Depuis le 13 août 1960, date de l’indépendance de la République Centrafricaine, rien ne semble avoir vraiment changé sous le ciel du pays des Bantous. C’est l’impression d’une indépendance fictive et non réelle qui est prégnante. Dans sa dernière édition, La Lettre du Continent nous rappelle cruellement la tutelle néocoloniale de la France sur le Centrafrique: les cohortes de coopérants qui s’y précipitaient dans les années 60, pour «faire du franc C. F. A.» ; les assistants techniques qui doublonnaient les ministres et qui, dans l’ombre, détenaient la réalité du pouvoir, aussi bien politique que financier. Aujourd’hui, ce ne sont pas moins de huit experts et consultants français, qui composent un «Gouvernement fantôme» auprès du Gouvernement de la Transition.
Ce sont eux qui semblent avoir la haute main sur les affaires du pays, comme à l’époque bénie de la coopération post-indépendance. Ces experts et ces consultants sont venus à Bangui pour aider à la reconstruction d’un pays ami ? Soit. Mais vont-ils pouvoir le faire sans s’immiscer dans les décisions politiques? Sans profiter de l’état de faiblesse financière et du climat délétère qui prévaut en Centrafrique, afin d’imposer des directives protégeant exclusivement les intérêts de la France? Il y a là matière à s’inquiéter.
D’après la Lettre du Continent, ils sont tous placés auprès des ministres-clés. Des conseillers militaires sont des proches conseillers de Catherine Samba-Panza, la Présidente de la Transition. Les experts ont été nommés par Laurent Fabius, ministre français des Affaires Étrangères, assisté de l’ambassadeur de France à Bangui. On nous dit qu’il s’agit d’experts internationaux. Étrangement, tous ont la nationalité française. Si on additionne les forces françaises de l’opération Sangaris, les experts et les consultants, autant dire que la réalité du pouvoir à Bangui est, comme toujours, détenu par la France.
Mais, si le Centrafrique végète dans une configuration de sous- développement chronique, c’est bien à cause du comportement néocolonial qu’a toujours eu l’ancienne puissance tutélaire. On ne le rappelle pas assez : la France a construit son parc nucléaire en partie grâce à l’uranium de Bakouma ! Mais, malgré les accords de coopération militaire, elle est restée sourde aux appels au secours de François Bozizé, cerné par les rebelles de la Séléka. Il avait eu l’outrecuidance de renégocier le prix de la tonne de minerai, ce qui ne pouvait que déplaire à la France - qui a donc laissé envahir Bangui par les rebelles islamisés de la Séléka.
On connaît malheureusement la suite tragique. Le pays semble ne plus pouvoir sortir d’un état de déliquescence chronique. Le peuple centrafricain a l’impression d’être pris en otage. De ne pas être écouté. D’être, encore une fois, le dindon de la farce de ces agapes indécentes. Le Forum de Bangui qui, malgré tout, a ouvert quelques fenêtres d’espoir, est en train de tomber dans l’oubli. Les dirigeants actuels donnent l’impression d’être manipulés de l’extérieur. La population centrafricaine attend les réponses qui la sortiront de la longue nuit où elle est plongée depuis si longtemps. L’attente est longue, très longue.
Le découragement gagne, peu à peu, tout le pays. Le tissu social déjà abîmé se gangrène de plus en plus. En outre, des signes désagréables montrent que le Gouvernement de la Transition se raidit. Comment, dans ces conditions, organiser des élections crédibles ? Les bandes armées sont toujours armées. Une partie du pays est encore aux mains des séditieux. L’insécurité, malgré les efforts des forces internationales et centrafricaines, continue de terroriser une population exsangue. Les rues de Bangui sont prises en otage par des gangs. La capitale est devenue une sorte de Far-West où règne la loi du plus fort. C’est intenable.
Urgences
Il faut, impérativement, désarmer les rebelles en déshérence. Sécuriser l’ensemble du territoire afin d’assurer la circulation des personnes et le recensement pour les élections. Cesser les gesticulations politiciennes. Fixer avec le peuple des directives claires et patriotiques. Mettre en œuvre, le plus rapidement possible, les recommandations du Forum de Bangui. La réconciliation et la confiance pourront alors revenir. La République centrafricaine retrouvera, ainsi, sa pleine souveraineté.