L’ancien premier ministre Elie Doté a pris part au Forum de Bangui qui s’est terminé le 11 mai dans les conditions que nous savons tous. Fort de ses nombreuses années d’expériences à la Bad et de son passage entre 2005 et 2008 à la tête du gouvernement centrafricain, le président de Kélémba lance un cri depuis février pour appeler la communauté internationale et les centrafricains à venir au secours de la RCA en le plaçant à sa tête. Pour se distinguer du lot des politiciens centrafricains qui font peu de propositions, le président de Kélémba nous a remis la copie de son programme d’urgence que nous avons publiée la semaine dernière. Il revient sur l’actualité au micro de centrafrique Libre
Bonsoir M.le premier ministre, vous êtes candidat à la présidentielle de 2015, vous proposez un modele seul gage d’après vous pour la reconstruction de votre pays. Estimez vous que plus rien ne va en Centrafrique?
Merci M.SEBIRO, ce n’est pas forcement que je ne crois pas à ce qui ce fait. Non, je suis depuis un an et demi la situation de la RCA. elle est catastrophique et si nous voulons nous en sortir, il faut faire quelque chose. Au stade actuel de l’évolution de notre pays, il s’agit de faire des propositions concrètes pour que nous puissions sortir de cette impasse et que la RCA reprenne sa place. Donc la proposition à la quelle vous faites allusion est une proposition de sortie de crise, c’est exactement les solutions que nous avons préconisées pour sortir la RCA de son impasse. Je pense aussi que je suis là pour assister, écouter mes compatriotes, ceux qui sont au Forum comme moi et essaient de poser la problématique de la violence qu’on a connues et qui essaient d’apporter une solution.Mais personnellement j’ai jugé qu’à ce stade la proposition doit concerner une solution de sortie de crise.
Vous proposez la mise en place d’ une haute autorité qui sera placée sous la responsabilité des autorités étrangères, vous êtes docteur en économie de formation, on le sait la RCA regorge des gens éclairés de votre acabit pourquoi toujours faire un recours à la communauté internationale. A quand la réappropriation par les centrafricains de leur destin
Je vous remercie monsieur le journaliste, je vois que vous posez une question intéressante. Non, vous savez quand on propose quelque chose on n’exclut pas un amendement. Si les gens ont des idées, ont quelques propositions sérieuses, nous les intégrerons dans l’ensemble de ce qui est fait, de ce qui a été proposé. Donc je pense que le problème ne se pose pas en ces termes, il se pose en termes de jeunes. J’ai dit que les changements que nous voulons porter, ce sont des changements qui intéressent beaucoup plus les jeunes. Vous savez dans n’importe quelle société les gens préfèrent les statuts actuels dans lesquels ils sont, parce qu’ils n’aiment pas les changements. Donc ce que je dis c’est que j’ai besoin des jeunes décidés qui veulent avoir de l’espérance, de l’espoir dans leur vie. C’est ceux-là qui sont intéressés par notre proposition et qui peuvent la porter. Et je dis que c’est la génération actuelle qui a besoin de se rassurer de ces changements qui vont l’ aider à aller de l’avant. Je ne crois pas qu’au niveau centrafricain que les gens aient des problèmes particuliers puisque je ne suis pas le seul à dire qu’aujourd’hui faire une élection, c’est un déni de démocratie, cela veut dire qu’on n’aime pas la démocratie. C’est quoi la démocratie, normalement les conditions préalables doivent être réunies.
Ces conditions qui sont, vous le savez, on ne peut pas aller outre le recensement des gens, on ne peut pas aller outre que les gens puissent être reconduits dans leur fonction pour pouvoir exercer ce qu’ils font habituellement. En plus tout est à reconstruire. Pour moi je le répète encore aller aux élections maintenant, ce serait un déni de la démocratie. On sait que les états civils ont été détruits, nous savons aussi que sans le recensement on ne voit pas bien qui est centrafricain et qui ne l’est pas. En l’état actuel avec l’arrivée de nombreux mercenaires, on ne sait plus qui est centrafricain et qui ne l’est pas. L’Etat n’existe pas pour jouer son rôle de contrôleur. Il n’y a pas des gendarmes ni des policiers sur toute l’étendue du territoire. La justice n’existe pas, nous n’avons plus rien, vous ne pouvez pas circuler librement à l’intérieur du pays, ni même à Bangui ici, où à 20 heures tout le monde est chez lui. Comment voulez-vous faire des élections dans ce cas. Demain tout le monde va dire qu’il y a des cas de tricherie, donc je dis, ne nous amener pas à faire une autre guerre, une autre violence.
WS : «Chat échaudé craint l’eau froide» Beaucoup de centrafricains sont réticents à l’idée d’un nouveau changement des autorités avant les élections puisqu’ils affirment que les politiciens de leur pays appartiennent tous à un même système. Ils ont peur d’être de nouveau déçus ?
Déçus par qui?
Ils ne croient plus aux politiques dont vous, qui présidez le Kélémba
Vous croyez que c’est seulement les centrafricains ? Un peu partout dans le monde entier, les régimes changent, ils passent, pourquoi ? Parce que justement quand ils n’ont pas atteint les objectifs, lorsqu’ils n’ont pas réalisé les promesses qu’ils ont faites, et bien les gens élisent d’autres pour les suppléer. Je pense que ce problème n’est pas seulement centrafricain.
Vous conviendrez avec le microcosme centrafricain que l’exécutif n’est pas à la hauteur des enjeux, on évoque un manque d’orthodoxie financière dans la gestion des fonds alloués par la communauté internationale, comment parviendront-ils à gérer l’importante manne qui sera destinée à l’organisation des élections ?
Il ne s’agit pas seulement que des mannes. Vous l’avez entendu, le président de l’institution qui va organiser les élections a été clair. Je pense que je ne peux pas en dire plus que ce qu’il a dit. S’il a conclu qu’on ne peut pas faire maintenant les élections dans ces conditions, c’est clair, je ne peux pas me substituer à lui pour dire qu’on peut le faire. Je crois que tout le monde, nos partenaires, nos amis étrangers…
Y’a-t-il un manque de confiance ?
Non, ce n’est pas un manque de confiance, c’est simplement qu’ils ont fait une proposition. Ils ont dit que c’est mieux d’aller aux élections, mais ils n’ont pas dit dans quelle condition. Comme vous dites si on a l’argent, si on a ceci, si on a cela, si on peut circuler. S’il y a la sécurité on peut… Il y’a beaucoup de si là. Donc je dis que ce sont des propositions que les amis nous ont faites. Nous devons voir la praticabilité de cette proposition et nous devons au retour leur faire une contre-proposition pour leur dire mais nous ne pouvons pas parce qu’il y a une telle raison ou une autre.
Ces même amis disent souvent que les autorités ne sont pas à la hauteur, ce n’est pas le cas pour vous ?
Non quand ils disent qu’on n’est pas à la hauteur, c’est en partie dans n’importe quel système. Dans n’importe quel pays, vous avez des gens compétents et vous avez ceux qui le sont le moins. Mais je pense qu’en RCA nous avons des ressources, les gens sont là, il suffit de les préparer à assumer les différentes tâches qu’il y a à faire. Donc le problème ne se situe pas au niveau des ressources humaines. C’est un problème de volonté politique.
Les déplacés sont encore dans les camps de fortune, ils ont faim alors que les autorités de la transition ont acquis des biens tant à Bangui qu’à l’étranger.
Oui, Je partage cette opinion. Aujourd’hui j’ai des larmes aux yeux quand je vois à l’aéroport, quand je vois toutes ces personnes qui habitent-là qui sont dans des situations de l’insécurité, et qui manquent de tout confort. Je pense que c’est une priorité que nous devons prendre en compte, c’est ce que je dis dans notre proposition. Mais cela n’a pas de lien avec l’incapacité de la gestion de la transition, même dans les régimes passés les il y’ a eu des détournements, parce que quand on parle de détournement, ce n’est pas parce que j’ai pris l’argent, j’ai mis dans la poche. Le détournement c’est par rapport aux objectifs, cela peut concerner un but. On vous dit de construire 3 maisons, vous en faites zéro. En plus vous utilisez l’argent même si vous achetez des médicaments, c’est du détournement. Je pense que la gestion est un véritable problème. Il faut la séparer de la situation que nous connaissons actuellement qui est tout à fait une autre chose.
Vous êtes agroéconomiste de formation et pourtant dans votre programme d’urgence vous avez jeté votre dévolu sur le secteur minier alors qu’il pleut neuf mois sur douze, et qu’il n’y a pas d’autosuffisance alimentaire dans votre pays
Oui, Je pense encore que vous avez partiellement lu le document puisque j’ai bien dit qu’il faut financer notre développement mais qu’on va seulement aller dans le secteur minier ponctionner de l’argent pour mettre dans l’agriculture. Quand vous verrez dans le détail les actions que nous allons mener, vous verrez que c’est l’agriculture qui est en tête et pour la financer nous aurons besoin des ressources. Et ces ressources nous pouvons les prendre dans les mines. Si vous vendez du diamant avec l’argent vous pouvez acheter de la culture attelée pour les paysans. C’est cent cinquante mille an en son temps donc aujourd’hui pour avoir cent cinquante mille si vous vendez les mille, et si vous exploitez vos mille et que vous trouvez de l’argent, vous pouvez investir dans l’agriculture.
La politique que je suis en train de faire est différente de ce que les gens faisaient. Avant pour acheter un attelage complet, il fallait aller tendre les mains et attendre que l’on vous donne de l’argent. Je dis bien que nous avons des mines, nous avons des ressources naturelles chez nous. Nous pouvons les hypothéquer pour pouvoir lancer l’agriculture qui est la véritable manne que nous disposons dans notre pays, car nous avons chez nous plusieurs climats favorables qui nous permettent de faire trois à quatre cultures dans la même année.
Vous étiez premier ministre sous Bozizé Que retenez-vous de votre passage
Ecoutez, je ne vis pas dans le passé, mais tout le monde sait ce que j’ai fait. J’ai fait le DCRP, nous avons atteint le point d’achèvement, nous avons fait beaucoup d’actions dans le domaine de l’apurement des arriérés du pays vis-à-vis de nos partenaires, c’est comme cela qu’ils sont rentrés définitivement. J’ai apuré les arriérés nous avons fait pas mal des choses dans le domaine financier, dans le domaine des réformes pour améliorer nos recettes, les recettes de l’Etat. Nous avons exigé la bancarisation pour avoir la traçabilité au niveau des recettes de d’Etat.
La bancarisation a été supprimée au niveau des plusieurs services dans les Douanes, êtes vous au courant?
Mais cela a commencé déjà sous l’ancien régime. Les gens allaient dédouaner pas au niveau des services des douanes mais ailleurs et ça continue. C’est moi qui ai donné le chemin. Je me souviens des réformes que j’avais faites dans le domaine des douanes. Il y avait 563 personnes. Parmi elles il y avait des infirmiers, des enseignants, il y avait tout sauf de vrais douaniers. J’ai fait des réformes, j’ai permis que nous puissions rabattre l’éffectifà 60 douaniers et nos recettes sont passées du coup de 800 millions à 2milliards et demi. Donc j’ai tracé le chemin et les gens ont travaillé sur cette base là. Malheureusement les choses ne changent pas forcément dans le bon sens et c’est ce que nous voyons.
Peut-on affirmer que vous n’êtes pas prêt pour les élections puisque vous plaidez pour une nouvelle transition ?
Ecoutez- moi j’ai dit que ce serait un déni. Les conditions de la RCA ne sont pas favorables pour des élections démocratiques, libres et transparentes.
Le Forum de Bangui s’est achevé par l’absence du médiateur Sassou et de tous les chefs d’Etat de la CEMAC, en plus sur le plan interne des manifestants Balaka et Séléka ont demandé la démission de Mme Samba-Panza, qu’elles sont vos impressions ?
Vous voyez avant l’organisation de ce Forum exclusif, on a lancé un cri au secours de la RCA en disant clairement qu’il nous faut une troisième transition avec des nouvelles autorités à la tête de l’exécutif. On savait que le Forum allait aboutir sur des résultats non consensuels. Au moment où la cérémonie finale se déroulait au CNT, une partie de nos compatriotes montrait leur hostilité vis-à-vis de Mme Samba Panza. On ne peut plus admettre le caractère mensonger de cette dame. Un exemple dans son discours d’ouverture, elle a déclaré au monde entier et aux centrafricains que les élections allaient avoir lieu en juillet et aout 2015. Pendant les travaux en commission, le président de l’ANE M. Dieudonné Kombo yaya n’a pu confirmer une date exacte de ces échéances, car rien n’est prêt au niveau de son organe. A la cérémonie de clôture, elle change de langage en disant que les élections auront lieu fin 2015.
Propos recueuillis par Maurice Wilfried SEBIRO