En Centrafrique, l’assertion selon laquelle un capitaine chevronné mènerait toujours son bateau à bon port, ne tient plus debout à bien des égards. Figurez-vous ! Bien que le paquebot centrafricain soit parfois piloté par des hommes à poigne, il n’en demeure pas moins qu’il navigue toujours très près des côtes jalonnées de récif susceptible d’occasionner son éventrement. C’est pourquoi ce bâtiment flottant chavire au moindre faux pas quand bien même il regorge en son sein de capitaines éminemment rompus. A quoi sert-il alors de disposer de surdoués s’ils ne sont guère capables d’apporter une valeur ajoutée dans la gestion de la chose publique au moment opportun?
Bien évidemment, la Centrafrique a un panel considérable de capital humain. Pourtant ce pays enchaîne, depuis plusieurs décennies, des crises meurtrières avec des conséquences incalculables. Certains diront sans regarder leur date de naissance qu’il leur faut absolument devenir président en Centrafrique et chacun croyant détenir le remède miracle pour booster le pays vers un développement radieux. D’autres ronchonneront que tel régime ou telle personnalité serait la cause de la souffrance du peuple. Tout porte à croire que les surdoués centrafricains sont plutôt diseurs que faiseurs. Quelques fois, ils s’illustrent dans cette allégorie centrafricaine qui laisse présager que le capital humain n’a jamais été utilisé à bon escient dans ce pays. Enfin, le lampadaire de la raison critique nous oblige aujourd’hui à pousser tous les Centrafricains et toutes les Centrafricaines à sortir de leur anfractuosité partisane, ethnique, familiale, clanique en vue de formuler ou proposer une nouvelle philosophie de communauté de vie et de destin. Au lieu que chaque régime ou chaque personnalité prêche pour son église ou sa petite chapelle politique, il serait souhaitable que le peuple fédère son énergie pour une Centrafrique beaucoup plus unifiée et apaisée. Quoi qu’il en soit, lorsque l’on s’interroge sur l’accroissement de l’injustice sociale ou lorsque l’on scrute de près le taux élevé de l’illettrisme et de l’analphabétisme ; ou encore lorsque l’on analyse les causes exogènes et endogènes des multiples crises à répétition de la Centrafrique ; l’on est tenté de dire que le pays est juste victime de la griserie du pouvoir.
Même si entre Centrafricains, on s’interroge rarement sur cet atermoiement politique, il faut admettre que ces situations de fait alimentent quelques fois certaines causeries des personnalités étrangères. Celles-ci s’indignent de la situation chaotique du pays sachant qu’il regorge d’énormes potentialités en matière de ressources humaines. Rien qu’en passant en filigrane les Curriculums vitaes des différents candidats à la magistrature suprême, l’on dira sans bégayer que la Centrafrique n’a pourtant rien à en vouloir aux autres pays. Ce qui est surprenant, ces surdoués peinent à reconstruire le pays surtout lorsqu’ils accèdent au pouvoir. Mais que se passe t-il ? L’empereur Bokassa était-il bardé de diplômes comme ces successeurs et autres prétendants contemporains ? Pourtant il demeure le seul bâtisseur de la Centrafrique ? A vrai dire, il ne suffit pas qu’un régime quelconque exhibe seulement une offre politique, qu’il estime adaptée et s’entoure de femmes et d’hommes compétents pour impulser une nouvelle dynamique pour la reconstruction nationale. Il faudrait également qu’il maîtrise tous les fourmillements de système qui fondent la griserie du pouvoir afin de ne pas connaitre les difficultés de gouvernance des prédécesseurs. Mais au fond, comment se caractérise cette griserie du pouvoir ? Certaines fines bouches disent que ce n’est rien autre que les quolibets, les imprécations, les pièges, les guerres de clocher, les valses d’égo, les guerres de positionnement, les coups bas qui empoisonnent quotidiennement la gestion de la chose publique. Ce système asphyxiant qui a véritablement un problème de terminologie, a quasiment eu raison de tous les régimes successifs y compris la transition de Samba Panza. Vous conviendrez avec nous que lorsqu’un régime nage dans un panier de crabe, il lui est par conséquent difficile de réaliser ses programmes d’action. De tout temps, l’entourage des Chefs d’états en Centrafrique a toujours constitué une entorse dans la gestion quotidienne du pouvoir. C’est d’ailleurs pour cette raison que ces futurs locataires du palais de la Renaissance doivent faire preuve d’une ingéniosité implacable une fois qu’ils seraient aux affaires, afin de permettre au pays de se relever. S’ils s’encastrent dans leurs bulles habituelles, il est tout à fait normal qu’ils ne se rendent pas compte du danger qui les entoure. Aussi, le futur locataire du palais devrait briser les chaînes du népotisme, de l’égotisme,l’égocentrisme, de l’ethnocentrisme, du clivage, de la « partisanerie », du clientélisme qui ont toujours dressé le lit de la division. Car lorsqu’on est porteur d’une nouvelle offre politique, on ne peut que valoriser et fédérer toutes les compétences sans distinction de région, pour un meilleur avenir et le bien de tous les Centrafricains. C’est en cela que les mots font des effets contre les maux.
Rodrigue Joseph Prudence MAYTE