Selon l’enquête menée par l’ONG Médecin Sans Frontière (MSF) dans 3449 familles réfugiées au Tchad et au Cameroun, plus de 2500 personnes sont mortes en l’espace de cinq mois.
« Réfugiés centrafricains au Tchad et au Cameroun : la valise et le cercueil ».
Ainsi s’intitule le dossier contenant le résultat de cette enquête menée entre le 1er novembre 2013 et le 8 avril 2014 par MSF. Il dévoile l’ampleur des violences subies récemment par les populations de la République centrafricaine. Effectuée dans 3 449 familles centrafricaines réfugiées à Sido au sud du Tchad, elle révèle que 2599 personnes (soit 8% de la population) ont perdu la vie. 91% des décès au sein de cette population sont attribués aux violences d’avant le départ ou pendant leur exode. De façon plus détaillé, en se référant à ce même rapport, 96% des décès (soit 2.110 personnes) ont été perpétrés avant le départ des réfugiés vers le Tchad. 78% des décès (soit 252 personnes) pendant leur exode sont imputables à la violence (balle, arme blanche, éclats de grenades…). 33% des familles ont perdu au moins un des leurs et 28% au moins deux. Entre décembre 2013 et janvier 2014, plusieurs centaines de milliers de personnes ont fui les exactions et la violence en RCA pour se réfugier au Cameroun par convois ou transports privés. Contrairement à ces derniers, ceux qui traversent aujourd’hui la frontière ont marché des semaines, voire des mois, errant dans l’ouest de la RCA pour fuir la violence. Leur état de santé et leur statut nutritionnel sont très alarmants ; près d’un enfant sur deux souffre de malnutrition.
Le nombre de personnes présentes dans le camp de Sido lors de cette enquête (25 355) s’est avéré être deux fois plus important que les estimations officielles antérieures (10 133). Pour répondre aux besoins de cette population, MSF (qui travaille au Tchad depuis 1982) a initié des activités médicales (consultations et hospitalisations) à Goré, Mbitoye et Sido. En juillet 2014, on estime à plus de 1 250 003, le nombre de personnes ayant quitté la RCA pour le Cameroun. Les familles sont parties à pied, se nourrissant, pour la plupart, de feuilles, de racines de manioc ou du lait et de la viande de leurs bêtes tuées en chemin quand devenues trop faibles pour avancer. Leur voyage a duré entre 1 et 4 mois et a souvent été erratique. La plupart des réfugiés centrafricains de l’est du Cameroun sont originaires des zones rurales situées autour des villes de Bouar, Bossemptélé, Bossangoa, Boda, Yaloké et Baoro, à l’ouest de la Centrafrique.
Pris au piège
En juin 2014, on estimait à 5 365 005 le nombre de personnes déplacées par la violence, dont 200 006 regroupées au sein d’enclaves. MSF travaille dans trois d’entre elles : à Carnot (700 déplacés) et Berberati (350 déplacés), localités du sud-ouest du pays, et dans le quartier de PK5 à Bangui (1 000 déplacés regroupés autour de la grande mosquée). A l’intérieur de l’enceinte de l’église de Carnot, un peu moins d’un millier de personnes, de différentes ethnies, toutes de confession musulmane, s’entassent sur une surface équivalente à un demi-terrain de football. La promiscuité y est devenue un enjeu de Santé publique. La moitié des déplacés est constituée d’enfants âgés de moins de 15 ans. La saison des pluies a débuté et le paludisme, ainsi que les diarrhées, font des ravages. « Maintenir des conditions sanitaires minimales dans un tel confinement est un défi quotidien. La situation devient chaque jour plus intenable. Une autre solution doit être trouvée rapidement », souhaite Fabio Biolchini, responsable des activités MSF sur place. Vivement un geste pour sauver ces vies !
Frank William BATCHOU