Spiruline et sardines pour répondre à la malnutrition. L’ONG Nutrition Santé Bangui vient en aide aux enfants malnutris de la capitale centrafricaine, en leur proposant un régime à base de poisson et de cette algue riche en protéine et vitamines qu’une coopérative fait "pousser" sur place.
Tous les matins, de jeunes mamans avec leurs enfants de moins de cinq ans attendent dans le Centre Nutritionnel de Ngaragba, un quartier est de Bangui. Une infirmière mesure et pèse les bébés puis les dirige vers le docteur Félicienne Omado.
"Il y a une table de conversion pour savoir si l’enfant est malnutri. Je l’ausculte pour savoir s’il a d’autres problèmes. Si c’est le cas, je peux l’orienter vers l’hôpital, mais s’il souffre d’une simple malnutrition, nous commençons le traitement", explique-t-elle.
Les enfants sont alors dirigés vers une petite cuisine où une assistante mélange de la spiruline avec de la sardine que les enfants mangent goulûment.
On remet ensuite de la spiruline aux mères qui en donneront quotidiennement aux enfants, à leur domicile, pendant six semaines environ avec un contrôle de poids tous les 7 jours au centre.
"Avec cette nourriture, les enfants se requinquent. Le régime repose sur les travaux du docteur Jean Dupire, un spécialiste français de la spiruline qui est venu en Centrafrique et est membre fondateur de l’ONG", explique Freddy Lemonnier, restaurateur à Bangui depuis 30 ans, qui s’est investi dans l’ONG et visite régulièrement le centre de santé mais aussi la Coopérative agricole aquacole de Ndrès (COOPAAQ), un quartier voisin.
- ’Ça conserve’ -
Pour y parvenir, il faut emprunter une piste en terre qui sillonne entre les tombes de l’immense cimetière de Ndrès. La COOPAAQ a construit un bassin pour élever des poissons destinés à nourrir les enfants mais surtout des bacs en béton dans lesquels pousse la spiruline.
Son président, Jean-Denis Saragba, exhibe fièrement les filaments de l’algue verte hélicoïdale aux vertus nutritionnelles. "Elle contient beaucoup de vitamines et de protéines. Associée au poisson, vous avez tout ce dont vous besoin. Et ça conserve!", plaisante-t-il en soulignant son âge, 70 ans.
Il a participé à la construction d’un canal pour amener l’eau dans les bassins à sardines et dans les bacs à spiruline.
Les câbles électriques reliant la coopérative au réseau ayant été coupés, les quelques ouvriers de la coopérative sont obligés de remuer régulièrement l’eau avec des espèces de râteaux en bois.
La coopérative vit en partie grâce aux dons. "Les temps sont durs. Ça ne marche pas comme on voudrait", avoue M. Saragba.
Une fois récoltée, la spiruline est séchée et transformée en poudre qu’on donne aux enfants.
L’année dernière 493 enfants ont bénéficié du "régime spiruline". Cette année, 140 sont déjà passés par le Centre. "Avec la crise, on a noté une hausse du nombre d’enfants malnutris", souligne le Dr Omado.
La Centrafrique, qui était déjà un des pays les plus pauvres de la planète a plongé dans le chaos en 2013. Après avoir pris Bangui et renversé le président François Bozizé, l’ex-rébellion à majorité musulmane a commis de nombreuses exactions avant d’être chassée du pouvoir alors que la Centrafrique sombrait dans les violences inter-religieuses et était en proie aux groupes armés dont les milices chrétiennes anti-balaka.
La situation sécuritaire est toujours précaire, de nombreux hommes ou femmes, soutiens de famille, sont morts ou ont perdu leur emploi.
Mais le Dr Omado souligne qu’outre la pauvreté et la crise sécuritaire, les habitudes alimentaires sont aussi un problème. "Les enfants mangent beaucoup de tubercules ou du manioc mais ils n’ont pas tout ce dont ils auraient besoin. C’est pour cela que nous menons régulièrement des campagnes de sensibilisation dans le quartier".
Au centre de santé, Joël, 2 ans, installé sur les jambes de sa maman, a fini son assiette. "Il aime ça!", sourit sa mère.