Aussitôt que le Conseil des ministres élargi de Samba Panza ait accouché par césarienne d’une minuscule souris, presque tous les analystes savaient que les temps politiques jouaient contre l’Autorité Nationale des Élections (ANE). Dès lors, si l’ANE ne choisit pas d’agir selon le tempo des attentes de l’opinion nationale et internationale, son travail serait d’office compromis. Et si elle échoue sa mission, elle rejoindra sans coup férir le cimetière ensoleillé des éternels incompétents de la République. A dire vrai, l’Autorité Nationale des Élections dispose de très peu de marges de manœuvre dans ce processus électoral qui s’enivre déjà du parapluie encombrant du duo Kamoun et Samba Panza. Pour comprendre tous les fourmillements de système qui empoisonnent cette organisation électorale chers lecteurs et lectrices, suivez à partir de vos différentes fenêtres notre développement.
L’organisation électorale
D’après la Charte de la transition, l’Autorité Nationale des Elections est l’unique structure organisatrice des prochaines échéances électorales. A ce titre, elle est habilitée à mettre en place ses démembrements (comités locaux), recruter de façon ponctuelle les agents électoraux (agents de recensements, agents de votes, de dépouillements …), établir un chronogramme d’action, procéder au recensement des électeurs, fractionner les bureaux de vote, commander les matériels électoraux, officialiser le dépôt des candidatures, organiser le scrutin proprement dit etc …En dehors de l’ANE, aucune structure n’est autorisée à proposer un calendrier électoral à l’opinion nationale et internationale. Par souci d’apaisement et d’un climat de sérénité post électoral, la Charte de la transition a également prévu un cadre de concertation que préside Monsieur Lenga depuis sa mise en place. Ce cadre de concertation favorise le dialogue entre tous les acteurs sociopolitiques qui sont impliqués dans le processus électoral. C’est également un outil de gestion et d’anticipation des conflits post électoraux. Bien que les termes de référence du cadre de concertation soient clairs, le pouvoir de Bangui rechigne cependant à lui donner les moyens financiers et matériels conséquents. C’est pourquoi celui-ci peine à prendre son envol depuis sa mise en place. Au demeurant, certains débatteurs pensent que toutes les tâches du Cadre de Concertation sont quasiment absorbées par le Comité Stratégique du Suivi des Élections qui se substitue peu à peu à l’ANE. Quelles sont les tâches réelles du Comité Stratégique de Suivi des Élections que dirige le Premier Ministre Kamoun ?
Comité Stratégique de Suivi des Elections
Ces temps-ci, le Comité Stratégique de Suivi des Elections n’arrête pas de bombarder l’opinion nationale et internationale de communiqués fantaisistes dans lesquels on y trouve parfois des mots les plus crus tels que: « le Comité Stratégique de Suivi des Élections a instruit l’ANE sur… » etc. A scruter de près les différents Communiqués de ce Comité Stratégique de Suivi des Elections, on penserait que les élections se préparent depuis le bureau feutré du premier ministre. Dans le cas échéant, comment le Comité Stratégique pourrait ‘il instruire à tout va l’ANE ? En tout cas, la tentation de croire que les Autorités de la transition agitent une main de confiscation de pouvoir derrière ce Comité est véritablement grande. D’ores et déjà, plusieurs analystes s’accordent à dire que le pouvoir de Bangui utilise ce Comité Stratégique comme un tremplin pour assouvir ses intentions cachées. Tantôt le Comité communique sur l’état d’avancement des travaux de l’ANE, tantôt il donne des instructions à la structure organisatrice des élections. Comme si cela ne suffit pas, il publie le calendrier électoral et renvoie l’ANE, les potentiels candidats et électeurs dos à dos. Cette démonstration de force prouve à suffisance que le pouvoir de Bangui a une mainmise sur le processus électoral de la même manière qu’il en disposait sur le Conseil des ministres élargi que ses sous-fifres appelaient insidieusement « Forum de la dernière chance ». A quoi joue réellement le Comité Stratégique de Suivi des élections ? Ne devrait ‘il pas plutôt se focaliser sur le suivi et évaluation du processus électoral que de s’accaparer le rôle de l’ANE? Cette usurpation de tâche ne cache t’elle pas une intention inavouée des Autorités de Bangui?
Agenda caché des Autorités de Bangui
De la même manière que les Autorités de Bangui avaient verrouillé et cadenassé le Conseil des ministres élargi de Samba Panza, celles-ci voudraient vaille que vaille en faire autant pour le processus électoral en cours. L’idée sous-jacente de cette mainmise consiste dans un premier temps à tirer en longueur le processus électoral en vue de rallonger au maximum la transition. Dans un deuxième temps, la parfaite maîtrise du processus permettrait au système en place de faire un deal sur la passation du pouvoir avec un potentiel candidat. Dans les deux cas, l’objectif recherché des Autorités de Bangui est de manipuler les élections comme une manette de playstation. Figurez-vous qu’en publiant le calendrier électoral, les Autorités de la transition voudraient seulement montrer leur bonne foi pour la tenue des élections. Qu’on se le dise, la date du recensement est techniquement intenable à partir du moment où les agents électoraux (agents de recensement) ne sont pas encore identifiés et l’administration centrafricaine peine encore à se redéployer sur le terrain. Encore faut-il que les Autorités de Bangui gèrent le traquenard sécuritaire sous l’ongle politique pour que le recensement général ait lieu dans les zones de conflit. Ce qui revient à dire que ce calendrier ne sera qu’un écran de fumée. Il se pourrait que les ex-seleka refusent que le recensement se fassent dans leurs zones d’occupation et le pouvoir de Bangui surferait sur ce refus pour s’offrir à nouveau un chèque en blanc afin de rallonger encore une fois de plus la transition. Quoique certains matériels électoraux soient déjà à Bangui, il en demeure pas moins que l’idée d’un probable report taraude l’esprit de nombreuses personnalités à Bangui.
A quatre jours de la date officielle de recensement, rien est encore prêt du côté de l’ANE. Tout porte à croire que le Comité Stratégique attise le feu électoral et l’ANE joue plutôt au pompier. Espérant que ce jeu mi-figue mi-raisin de l’ANE et du Comité Stratégique ne transformerait pas le processus électoral en eau de boudin. Autrement, nous ne cesserons d’utiliser les mots contre les maux.
Rodrigue Joseph Prudence MAYTE