Le chef d'état-major de l'armée de Terre, le général Jean-Pierre Bosser, a estimé mardi que les accusations de viols d'enfants portées contre des militaires français en Centrafrique auraient des conséquences "extrêmement graves", qu'elles soient avérées ou non.
"Soit ces affaires sont avérées, auquel cas c'est extrêmement grave parce qu'on touche à l'intégrité physique et morale de jeunes enfants", a-t-il déclaré lors d'une rencontre avec l'Association des Journalistes de Défense (AJD). "Et c'est toute une armée qui en prend plein la figure".
"Si jamais ce n'est pas avéré, c'est aussi grave (...) Cela veut dire qu'il n'y a pas de présomption d'innocence pour le groupe, pour la communauté militaire. Tous nos soldats sont assimilés à des violeurs d'enfants", a-t-il ajouté.
L'affaire a été révélée en avril par le quotidien britannique The Guardian sur la base d'un rapport de l'ONU contenant des témoignages d'enfants qui affirment avoir été violés par des militaires français au début de l'intervention française en Centrafrique, entre décembre 2013 et juin 2014.
Le ministère français de la Défense a confirmé avoir été saisi de ces témoignages par le Haut-commissaire aux droits de l'Homme de l'ONU en juillet 2014 et avoir immédiatement saisi la justice. Mais il n'avait pas alors rendu publique l'affaire, un silence qui suscite a posteriori un certain nombre de critiques.
"Ce qu'il faut en tirer comme enseignement, je n'en sais rien (...) mais j'avoue qu'on a du mal à comprendre pourquoi ce sujet nous colle comme cela à la peau alors que l'enquête est en cours", a indiqué le général Bosser.
"Est-ce que ce sont des relents d'antimilitarisme qui ressortent parce que l'armée de Terre a été mise sur un piédestal avec Serval (opération française au Mali)? Est-ce qu'on n'a pas idéalisé l'armée en disant c'est encore elle qui porte un certain nombre de valeurs ?", s'est-il interrogé.
Selon une source judiciaire française, 14 soldats français sont mis en cause, dont trois ont été identifiés, dans cette affaire potentiellement désastreuse pour l'image de la France et de son armée en Afrique.
"La chose dont on est sûr aujourd'hui c'est qu'il n'y avait pas de système organisé. C'est d'ailleurs ce que dit l'enquête", a relevé le général Bosser.
Soupçons de viols d'enfants en Centrafrique: "J'avais faim, j'étais obligé de le faire"
19/05/15 (Paris-Match)
Des enfants centrafricains d'une dizaine d'années, qui accusent de viols des soldats français lors de l'opération Sangaris en 2014, ont raconté en détail leur calvaire.
De la nourriture contre des faveurs sexuelles. Alors que des soldats français sont soupçonnés de viols sur des enfants en Centrafrique, «Le Parisien» et l’émission «Sept à Huit» rapportent les récits de petites victimes, au cœur des accusations.
Dans l’émission de TF1, dimanche soir, un enfant centrafricain prénommé Pierre (son prénom a été changé) et âgé d’une dizaine d’années parle des soldats français qui étaient en mission fin 2013 en Centrafrique, alors en proie à une guerre civile et religieuse. «Je marchais quand les Français m’ont appelé, ils m’ont dit qu’ils me donneraient des rations si je couchais avec eux. J’ai accepté», raconte l’enfant dont on ne voit que les mains. Il dit avoir été abusé «plusieurs fois» et précise que la scène se déroulait dans l’endroit où les militaires dormaient, un abri construit avec des sacs de sable. A la question a-t-il été abusé «plus de dix fois», le bambin répond par un «oui».
«Quand moi j’avais faim, j’allais les voir», justifie-t-il encore. Le petit Pierre relate également les pressions subies pour qu’il garde le silence. «Ils m’ont dit "quand on te baise les fesses, il faut que tu le dises à personne"», explique-t-il à la caméra de «Sept à huit». «Sinon ils ont dit qu’ils me tueraient».
Un autre enfant, âgé d’environ 9 ans, que «Le Parisien» a renommé Isidore, décrit un soldat «musclé, grand et blanc» qui lui aurait plusieurs fois proposé de «sucer son bangala (pénis en langue sango, Ndlr) contre des biscuits et des bonbons». «J'avais faim, j'étais obligé de le faire», se justifie-t-il lui aussi .
Il lui montre sur son portable une vidéo porno et lui demande de faire la même chose
Début mai, alors que l’affaire venait tout juste d’éclater, révélée par un article du «Guardian», le JDD , qui s’était procuré une copie du rapport de l’ONU sur les accusations de viols, rapportait les témoignages de six enfants. L’un d’entre eux, âgé de 9 ans, a raconté être tombé à un check-point sur un homme blanc de l'opération Sangaris qui l’aurait interpellé, lui aurait donné une ration de combat et lui aurait montré sur son portable une vidéo porno de fellation, lui demandant de faire la même chose. L'enfant évoque aussi un autre soldat "noiraud" qui lui aurait demandé la même chose par la suite, avant de lui demander de lui trouver une prostituée.
L’affaire est née des témoignages d’enfants recueillis par des fonctionnaires de l’ONU dans le camp de déplacés de l'aéroport M'Poko de Bangui. Ils accusent des soldats de les avoir violés lors de l’opération Sangaris. Les faits portent sur une période allant de décembre 2013 à juin 2014. Selon une source judiciaire, rapportée par l'AFP, 14 militaires français ont été mis en cause, dont trois sont identifiés, par les témoignages de six enfants de 9 à 13 ans. Quatre d'entre eux se disent victimes. Deux autres se sont dits témoins d'abus sexuels. Des juges d'instruction français vont mener l'enquête sur ces accusations de viols.
«Si certains militaires se sont mal comportés, je serai implacable», a promis François Hollande.
NDLR : pénis en Sango ne se dit pas « bangala » contrairement à ce qui est dit dans cet article