptisée "code bleu" et dirigée par l'ONG Aids Free World, vise à réclamer des changements dans la manière dont l'ONU traite les accusations d'abus sexuels.
Mme Machel, qui a dirigé une étude de l'ONU il y 19 ans sur les violences sexuelles contre les enfants dans les conflits, a estimé lors d'une conférence de presse que "les choses n'ont pas changé, elles ont empiré".
Le groupe de militants, parmi lesquels le général Romeo Dallaire, ancien commandant des forces de l'ONU au Rwanda, demandent dans un premier temps qu'il soit mis fin à l'immunité octroyée au personnel de l'ONU.
L'ONU a refusé de lever l'immunité de la principale enquêtrice qui a rédigé un rapport sur les accusations contre les soldats français, malgré la demande de Paris de pouvoir l'interroger directement. L'enquêtrice a finalement répondu à un questionnaire écrit.
Les autorités françaises ont ouvert une enquête fin juillet 2014 alors que les viols d'enfants dénoncés par le rapport remontent à la période entre décembre 2013 et juin 2014. Selon une source judiciaire française, 14 soldats français sont mis en cause.
"Une commission d'enquête permettrait de trouver un moyen de remonter rapidement jusq'aux responsables", a estimé Mme Machel.
L'ONU est sous le feu des critiques depuis le déclenchement de cette affaire, révélée par le quotidien britannique The Guardian.
Dans une lettre ouverte au secrétaire général Ban Ki-moon publiée cette semaine, Save the children et 20 autres ONG ont estimé que sa réponse au rapport avait été "très insatisfaisante".
Le général Dallaire a dénoncé une "culture du silence" dans les missions de l'ONU et recommandé de donner un plus grand rôle aux commandants des forces de l'ONU pour traiter directement de telles affaires.
"Souvent, au lieu d'une enquête on voit arriver un avion et un groupe de gens sont renvoyés dans leur pays", a-t-il expliqué.
Selon les procédures de l'ONU, il appartient aux pays d'origine des Casques bleus de traiter les accusations de crimes et de les sanctionner en vertu de leurs lois nationales.
"Nous voulons absolument que justice soit faite", affirme Tony Banbury, un des responsables des opérations de maintien de la paix de l'ONU.
"Mais les outils dont nous disposons sont très limités, nous ne pouvons pas mettre quelqu'un en prison ni le traîner devant un juge, nous dépendons des pays qui fournissent les troupes (aux missions) ou des autorités nationales", explique-t-il.
Un rapport interne publié le mois dernier indique que les accusations de violences sexuelles portées contre le personnel civil ou militaire de l'ONU sont en baisse, passant d'un maximum de 127 en 2007 à 51 l'an dernier.
Mais pour Aids Free World, il faut tenir compte du fait qu'une accusation peut concerner cinq personnes ou plus.
Tout en soulignant une "nette amélioration depuis une dizaine d'années", le porte-parole de l'ONU Stéphane Dujarric reconnait "que c'est une des domaines où nous pouvons toujours faire mieux".