Armée, police, gendarmerie, les forces de sécurité centrafricaines sont aujourd'hui en pleine refonte, alors que la précaire pacification de la Centrafrique est portée à bout de bras par les forces internationales avec les soldats français de l'opération Sangaris et ceux de la mission de l'ONU (Minusca).
Le pays traverse depuis 2013 une crise sans précédent, après des mois de violences inter-religieuses alimentées par l'ex-rébellion à dominante musulmane Séléka et les milices chrétiennes anti-Balaka.
Le territoire reste en proie aux groupes armés mais aussi aux bandits équipés d'armes à feu, souvent eux-même issus des rébellions et qui profitent du vide sécuritaire.
Dans ce contexte, la charge d'assurer la sécurité revient presque exclusivement aux forces internationales qui contrôlent certaines zones géographiques et patrouillent en permanence en attendant que les Forces de sécurité intérieures (FSI) soient réformées et enfin autonomes, dans un "avenir qui parait plus lointain que proche", selon un spécialiste de la sécurité sur place.
La Minusca compte actuellement 8.500 hommes qu'elle prévoit de porter à 10.000 avant la fin août. La force de police internationale qui compte 1.484 éléments devrait passer dans le même temps à 1.800 policiers, selon l'ONU.
La France, qui a compté jusqu'à 2.000 soldats et a été le "primo intervenant", selon l'expression du lieutenant-colonel Olivier Delplace de l'opération Sangaris, se désengage progressivement pour "devenir une force de réserve derrière la Minusca".
"On continue à patrouiller", souligne l'officier, "mais le principe est qu'on intervient en renfort des FSI et de la Minusca. Il y a des officiers de liaison qui permettent de coordonner nos actions, afin qu'on ne fasse pas les mêmes choses en même temps et qu'on ne laisse pas des secteurs vides".
Encore embryonnaires, les forces de sécurité locales restent totalement dépendantes des forces internationales.
Exemple: lors d'une patrouille de la Minusca dans le nord de Bangui à bord de véhicules blindées blancs "UN", des policiers rwandais font un signe amical de la main à des soldats de Sangaris suréquipés qui circulent en sens inverse. Non loin de là, des gendarmes centrafricains en uniforme mais sans arme vaquent à leurs occupations de contrôle. En cas de problème, ils doivent appeler la Minusca, confie l'un d'entre eux sous couvert d'anonymat.
Un autre gendarme, interrogé dans l'arrière pays cette fois, sourit quand on lui demande ses moyens. "On n'a pas de véhicule. Quand on veut se déplacer sur un problème, on est obligé de solliciter la Minusca ou des habitants qui ont des véhicules".
- 'FACA le jour, anti-balaka la nuit'-
Le ministre de la Sécurité publique Nicaise Samedi Karnou se veut pourtant rassurant. "Nous avons un plan de montée en puissance. Nous avons formé 500 gendarmes et 500 policiers. Nous intervenons régulièrement avec l'appui des forces internationales. Nous sommes en première ligne", assure-t-il en se félicitant aussi de la réouverture des commissariats et gendarmeries dans la capitale et en province.
Autre problème, de nombreux éléments des forces de sécurité sont d'anciens fauteurs de trouble qui n'ont pas hésité à troquer l'uniforme contre la machette au plus fort des violences. "FACA le jour! Anti-Balaka la nuit!", résume un leitmotiv.
Le 17 mai, l'évasion grâce à des complicités internes d'Eugène Ngaikoisset, un anti-balaka surnommé le "Boucher de Paoua", cinq jours après son incarcération à la Section de recherche et d'investigation de la gendarmerie de Bangui, montre à quel point l'appareil est fragile.
La réorganisation de l'armée n'a quant à elle pas encore vraiment commencé malgré la présence sur place d'une mission de l'Union européenne "EUMAM RCA", pour conseiller les autorités sur ce dossier vital. La confiance dans les FACA (Forces armées centrafricaines) reste faible, comme en témoigne les consignes françaises.
Au départ d'une patrouille Sangaris, le lieutenant Alan briefe ses adjoints: "Si vous avez un visuel sur des FACA vous m'avertissez. Il ne sont pas censés patrouiller". Mais, précise-t-il aussitôt, "ils peuvent être en protection d'une personnalité, et dans ce cas, ils ont un ordre de mission".
"Sans les forces internationales, il n'y a rien ou pas grand-chose", résume le spécialiste de la sécurité. Il faut de l'argent pour former, équiper et embaucher des policiers, gendarmes et soldats".