Deux mauvaises nouvelles sont venues ternir les espoirs de libération rapide de l’opposant congolais Jean-Pierre Bemba. Détenu par la Cour pénale internationale (CPI) depuis 2008, le chef du MLC est accusé de crimes de guerre et crime contre l’humanité commis par ses troupes en Centrafrique entre 2002 et 2003. Fin mai, en moins d’une semaine, la CPI a rejeté la demande de libération provisoire du sénateur Bemba et a fixé au 29 septembre 2015, la date d’un second procès pour subornation de témoins. Deux décisions qui repoussent les perspectives d’une libération proche. Un coup dur pour les soutiens du leader du MLC, qui verrait bien Jean-Pierre Bemba jouer les premiers rôles dans la prochaine élection présidentielle, prévue fin 2016.
« On cherche à l’empêcher de participer aux élections »
L’avenir politique de Jean-Pierre Bemba reste donc très incertain. Pour Norbert Tricaud, un avocat international qui connaît bien l’Afrique et le dossier Bemba, la mise à l’écart du sénateur congolais risque d’être encore longue. « Si au final, Jean-Pierre Bemba finira bien par être libéré, il n’y aura aucune décision, avant le printemps 2016 » estime l’avocat. Un délai « serré » pour pouvoir participer à l’élection présidentielle congolaise, normalement fixée en décembre 2016. Selon Norbert Tricaud les charges retenues contre le sénateur Bemba n’ont qu’un seul objectif : « écarter un homme politique populaire de scène politique congolaise ». « Bemba fait de l’ombre à Joseph Kabila et on cherche à tout prix à l’empêcher de participer aux élections ». Selon l’avocat français « le dossier est vide, les accusations de la CPI sont insuffisantes et les témoignages sans validité ». Pour preuve, Norbert Tricaud avance la requalification des charges contre Bemba : « le sénateur Bemba est désormais indirectement responsable de ce que faisaient ses troupes en Centrafrique ». Et la seconde affaire de subornation de témoins, dans laquelle le bras droit de Bemba, Fidèle Babala et son avocat, Aimé Kilolo, sont accusés d’avoir soudoyé des faux témoignages, ne serait « qu’un moyen pour la CPI de retarder la procédure ».
« Il sera automatiquement libéré »
Si tout le monde ne croit pas au « complot politique », la détention pendant 7 ans de Jean-Pierre pose toutefois plusieurs interrogations. « La justice doit être rendue dans un délai raisonnable, explique Maître Tricaud, et là nous sommes totalement dans le déraisonnable. Ce procès est inéquitable, car instruit uniquement à charge ». Pour les partisans de Jean-Pierre Bemba, la CPI est enlisée dans le procès centrafricain et cherche à sortir « par le haut » en lançant la nouvelle affaire de subornation de témoins ou en faisant « traîner la procédure ». Car, même si au bout du compte Jean-Pierre Bemba est finalement condamné, quelle sera la peine ? « Peut-être 5 ans, répond Norbert Tricaud, mais comme le leader du MLC a déjà fait 7 ans de prison… il sera automatiquement libéré ».
« La CPI pourrait interdire son retour à Kinshasa »
Pourtant, la remise en liberté du sénateur Bemba ne signifie pas forcément un retour aux affaires pour le « chairman » du MLC. Norbert Tricaud croit savoir que la CPI travaille sur un « habillage juridique pour éviter le retour de Bemba en RDC ». Selon l’avocat, la Cour pourrait donc interdire à Jean-Pierre de revenir à Kinshasa : « un pays d’accueil a même été avancé, comme le Vénézuela ». Autre artifice : la privation des droits civiques ou l’inéligibilité du sénateur congolais. Mais là encore, c’est un casse-tête juridique. De son côté, la CPI a toujours réfutée toute idée de « procès politique ». Selon la Cour, la lenteur de la procédure est essentiellement due à la « complexité de l’affaire, aux différentes remises en cause de la compétence de la Cour, à la requalification des charges et au nombre important de témoins ».
Un report des élections pourrait favoriser Bemba
Au Congo, le climat politique se tend à l’approche de la présidentielle de 2016 et le dossier Bemba reste sensible. Une ambiance politique délétère qui pourrait se crisper avec un possible retard dans le calendrier électoral. La Constitution actuelle interdisant Joseph Kabila de briguer un troisième mandat en 2016, l’opposition redoute que le président congolais ne cherche à se maintenir au pouvoir en retardant le processus électoral. Les prochaines élections locales risquent notamment de ne pas pouvoir se tenir en octobre, faute d’un consensus politique sur la future répartition des sièges. Un « glissement » du calendrier après 2016, qui pourrait finalement jouer en faveur du sénateur Bemba, qui en aurait alors peut-être fini avec la justice internationale.
Christophe RIGAUD, Afrikarabia