Arrivé à Fria vendredi dernier, le ministre de la Jeunesse et de l’Emploi jeune, Moustapha Naité, est passé à l’offensive samedi dans la sous-préfecture de Banguigny-Sodjorè, zone où des gens résistent aux équipes de riposte à Ebola.
En compagnie du préfet et d’une équipe de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), le ministre de la Jeunesse est arrivé au chef-lieu de la sous-préfecture à 11 heures. Après une pause de près de 20 minutes à la résidence du sous-préfet, le convoi de véhicules entame les 40 kilomètres restants des 62 qui séparent la commune urbaine de Fria au secteur de Horèguilintiwol. Voyager sur ce chemin à peine existant est un véritable calvaire. Même les ponts font défaut sur les ruisseaux. Heureusement, les pick-up de marque Toyota semblent être faits pour ce genre de pistes. Le convoi arrive quand même, à grand-peine, à Horèguilintiwol, après deux heures sur le trajet caillouteux. IMG_4978
Surprise
L’accueil est chaleureux à Horèguilintiwol où l’épidémie a commencé depuis le 26 mai dernier. Ici, comme au chef-lieu de la sous-préfecture, il faut passer par le sceau d’eau de javel. Une surprise pour beaucoup d’entre les membres de la délégation qui craignaient une possible résistance. Les officiels installés, le président du district de Kola (duquel relève Horèguilintiwol) leur présente le Toli (bienvenue en langue Poular). Le muezzin du village, Yéro Bhoye Diallo, prend le relais. Dans un discours à n’en plus finir, le volubile souhaite de nouveau la bienvenue aux hôtes de marque. Il fait l’éloge du président Alpha Condé, du ministre de la Jeunesse et de l’autorité préfectorale. Pour lui, la Guinée est une famille dans laquelle vivent les Poulars, les Malinkés, les Soussous et les Forestiers… Il vient à l’essentiel : « si au départ nous n’avons pas cru, nous croyons désormais qu’Ebola est une réalité. Nous sommes prêts à combattre cette maladie pour qu’elle finisse complètement en Guinée…» Par derrière, Yéro Bhoye Diallo expose les doléances du village. En porte-parole, il signalera que Horèguilintiwol a besoin de route et d’un centre de santé.
On a dû signaler au muezzin d’arrêter son discours afin que les visiteurs puissent parler. Donc, le préfet Hadja N’yanlé Condé introduit Moustapha Naité en langue Poular. Le ministre s’essaye en Poular à l’entame de son discours. Mais il éprouve tout de suite des difficultés dans l’articulation du nom Horèguilintiwol qu’il finira par bien prononcer. Il entre dans le vif du sujet, et se présente comme un émissaire du président Alpha Condé. « C’est le président Alpha Condé qui nous a envoyés, nous sommes venus vous soutenir », leur a-t-il rassuré. Avant de se réjouir en ces termes : « nous sommes rassurés par votre prise de conscience. Je rendrai compte au président Alpha Condé de ce que nous avons vu… Je lui ferai également le compte rendu de vos revendications légitimes », a promis Naité.
« Je lui dirai qu’il y a des patriotes à Horèguilintiwol, qui ne veulent que le développement du pays. Je n’ai pas rencontré de Peulh, ni de Soussous, ni de Malinkés, ni de Forestiers… Je n’ai vu que des Guinéens qui veulent l’avancement du pays…», a poursuivi le ministre de la Jeunesse.
« Dans les prochains mois, on reviendra vers vous…», a-t-il ajouté, faisant applaudir de nouveau les hôtes.
Moustapha Naité a rassuré davantage les citoyens de Horèguilintiwol en leur faisant croire que toute la Guinée, et même la communauté internationale, est préoccupée par leur situation.
À côté du ministre, la joie se lit dans les visages des agents de la lutte contre Ebola. Ils se rappellent, la première fois qu’ils se sont rendus dans ce village, ils ont été renvoyés par ses habitants. Mariame Ibrahim Camara, agente de l’OMS explique aux journalistes qu’il y a 109 contacts à suivre dans le district de Kola – qui a quatre secteurs – dont 89 à Horèguilintiwol. La difficulté, explique la jeune femme, c’est que beaucoup de ces contacts sont hors du village. Il faut donc convaincre les gens à faire revenir leurs parents dans les villages.
Moutapha Naité ne s’est pas limité au discours. Il a apporté aux villageois, des sceaux, du savon, de l’eau de javel, mais aussi un sac de riz pour la famille d’un cas probable récemment décédé. Après avoir fait ce don, le ministre et sa suite doivent rebrousser chemin. Mais madame le préfet sollicite que la délégation ce rende à Kaoudan Bayla, un village situé à moins de 10 kilomètres de Horèguilintiwol. Probablement, elle a voulu que le ministre s’imprègne de la réalité du terrain.
Dernier résistant
Le chemin qui mène à Kaoudan Bayla semble être plus mauvais que celui reliant Banguigny-Sodjorè à Horèguilintiwol. Mais les véhicules foncent comme ils peuvent vers cet autre village, inconnu pour la plupart des membres de la délégation. Après moins de 30 minutes de trajet, les agents de la sécurité ont dû descendre pour dégager le chemin d’une barricade probablement élevée par les villageois. Le convoi poursuit son chemin, et finit par arriver à Kaoudan Bayla.
Le village est déserté par ses habitants. On estime qu’ils ont fui. Et on se rend tout de suite à l’évidence. Car après s’être enfermé dans sa maison, un homme fini par sauter par la fenêtre pour se cacher dans la brousse. Entre-temps, vint Alhassane Diallo, apparemment dans la trentaine. Le jeune homme, de retour de son champ, ne s’attendait visiblement pas à tout ce monde dans son village – parmi ces gens, le ministre, le préfet, le sous-préfet, des agents de l’OMS, des policiers, des journalistes. Alhassane est apparemment angoissé. Mais il lui est difficile de fuir. Alors, on tente d’abord de le rassurer. Et le ministre parvint à le faire avec l’appui du préfet. Alhassane finit par prendre courage et devient sur le champ "ami" du ministre. Alhassane est ainsi sensibilisé par le ministre. En réponse, il promet de sensibiliser à son tour ses cohabitants. « Je crois vraiment à cette maladie. Mais les rumeurs ne nous rassurent pas dans ce village. On entend dire beaucoup de choses… À partir d’aujourd’hui, je n’ai aucun doute, et je vais essayer de convaincre les autres », a réagi Alhassane.
Le courage du jeune homme a été payant. Pendant qu’il échangeait avec le ministre, trois autres jeunes gens sont sortis, on ne sait d’où, pour rejoindre la scène. Comme Alhassane, eux aussi ont été convaincus du message sur Ebola. Alhassane a même été nommé point focal de la lutte anti-Ebola à Kaoudan Bayla. Il a reçu la carte de visite du ministre, et peut l’appeler à tout moment…